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Les labos se rapp rochent des patients
Les labos seraient-ils devenus philanthropes ? On peut s’interroger. A la remise des prix du 25e Festival de la communication santé le 8 janvier dernier*, ils étaient une douzaine à concourir dans la catégorie « santé publique ». Avec des campagnes au bénéfice… des patients.
Que toute personne surfant sur « ilparaitquelapilule.com » soit défiée de s’apercevoir du premier coup d’œil qu’il s’agit d’un site orchestré par Biogaran, dans sa campagne pour informer sur les contraceptifs oraux. Il faut « scroller » jusqu’en bas de page pour voir apparaître le nom du labo en toute discrétion. « Nous nous adressons à des jeunes filles de 18 à 24 ans que les messages institutionnels font fuir », explique Corinne Dardel, responsable marketing. De même, qui peut deviner d’emblée que la campagne digitale pour le dépistage du mal de dos inflammatoire NLTPLD – pour « Ne lui tournez pas le dos » – est financée par AbbVie ?
Les stratégies de communication des laboratoires éthiques ont clairement pris le virage patient. « Biogaran ne renie pas son travail qui se poursuit notamment vis-à-vis des pharmaciens. Mais pour notre campagne “ilparaitquelapilule”, nous avons décidé de toucher notre cible de jeunes filles directement où elles se trouvent », explique Corinne Dardel. Ainsi, c’est sur Youtube et Facebook que les 7 vidéos dénonçant les idées reçues sur la pilule (ça fait grossir, ça fait chuter la libido, etc.) ont été diffusées pendant 4 semaines en octobre dernier. Ces vidéos renvoyaient sur le site « ilparaitquelapilule ». Si les médias changent, le ton des campagnes aussi. Biogaran a laissé tomber le convenu et surfe sur le décalé. Toujours pour être en phase avec sa cible, le labo fait intervenir dans ses vidéos des jeunes hommes avec un vocabulaire parfois cru. Et ça marche ! Sur le mois d’octobre 2014, 6,5 millions de vidéos ont été vues dont 4,2 millions à 100 %, et le site « ilparaitquelapilule » a reçu 113 000 visites.
Autre nouvelle tactique pour communiquer efficacement auprès des patients : créer des partenariats avec des associations gages de crédibilité. « Nos relations avec les labos ont changé. Avant nous venions chercher notre chèque, et basta. Maintenant nous construisons ensemble des outils pour le bien des patients. » Jérôme André, président de l’association HF Prévention, sait de quoi il parle. L’association, spécialisée dans le dépistage du sida dans les zones de rencontres à risques, a développé l’appli TUP (Trouver Un Préservatif) main dans la main avec le laboratoire MSD. L’appli recense en France tous les distributeurs de préservatifs et les lieux de dépistage du virus HIV selon la géolocalisation de chacun. « MSD ne nous apporte pas que de l’argent, le laboratoire met aussi à contribution ses médecins et son réseau », précise Jérôme André. De son côté HF Prévention met à jour les bases de données (payantes pour le recensement les pharmacies !). L’association est aussi « utile » à MSD via son pouvoir médiatique. Ainsi, grâce à elle, la promotion de TUP est assurée bénévolement par Marina Carrère d’Encausse. Mieux, l’appli bénéficie en 2015 de 500 000 € de pub TV entièrement offerts par les chaînes !
Campagnes plus efficaces
« Aujourd’hui les associations de patients sont réellement prises en compte par les labos et ce n’étaient pas vraiment le cas il y a encore trois ans, se félicite Jean-Noël Dachicourt, directeur de l’AFLAR (Association française de lutte antirhumatismale). Il nous arrive de refuser notre collaboration si le projet ne nous semble pas correct. Les contrats sont bordés. C’est du gagnant-gagnant. » Ainsi l’AFLAR a participé avec l’Association France Spondylarthrite à la campagne « Ne lui tournez pas le dos » orchestrée par AbbVie. L’idée ? Aider au dépistage du mal de dos chronique d’origine inflammatoire à partir de 5 questions relayées sur le site nltpld.com et les réseaux sociaux. Avec comme point d’orgue une journée de sensibilisation dans 12 gares en France. Pour le laboratoire, la démarche est la suivante : « De la même façon que nous coconstruisons nos campagnes avec les professionnels de santé, nous y associons toujours les associations de patients. Car c’est en travaillant ensemble que nous répondrons au mieux à leurs besoins », insiste Françoise Poterre, directrice de la communication. Le partenariat va loin. « Abbvie nous a invités à rencontrer ses salariés, à témoigner auprès de ses services comptables, et même à participer à un congrès de managers… », confie Jean-Noël Dachicourt. On en oublierait presque que l’objectif numéro un d’un laboratoire est de vendre des médicaments… Alors quel est vraiment l’intérêt de dépenser de l’argent à des fins de santé publique ? Au-delà de l’entretien de leur image « les labos assument désormais une responsabilité sociétale », constate Jérôme André.
Retour sur investissement indirect
On peut aussi se demander pourquoi un génériqueur comme Biogaran s’engage en faveur d’une contraception bien suivie. « En tant que numéro deux sur le marché des contraceptifs oraux, nous estimons que c’est notre rôle. Si les jeunes prennent bien leur traitement on limitera les dépenses de santé liées à la mauvaise observance », indique Corinne Dardel. La stratégie se veut donc à moyen terme. « Notre campagne NLTPLD n’a pas de retour direct en termes de prescriptions, et ce n’est pas son objectif premier. Notre but est d’accompagner le patient tout au long de son parcours de soins. Dans le cadre de NLTPLD, c’est important d’aider les personnes, souffrant d’un mal de dos récurrent, à dépister une cause inflammatoire pour une meilleure prise en charge. » Une prise en charge qui pourra, un jour, passer par les biothérapies commercialisées par le laboratoire.
* Tout le palmarès sur www.festivalcommunicationsante.fr
De l’art !
C’est le coup de cœur du jury Santé publique du 25e festival de la communication santé. La campagne Perspectives d’Abbvie est unique en son genre.
Le labo a fait se rencontrer, dans 40 pays, artistes et patients atteints de maladies inflammatoires. Et s’est retrouvé à la tête d’une collection de 200 œuvres d’art exprimant le ressenti des malades. Ainsi est née l’exposition « Perspectives, Art, Inflammation & Me » qui s’est tenue à San Diego, à Copenhague puis à Paris en juin 2014. Pour sensibiliser le grand public au fardeau de la maladie.
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