« Ouvrir un véritable droit à l’accès aux données de santé »
L’article 47 du projet de loi santé de Marisol Touraine sur les données de santé concentre nombre de critiques. Après la Mutualité Française et les représentants des patients, l’Ordre des médecins vient de réclamer sa réécriture. Le point avec Christian Babusiaux, président de l’Institut des données de santé (IDS), organisme qui gère actuellement l’accès à ces données.
Le projet de loi santé marque-t-il un progrès dans l’accessibilité aux données de santé ?
L’article 47 est un texte long et complexe qui renvoie à plusieurs décrets d’application. En tant que tel, le projet de loi ne marque pas de progrès vers l’ouverture des données. Ce qui est prévu d’être mis en open data, c’est-à-dire à disposition d’un large public, ce sont des données agrégées, qui sont déjà accessibles à un certain nombre d’acteurs. Mais ce qui est important pour la recherche ou pour les acteurs du système de santé, ce sont les données anonymisées qui permettent de connaître l’ensemble des actes et traitements dont a bénéficié un patient ou une catégorie de patients et d’étudier de manière anonymisée les parcours de soins. Or sur ce point, le texte prévoit un mécanisme administratif qui présente un risque d’embouteillage et met à l’écart du processus de décision les acteurs de la société civile.
Que préconise l’Institut des données de santé ?
Tous les acteurs du système de santé doivent avoir accès aux données dont ils ont besoin pour mener de la manière la plus efficace possible leur activité. Il faut que les professionnels de santé puissent avoir accès de manière anonymisée aux données sur les pratiques dans leur profession pour pouvoir se situer. Il faut aussi que les organisations professionnelles aient accès aux données globales afin que les négociations conventionnelles avec l’Assurance maladie puissent être menées en toute clarté. De même pour les agences régionales de santé car elles en ont besoin pour organiser l’offre de soins. Sur tous ces points concrets, l’IDS avait fait des propositions dans son rapport au Parlement de juillet 2013 que nous ne retrouverons pas entièrement dans le projet de loi dans son état actuel.
Au regard de votre expérience à l’IDS, pensez-vous que le risque de réidentification des personnes à partir de bases de données soit réel ?
La préservation du secret médical et de la vie privée est un souci essentiel, mais il ne faut pas surestimer les risques de réidentification. Quand une autorisation d’accès est donnée par la CNIL, il y a des règles et des précautions. Les autorisations sont données à des personnes nommément désignées et les utilisations sont traçables. Donc, s’il y avait des dérives, elles seraient rapidement repérées. A ce jour, nous n’avons jamais eu de problème sur la confidentialité des données. Les risques sont aujourd’hui plus du côté de la gestion des fichiers papier ou numériques, par exemple dans les établissements.
Peut-on vraiment ouvrir davantage les données de santé ?
Il faut ouvrir un véritable droit à l’accès aux données de manière encadrée. Nous sommes dans un univers de données. Et si on n’ouvre pas les bases publiques, le risque c’est que les acteurs de la santé recourent de plus en plus à la big data, c’est-à-dire à la collecte, plus difficile à surveiller, de données inorganisées, ce qui n’est pas une voie souhaitable. Parallèlement, il faut majorer les sanctions en cas d’atteinte à la vie privée de manière à avoir un effet dissuasif.
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