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La pharmacie en ligne à deux vitesses
Deux ans après son autorisation, comment se porte la vente de médicaments sans ordonnance sur Internet ? Et, plus globalement, comment se dessine le marché en France ? Enquête.
Il y aurait aujourd’hui en France pas moins de 235 sites de pharmacies agréés par les agences régionales de santé (ARS) pour vendre des médicaments sans ordonnance sur Internet. Premier constat : c’est un marché à deux vitesses qui semble se dessiner. Seule une poignée de sites comme pharmaGDD, Lasante.net, Pharmanco, Pharmashopi ou DoctiPharma parviennent à tirer leur épingle du jeu. Un des pharmaciens leaders, qui souhaite conserver l’anonymat, affiche pour 2014 un CA d’environ 3 M€, en croissance de plus de 60 % par rapport à l’exercice précédent, avec un panier moyen qui ressort à 42 €. Grâce à son site Internet, il aurait quasiment doublé le CA de sa pharmacie ! De son côté, Cyril Tétart, titulaire de la Pharmacie du Bizet à Villeneuve-d’Ascq (Nord) et fondateur du site lasante.net, annonce, lui, un CA compris entre 1,5 et 2,5 M€ pour 2014, en progression de plus de 20 % sur un an, avec des ventes en volume qui se répartissent à 60 % sur le médicament et à 40 % sur la parapharmacie. « Nous gérons en moyenne 170 commandes par jour dans toute la France, avec un panier moyen de 41 € », précise Cyril Tétart. Fondateur de Pharmanco, le site Internet adossé à la Grande Pharmacie des Sports, dans le XVIIe arrondissement de Paris, Thibault Wuhrlin reste lui aussi discret sur le CA de son site qui enregistre entre 120 et 150 commandes par jour, avec 70 % des ventes réalisées sur la parapharmacie.
PREMIERS arrivés, premiers servis
Pour figurer dans ce cercle très fermé des leaders, il fallait faire partie des primo-entrants et avoir une stratégie d’investissement ambitieuse. Notre pharmacien anonyme confie avoir misé 1 M€ dans l’affaire. Cyril Tétart loue, lui, un local de 200 m2 à 20 m de sa pharmacie, et a déjà recruté dix personnes qui travaillent exclusivement pour lasante.net. « L’équipe est composée de cinq pickers qui s’occupent de la logistique, confie Cyril Tétart. La mise en colis est effectuée par deux préparateurs sous la responsabilité d’un pharmacien. Un autre préparateur gère la relation avec les clients (40?appels par jour). Une acheteuse et un expert en marketing pour la stratégie commerciale complètent l’effectif. »
Autre point commun entre tous ces sites leaders : ils proposent une offre conséquente aux internautes. Quand lasante.net annonce 1 000 médicaments et 5 000 références en parapharmacie, Pharmanco en revendique 3 000 et 7 500. Tous ont également adopté une politique de prix compétitive. « Sur Internet, le prix est fondamental, confirme Jérôme Gobbesso, l’un des fondateurs de Newpharma, un site belge qui a atteint 18 M€ de CA en 2014 et dont 30 % des ventes de médicaments sont réalisées en France. Mais nous avons toujours refusé de nous aligner sur les discounters, pour pouvoir tenir sur le long terme. Nous pratiquons donc des prix en moyenne 15 % au-dessus d’eux. »
Dès que l’on quitte l’univers des sites leaders, le bilan est nettement plus mitigé. Du côté des groupements, la grande majorité ne s’est pas positionnée sur le marché, la réglementation empêchant les plates-formes adossées à un réseau. Chaque adhérent doit gérer son site.
DES PLATES-FORMES en devenir
Chez Giphar, la solution e-commerce proposée peine à se déployer. « Deux après la mise en ligne de notre site, les ventes restent anecdotiques car le catalogue se limite essentiellement aux produits à la marque du groupement », regrette Laurent Mingeau, cotitulaire à Pouilly-sur-Loire (Nièvre). La mayonnaise a aussi du mal à prendre chez Univers Pharmacie qui a fait le choix d’un site amiral à son nom. Pour respecter la réglementation, celui-ci est adossé à l’officine de Daniel Buchinger, le président du groupement. Après un an et demi, les ventes progressent (50 par jour en moyenne), « avec 6 % des commandes livrées via nos pharmacies adhérentes sur toute la France », précise Daniel Buchinger.
Du côté plates-formes mutualisées, 1001pharmacies.com annonce un CA 2014 de 7 M€ réalisé par les 500 pharmacies partenaires (soit 1 400 € en moyenne par pharmacie). « Et nous n’étions pas loin des 200 000 clients, un chiffre que nous espérons tripler en 2015 », confie Cédric O’Neill, président de 1001pharmacies.com. Reste qu’aucune officine de la plate-forme n’a obtenu l’agrément de l’ARS pour vendre des médicaments en ligne. Chez DoctiPharma, le site fédère une cinquantaine d’officines, dont une a le sésame pour les produits avec AMM. Pierre Claverie, de la Pharmacie Migron à Bordeaux, a rejoint la plate-forme il y a neuf mois, et en a tiré un CA inférieur à 2 000 €. « Notre officine n’apparaît que très rarement en tête de liste sur les pages de recherche. Et d’après ce que je sais, seuls quelques confrères qui pratiquent des prix agressifs parviennent à réaliser un CA significatif sur la plate-forme, avec quel bénéfice ? » Cruciale, la question de la rentabilité a été posée aux plus grosses e-pharmacies françaises. L’eldorado se fait encore attendre pour le pharmacien anonyme qui a investi 1 M€ dans son site. Lasante.net commence à gagner de l’argent avec un résultat net comptable de 10 000 € en 2014. Alors que Pharmanco a atteint son point d’équilibre il y a trois mois…
RéglementationEn plein flou
L’annulation par le Conseil d’Etat de l’arrêté relatif aux bonnes pratiques changera-t-elle la donne sur le marché de la vente de médicaments sur Internet ? Rien n’est moins sûr pour Bernard Geneste, avocat associé au cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre, qui a défendu le recours formulé pour le compte de 1001pharmacies.com.
« D’abord parce que cet espace de permissivité ne durera qu’un temps, le gouvernement ayant demandé un an pour revoir sa copie. Ensuite, parce que, d’après les premiers échos, on s’oriente vers une reprise intégrale des dispositions du texte. » Pour Cédric o’Neill, président de 1001pharmacies.com, le combat continue. « Nous demandons toujours l’annulation du texte qui interdit les places de marché et les sites de groupement. J’observe d’ailleurs que 19 députés ont déposé un amendement qui va dans ce sens, et que le ministre de l’Economie ainsi que le président de l’Autorité de la concurrence sont sur la même longueur d’onde que nous. »
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