Le client a regagné du pouvoir et exige un service omnicanal

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Publié le 1 septembre 2015
Par Peggy Cardin-Changizi
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Aux confins de la solderie et de l’e-commerce, le déstockage en ligne devient légion. Sur ce secteur où on ne parle pas de promos mais de ventes privées, Showroomprivé.com a réussi à se faire u nom. Analyse avec Pingki Houang, Directeur général de la société.

Créé fin 2006 par David Dayan, spécialisé dans le rachat de surstock de prêt-à-porter, et Thierry Petit, expert en e-commerce, le site de déstockage en ligne showroomprivé.com a réalisé fin 2014 un volume d’affaires de 480 M€, en croissance de 40 % sur l’année. Le tout en étant rentable depuis le début. Sur le modèle de vente-privée.com, Showroomprivé exploite le filon des ventes privées des marques : sur une période donnée, elles écoulent via le site leurs invendus des années précédentes. Un concept qui fait mouche, surtout lorsqu’il s’accompagne d’une offre séduisante, de membres qualifiés et de services au top.

« Pharmacien Manager ». Vous enregistrez une forte croissance depuis votre création. A quoi attribuez-vous votre réussite ?

Pingki Houang. Nous sommes arrivés après vente-privée.com, mais avec une cible différente. Nous nous sommes concentrés sur la « smart woman ». C’est en général une femme de 37 ans, avec au minimum un enfant à charge, active, qui recherche un mix entre l’offre produit, la sécurité d’achat et l’achat malin. Cette femme a peu de temps à consacrer pour elle-même. D’où notre base line : « Il est urgent de se faire plaisir avec des grandes marques ». Nous avons 20 millions de membres dont 15 millions en France. 20 % des acheteurs sont en Ile-de-France, et 70 % sont des femmes. Au fil du temps, nous sommes devenus un canal de distribution à part entière. Mais nous sommes des commerçants avant tout. Donc on s’appuie sur une offre produit qui correspond à nos membres : le prêt-à-porter, les chaussures, les accessoires de mode et la cosmétique.

P.M. Plus globalement, comment expliquez-vous le boom du déstockage en ligne ?

P.H. Actuellement, on est plutôt dans une phase de consolidation. Sur le marché français du déstockage en ligne, Vente-privée est en tête et Showroomprivé arrive deuxième. Puis on trouve loin derrière Brandalley et Bazarchic. Désormais, l’écart se creuse entre les acteurs. Pour moi, il n’y a pas de place pour plus de deux sociétés sur le marché, sinon il y a potentiellement une atteinte à l’image des marques.

P.M. Existeriez-vous s’il n’y avait pas la crise ?

P.H. On est un site anticrise. Dans un contexte économique difficile, les acheteurs recherchent les achats malins. La vente privée, c’est avoir la meilleure offre possible avec des belles marques et un grand choix de tailles et de couleurs. Cela ne fonctionne que si la marque le fait avec parcimonie et de manière très planifiée. Elle ne doit pas être en discount partout.

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P.M. Qu’est-ce qui vous différencie d’un soldeur traditionnel ?

P.H. Nous répondons à un besoin des marques de corriger une erreur d’appréciation de volumes de stock. Du coup, nous mettons en vente les invendus des collections des années précédentes. Ainsi, en dehors des périodes de soldes classiques en France, les consommateurs ont la possibilité d’accéder à des grandes marques sur les collections passées à des coûts réduits.

P.M. L’e-acheteur est-il aussi exigeant vis-à-vis d’un commerce qui fait du prix ?

P.H. Dans le contexte économique actuel, le client a très clairement regagné le pouvoir. En réalité, il est exigeant partout et attend un service omnicanal. Sur le web, il peut être dans une situation plus anxiogène car il n’a pas de vendeur en face. Donc il va plus vite s’inquiéter si sa commande est en retard ou si son remboursement n’est pas fait. Chez nous, ces points-là sont traités en priorité. Dès qu’il y a un problème, on rembourse sous 5 jours au maximum.

P.M. Comment recrutez-vous de nouveaux membres ?

P.H. Nous avons mis en place une stratégie pour développer notre notoriété. De 40 % il y a 2 ans, elle est passée à 80 % en 2014 grâce à du sponsoring TV et à des annonces radio. Nous faisons également quelques actions type « happy evening » pour les marques et les blogueuses. Par ailleurs, avec des marques stratégiques, on va parler sur nos réseaux sociaux. Nous venons également d’ouvrir un blog, tourné vers la mode. On y parle de tendances, de marques partenaires même si les ventes sont terminées. Résultat : nous recrutons 15 000 nouveaux membres par jour au niveau européen.

P.M. Quels sont les ingrédients de la réussite de l’e-commerce ?

P.H. Il y en a à mon sens trois incontournables : la profondeur de gamme, la sensibilité prix et la maîtrise de la supply chain (rapidité de livraison, coût des frais de port, gestion d’un litige…). Nous sommes dans une optimisation continue et permanente de la qualité de service. Nous avons une majorité de ventes que l’on appelle « conditionnelles » (où nous n’avons pas les produits en stock). En moyenne, le client doit attendre entre 15 jours et 20 jours pour qu’il reçoive sa commande. Parallèlement, nous avons lancé en 2012 un service baptisé « Demain chez vous », qui pèse 30 % du CA global. Cela sous-entend que nous avons acheté des stocks et que les produits sont disponibles dans nos entrepôts.

P.M. Quels sont vos leviers de croissance aujourd’hui ?

P.H. Nos enjeux cette année passent par l’international, qui pèse aujourd’hui plus de 15 % du CA global. On doit continuer à être aussi ultraperformant sur le mobile, qui représente déjà 60 % du trafic et 45 % du CA en 2014. A terme, chez nous, le mobile va supplanter le web. Nos clients se connectent dans les transports dès 7 h le matin car ils savent que les stocks sont limités ! Enfin, nous misons sur l’innovation. Dans cette optique, nous venons de lancer notre incubateur de start-up, Look Forward. Nous avons fait un appel à candidature pour accueillir une dizaine de jeunes entreprises, avec un credo : « Vous êtes dans la mode et l’innovation ? On est prêt à vous accueillir dans nos locaux pour vous faire profiter de nos compétences pour vous aider à monter votre projet ».

P.M. Dans quel domaine ne feriez-vous pas de ventes privées ?

P.H. A partir du moment où la loi est respectée et où il y a de la demande, il n’y a pas de limite. On demande régulièrement à nos clients ce qu’ils aimeraient se voir proposer. On a ainsi développé l’univers du meuble et du sport. En cosmétique, nous ne proposons pour l’instant que des produits basiques (savon, crème, bien-être en général). Car les marques ont aussi besoin que l’on génère du trafic dans leurs points de vente physiques. Dans cet objectif, nous proposons les « extras », des bons d’achat à dépenser dans les magasins.