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Ce que veulent les étudiants
Pour les étudiants en pharmacie, l’avenir s’écrit déjà au présent. Nouvelles missions, interprofessionnalité, suivi du patient : ils ont leur point de vue sur la profession, aujourd’hui en pleine mutation, qu’ils vont exercer. Rencontre avec des représentants de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France.
Elle l’avait annoncé, elle s’y est tenue. Mi-septembre, l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) indiquait qu’elle ne s’associerait pas à la journée de mobilisation des officinaux prévue le 30 septembre. Une volonté de s’émanciper de ses aînés et des syndicats, en désaccord sur la communication et les actions à mener ce jour-là. Les administrateurs de l’ANEPF ont préféré s’associer à la Journée mondiale des pharmaciens – World pharmacists day – du 25 septembre. Cet événement, organisé par la Fédération internationale pharmaceutique, a pour objet de valoriser le métier officinal. Les étudiants français ont proposé aux pharmacies une affiche en ce sens et ont largement communiqué, via les réseaux sociaux, sur les missions de l’officine.
Plus globalement, dès qu’on aborde le sujet de l’avenir de la profession, les étudiants évoquent d’emblée la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires) de 2009. « Cette loi est importante car elle instaure le développement de nombreuses missions et la reconnaissance de la profession auprès du grand public, déclare Nassim Mekeddem, président de l’ANEPF et étudiant en 4e année à la faculté de Grenoble. Il faut déjà la mettre en application, par exemple pour les entretiens pharmaceutiques, mais aussi le pharmacien référent en EHPAD, le renouvellement d’ordonnance et l’éducation thérapeutique du patient. Ensuite, nous pourrons aller un peu plus loin. » Pour le président de l’ANEPF, les étudiants sont déjà prêts. « Avec la mise en place des entretiens pharmaceutiques, de plus en plus de cours et de travaux dirigés portent sur la communication et l’éducation thérapeutique du patient. Certaines facultés enseignent désormais comment l’aborder et discuter avec lui. Cela se traduit par une semaine de stage en officine avec la possibilité de réaliser un entretien pharmaceutique qui est bien entendu mené par un pharmacien. Il s’agit de voir comment il se déroule, d’écouter le patient, d’aborder ses pathologies, ses difficultés et de bien le questionner ». Les jeunes ont aussi envie de pratiquer ces entretiens dans leur exercice quotidien. D’ailleurs, ils imaginent une prochaine étape qui serait celle des patients diabétiques. « Le patient doit comprendre la raison de ces entretiens et la façon dont ils vont participer à la compréhension de son traitement et à son observance. L’intérêt du pharmacien est de mettre à profit ses connaissances au bénéfice du patient », explique Hadrien Philippe, vice-président en charge des relations professionnelles de l’ANEPF, en 6e année de pharmacie. Et d’ajouter : « Le pharmacien doit comprendre que c’est une évolution du métier pour une prise en charge du patient interprofessionnelle et pédagogique ».
L’interprofessionnalité commence sur les bancs de l’université
La collaboration interprofessionnelle est d’ailleurs un maître mot des étudiants d’aujourd’hui. A leurs yeux, le pharmacien est un professionnel de santé dont l’exercice et les connaissances sont complémentaires à ceux du médecin. Et pour eux, l’interprofessionnalité commence sur les bancs de l’université. « Pour amener les professionnels de santé à se parler, il faut que cela passe par la formation initiale. Aujourd’hui, même si on peut émettre des réserves, la première année commune aux études de santé – PACES – nous permet de commencer à travailler ensemble, d’avoir des connaissances communes, argumente Nassim Mekeddem. Il faut que cela se prolonge au cours des prochaines années de formation. » Les futurs pharmaciens ne sont pas les seuls à le penser. Avec treize autres associations d’étudiants notamment en médecine, en soins infirmiers ou en kinésithérapie, ils ont élaboré une charte de l’interdisciplinarité dans les études de santé, appelant notamment à avoir une formation partiellement commune entre plusieurs professions de santé sur un sujet commun. Les associations estudiantines ont également établi un catalogue des cours qui pourraient être suivis par plusieurs promotions, concernant la pharmacologie, la gériatrie, la contraception ou bien encore la prévention et l’éducation thérapeutique. Qui dit interprofessionnalité, dit aussi échanges d’informations et de données médicales. L’ANEPF milite ainsi pour la mise en œuvre d’un dossier médical unique, qui regrouperait dossier pharmaceutique et dossier médical personnel, dans le respect des droits du patient. « Le médecin pourrait avoir connaissance des traitements médicamenteux déjà pris et le pharmacien de certains résultats d’analyse, par exemple », souligne le président de l’ANEPF. C’est aussi dans le cadre interprofessionnel que les étudiants conçoivent leurs futures missions comme la prévention, le dépistage notamment avec les tests rapides d’orientation diagnostique (TROD). Et la vaccination… L’ANEPF s’est en effet positionnée pour ce type d’acte à l’officine et a qualifié le retrait de l’article du projet de loi de santé de « rendez-vous manqué » et d’un « échec pour la santé publique ».
L’association souligne qu’« il est évident qu’à l’heure actuelle, les pharmaciens n’ont pas eu toute la formation adéquate pour pratiquer l’acte vaccinal ». Elle observe cependant que « tout étudiant en pharmacie se voit dispenser une formation approfondie en infectiologie et immunologie » et qu’une « formation pratique pourrait très facilement s’opérer lors du stage hospitalo-universitaire de 5e année ».
« L’avenir c’est la pharmacie clinique »
Pour autant, les étudiants n’oublient pas le cœur de métier, à savoir le conseil pharmaceutique. Nassim Mekeddem reconnaît néanmoins que la formation « pêche un peu » dans ce domaine. « Il faudrait développer un peu plus la matière de conseil pharmaceutique. Certaines universités le font. A Grenoble, nous avons un professeur qui nous apprend la démarche de conseil. Il s’agit de pouvoir donner des conseils avant de dispenser un traitement médicamenteux, et d’orienter si besoin vers le médecin généraliste ou les urgences. Cette réflexion doit être poursuivie. » De fait, l’enquête réalisée par Celtipharm à la demande de l’Ordre des pharmaciens auprès des étudiants de 6e année ayant effectué un stage de fin d’études (1 315 répondants), révèle que 6 % d’entre eux auraient aimé approfondir plus ce domaine. Et 8 % regrettent de n’avoir pas plus abordé la pharmacie clinique. Un constat partagé par l’ANEPF. « Nous fondons beaucoup d’espoir sur la pharmacie clinique, c’est l’avenir. C’est important pour nous et pour les patients », remarque Nassim Mekeddem. De fait, les étudiants regardent avec intérêt ce qui se passe au Québec où la pharmacie clinique est développée et où les pharmaciens bénéficient de nouvelles activités dont la prescription de médicaments en prévention ou pour certaines pathologies. Un exercice officinal qui les fait rêver. « Nous sommes à la croisée des chemins. Dans 10 ou 20 ans, l’exercice professionnel sera différent. Nous évoluons vers un exercice où le pharmacien ne sera plus debout et “passif” derrière son comptoir, mais “actif” au côté de son patient. Les étudiants l’ont compris et veulent réfléchir à de nouvelles missions tout en conservant la proximité avec les patients », résume Hadrien Philippe. Cette évolution se traduirait aussi par des regroupements d’officines. Dans cette perspective, les étudiants sont très prudents vis-à-vis du développement d’une pharmacie en ligne qui ne serait pas adossée à une officine « en dur » et sont attentifs à la préservation du monopole, dans un souci de santé publique. « Soit les pharmaciens se tournent vers la pharmacie clinique, les entretiens pharmaceutiques, l’éducation thérapeutique du patient, ils ont les connaissances et les compétences pour le faire, soit ils cherchent des solutions en développant la parapharmacie et les prix bas. Il faudra faire un choix. Pour moi, c’est le patient. Les gens ont confiance en leur pharmacien. Il ne faudrait pas gâcher cette confiance en faisant valoir une activité de commerçant », tranche Nassim Medekkem.
Etudes de pharmacie : on veut des améliorations !
« La première année commune aux études de santé – PACES – n’a pas atteint l’objectif d’interdisciplinarité qui lui était fixé malgré la mutualisation des cours. Le manque d’information et d’orientation a entraîné une certaine hiérarchisation des filières, notamment au détriment de la pharmacie », estime Anne Decagny, vice-présidente de l’ANEPF en charge de l’enseignement supérieur. Plusieurs points sont à améliorer pour la filière pharmacie en particulier. Pour les étudiants, les stages ne sont pas assez nombreux et la cinquième année devrait être mieux exploitée dans ce domaine. La professionnalisation pourrait aussi être plus développée. Le « Grand entretien » (voir page 40) montre que 82 % des étudiants pensent qu’ils n’ont pas acquis assez de pratique au cours de leur cursus, en particulier en management d’équipe, en merchandising, en comptabilité ou en droit de la santé. « Les réformes successives ont donné plus de visibilité à ces nouvelles disciplines », souligne Anne Decagny. L’éducation thérapeutique du patient (ETP) a également fait son entrée dans les cursus. L’ANEPF propose d’ailleurs que les étudiants puissent obtenir le certificat de formation à l’ETP à l’université. Autre point qui préoccupe l’association : la faible mobilité internationale des étudiants. Malgré les programmes tels que Student Exchange Program, International Mobility Project ou Erasmus, seulement 6 % des étudiants en pharmacie font un stage à l’étranger. Cette année, ils sont 30 jeunes à être partis dans divers pays comme l’Inde, Taiwan, Israël ou le Royaume-Uni. De fait, l’enseignement des langues étrangères n’est pas le point fort des études de pharmacie. Malgré ces faiblesses, « la formation est très bonne, cependant il faut encore la faire évoluer pour qu’elle suive au mieux les évolutions du métier de pharmacien et les nouvelles missions qui pourraient lui être confiées », assure Anne Decagny.
La filière industrie en vogue
« Depuis maintenant plusieurs années, nous constatons un fort engouement des étudiants pour l’industrie pharmaceutique », observe Robin Henocque, en 5e année à la faculté de Grenoble et vice-président de l’ANEPF en charge de l’industrie. En effet, un tiers des étudiants se dirige désormais vers cette filière. Pourtant, divers métiers sont encore peu connus. L’ANEPF a donc entrepris plusieurs actions : édition de guides sur les masters, interventions de professionnels, forums de métiers dans les facultés, visites de sites, tables-rondes… « Nous sommes en relation avec plusieurs structures comme le Leem (Les Entreprises du médicament), l’ACIP (Association des cadres de l’industrie pharmaceutique), la section B de l’Ordre qui regroupe les pharmaciens de l’industrie. Nous souhaitons mettre en place des tours de France des facultés avec ces instances », détaille Robin Henocque. Il n’en demeure pas moins que les stages en industrie ne sont guère nombreux. « Il faudrait des stages plus précoces dans nos études. Dans bon nombre de facultés, les étudiants choisissent la filière industrie sans avoir effectué un stage qui leur permettrait d’avoir une meilleure vision des métiers », souligne le vice-président, qui a lui-même opté pour cette filière. Et de conclure : « Le monde pharmaceutique est en pleine évolution, avec notamment le développement du numérique et de la e-santé. L’industrie se doit de jouer un rôle prépondérant dans cette révolution thérapeutique centrée sur le patient ».
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