Benzodiazépines hypnotiques et a p parentés

Réservé aux abonnés
Publié le 26 février 2017
Mettre en favori

Dispenser des benzodiazépines hypnotiques et apparentés pour une insomnie n’est pas un geste banal. Indiqués dans les troubles sévères du sommeil, sur quelques jours, leur utilisation au long cours présente un rapport bénéfice/risque défavorable.

MÉCANISME D’ACTION CIBLE : LE RÉCEPTEUR GABA-A

Les benzodiazépines se fixent sur des sites de liaison spécifiques au niveau du récepteur de l’acide gamma-aminobutyrique, un neuromédiateur inhibiteur du tonus nerveux central. Cette liaison au complexe GABA-A module l’ouverture d’un canal chlore et est à l’origine de l’action sédative, anxiolytique, anticonvulsivante et myorelaxante des benzodizépines.

Le zolpidem et la zopiclone, molécules dites « apparentées aux benzodiazépines », ont une structure chimique différente mais un mécanisme d’action semblable à celui des benzodiazépines. Ils sont uniquement hypnotiques, sans action anxiolytique, myorelaxante ou anticonvulsivante

PHARMACOCINÉTIQUE

Différentes durées d’action

Les différentes molécules se distinguent par leur demi-vie : action prolongée pour le nitrazépam (demi-vie d’élimination de 16 à 48 heures) et l’estazolam (environ 17 heures), intermédiaire pour le loprazolam (8 heures) et le lormétazépam (10 heures), courte pour le zolpidem (2,5 heures) et le zopiclone (5 heures). Les molécules à demi-vie longue exposent à un risque d’accumulation, notamment chez le patient âgé. Les syndromes de sevrage sont plus fréquents avec les molécules d’action courte.

Le métabolisme est hépatique et l’élimination principalement rénale. Le nitrazépam est transformé en métabolites actifs, ce qui explique sa longue demi-vie d’élimination.

Au cours de la grossesse et de l’allaitement, les benzodiazépines sont à éviter. Ces molécules franchissent la barrière placentaire et passent dans le lait maternel. Si besoin, selon le CRAT, le zolpidem ou la zopiclone peuvent être utilisés en traitement bref.

Publicité

INDICATIONS

Insomnie occasionnelle et transitoire

Les indications sont limitées aux troubles sévères du sommeil, occasionnels ou transitoires. Aucune molécule n’est indiquée dans l’insomnie chronique. Les hypnotiques peuvent d’ailleurs être un facteur d’entretien de l’insomnie notamment en raison d’un effet rebond possible à l’arrêt brutal du traitement.

Le traitement doit être aussi bref que possible. Il est limité à 4 semaines, incluant la période de réduction de la posologie. Prolongation possible dans certains cas imposant une évaluation régulière du patient.

CONTRE-INDICATIONS

Troubles respiratoires sévères

L’insuffisance respiratoire sévère, le syndrome d’apnée du sommeil, l’insuffisance hépatique sévère, aiguë ou chronique et la myasthénie contre-indiquent leur utilisation.

EFFETS INDÉSIRABLES

Sédation et dépendance

Une somnolence résiduelle (en journée) est possible surtout avec les hypnotiques d’action longue. Des troubles cognitifs peuvent aussi majorer le risque de chute chez la personne âgée. Les autres effets indésirables sont notamment une amnésie antérograde (concernant des faits nouveaux), et des réactions paradoxales (désinhibition, excitation, cauchemars…).

Un usage prolongé est associé à une diminution d’efficacité (accoutumance ou tolérance), pouvant conduire à augmenter les posologies. Une dépendance peut survenir, à l’origine d’un syndrome de sevrage à l’arrêt du traitement (céphalées, anxiété, irritabilité, troubles du sommeil…), d’autant plus sévère que le traitement a été long, à forte dose et stoppé brutalement.

Ces médicaments peuvent faire l’objet d’abus et de mésusage.

Ces molécules exposent à un risque de dépression respiratoire, d’hypotonie musculaire et d’augmentation des transaminases qui justifient les contre-indications.

INTERACTIONS

Avec l’alcool et les dépresseurs centraux

La prise d’alcool ou d’autres dépresseurs du système nerveux central (morphiniques, autres benzodiazépines, anti-H1 sédatifs, certains antidépresseurs, buprénorphine…) est déconseillée (majoration de la sédation et/ou du risque de dépression respiratoire).

Les inhibiteurs enzymatiques (télithromycine, antifongiques azolés…) peuvent potentialiser l’action du zolpidem et de la zopiclone, et les inducteurs (carbamazépine, phénytoïne, rifampicine, millepertuis…) diminuer leur efficacité.

SURVEILLANCE

Sevrage progressif

Traitement le plus court possible. Une utilisation sur plusieurs semaines impose une réduction progressive de posologie pour éviter un rebond d’insomnie voire un syndrome de sevrage.

Recherche d’effets « résiduels » (sédation) dans la journée (vérifier l’horaire de prise).

  • Sources : HAS, Fiche mémo « Arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés : démarche du médecin traitant en ambulatoire », juin 2015 et « Quelle place pour les benzodiazépines dans l’insomnie ? », février 2015 ; Site du Collège national de pharmacologie médicale (pharmacomedicale.org).

A SAVOIR

A partir du 10 avril 2017, les médicaments à base de zolpidem suivront la législation des assimilés stupéfiants (prescription sur ordonnance sécurisée en toutes lettres). Cette mesure intervient à la suite d’enquêtes d’addictovigilance mettant en évidence une augmentation du nombre et de la sévérité des cas d’abus (doses élevées sur une longue période), de détournement (effet récréatif, injection chez les usagers de drogues) et de soumission chimique.

ALLER PLUS LOIN

Les benzodiazépines sont également utilisées dans d’autres indications : anxiété et convulsions. Ces différents profils pharmacologiques reposent sur des différences de structure chimique des molécules, sur la diversité structurale des récepteurs GABA-A, ainsi que sur la diversité de leur distribution topographique au niveau cérébral.