E-santé : quel avenir ?

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Publié le 31 octobre 2017
Par Peggy Cardin-Changizi
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Le secteur de la santé est en pleine mutation. « Entre la télémédecine, les objets connectés et les applications, nous sommes entrés dans l’ère de l’e-santé, qui a d’ores et déjà modifié les comportements des patients mais aussi leurs besoins et leurs attentes », constate Marie-Céline Durand, responsable du pôle Patients chez Direct Medica. Prise de tension, mesure du taux de glycémie, envoi d’ordonnances ou disponibilité d’un médicament, des milliers d’applis santé sont disponibles sur Smartphone. Il y en aurait plus de 100 000 ! « Au-delà des applis grand public – qui concernent, en majorité, le bien-être et la forme –, on observe le développement croissant d’outils de scoring, de suivi de contenu médical… utilisés par les professionnels de santé pour faciliter leurs pratiques et leurs diagnostics », poursuit Marie-Céline Durand.

DE L’INFO et du service

On distingue plusieurs catégories. Par exemple, certains laboratoires proposent des applis destinées aux malades chroniques ou aux patients atteints de pathologies lourdes, dans le but de les aider dans la compréhension de leur pathologie et la gestion de leur traitement. « C’est aussi un moyen pour les labos de toucher directement le patient avec une info ciblée », souligne Diane Cantan, responsable Marketing, communication & digital chez Pharmactiv. D’autres éditeurs misent sur le service, comme l’envoi d’ordonnances, « ce qui nous fait tendre vers une simplification de la gestion de la santé, assure Sébastien Tirvert, fondateur/associé de Notre Santé. Ces applis permettent de réduire et d’optimiser le temps passé dans l’officine. Le patient n’attend plus, et le pharmacien a plus de temps pour le conseiller. » Sur ce créneau, on peut citer Ma pharmacie mobile, éditée par Pharmagest Interactive, dont les logiciels équipent près de 10 000 pharmacies. « Cette appli permet aux patients de localiser les pharmacies ouvertes ou de garde les plus proches, d’envoyer la photo de son ordonnance pour gagner du temps lors de son passage à l’officine, ou encore d’avoir des rappels de prises programmés par son pharmacien. C’est un service qui répond à un vrai besoin des consommateurs, qu’ils soient urbains connectés, seniors, jeunes mamans/femmes enceintes ou infirmières libérales », explique Jérôme Lapray, responsable marketing chez Pharmagest. Même approche du service sur l’appli Doctipharma, qui regroupe environ 2 200 pharmacies. Parmi elles, la Pharmacie de la Mairie à Soisy-sous-Montmorency (95). « Les applis qui apportent du service aux clients ont une utilité, explique Jean Couvreux, le titulaire. En leur faisant gagner du temps, cela nous permet de faire du conseil associé et de fidéliser notre clientèle. Et si le patient a une question sur son ordonnance, la disponibilité d’un médicament ou sa posologie, il peut nous envoyer un message. »

DES OUTILS certifiés

« L’innovation, par définition, attire de nouveaux acteurs sur des marchés naissants ou en mutation. La santé connectée n’échappe pas à cette logique. Cependant de nombreux acteurs méconnaissent les très nombreuses règles encadrant le numérique en santé », insiste Guillaume Marchand, créateur de DMD Santé. « Notre métier est de vérifier la conformité médicale, juridique et réglementaire des applis, ainsi que la qualification des contenus. Pour les utilisateurs, notre label est un gage de conformité et d’utilité de l’appli. » Sur les 1 500 applis analysées par DMD santé, seules une ou deux avaient un contenu douteux. « Mais 80 % présentaient un souci d’ordre de conformité juridique (hébergement des données, CGU, men tions légales, etc.) », ajoute-t-il. « Les applis certifiées font partie du virage digital de la profession : en facilitant le quotidien des patients et en renforcant le rôle de prescripteur du pharmacien, ces outils créent du lien. »

PRESTATION de services

Avec le Dossier pharmaceutique, les pharmacies ont été précurseur dans la recommandation des applis. « Indiquer aux pharmaciens des applications efficaces est un atout qui permet de mettre en valeur leur mission de conseil », considère Marie-Céline Durand (Direct Medica). « En recommandant une appli à ses patients, le pharmacien devient un professionnel de santé connecté, appuie Jérôme Lapray (Pharmagest). « Le pharmacien bénéficie d’un capital confiance et d’une caution de sécurité », ajoute à son tour Diane Cantan (Pharmactiv). Dans le choix d’une appli, il apparaît comme le prescripteur idéal. Car au-delà de sa proximité, il a la capacité de sélectionner des bons services pour accompagner et fidéliser ses clients. » Pour Sébastien Tirvert (Notre Santé), le pharmacien pourrait aller plus loin dans sa démarche : « On pourrait imaginer un espace dédié dans l’officine où il proposerait une démonstration de l’appli qu’il conseille ou sur laquelle il est référencé. » Autre idée : utiliser les applis comme outil de veille sanitaire. « En cas d’allergies, d’épidémies de grippe ou de gastro, le pharmacien pourrait déclencher de l’information via une appli vers sa patientèle, mais aussi vers les médecins ou les écoles », conclut Sébastien Tirvert. Les applications ne remplaceront jamais les échanges entre un pharmacien et ses patients. Mais elles représentent un atout à forte valeur ajoutée pour les consommateurs et un nouveau business model pour le professionnel de santé : la recommandation et la supervision de services associés aux traitements.

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LE CAS DU MOIS

Si aujourd’hui les applications santé ont le vent en poupe, les pharmaciens restent partagés quant aux bénéfices. D’un côté, plus de 59 % des officinaux en ont déjà téléchargé, soit 17 points de plus qu’en 2015, rapporte une étude Direct Medica. Mais de l’autre, seulement 26 % sont prêts à les recommander à leur clientèle. Pourquoi ? Un tiers des titulaires n’auraient pas eu de demande de la part des patients, et un autre tiers ne saurait pas lesquelles recommander. Un potentiel qui reste donc à exploiter quand on sait que 38 % des pharmaciens interrogés (soit 10 % de plus qu’en 2015) considèrent que les applications mobiles de santé sont un moyen efficace pour améliorer l’observance aux traitements et, par ce biais, pour assurer un meilleur suivi des patients en officine. Des perspectives prometteuses pour le digital, qui renforcent le pharmacien dans son rôle d’acteur de premier rang auprès du patient.

LES EXPERTS

Marie-Céline Durand Responsable du pôle patients chez Direct Medica

Guillaume Marchand Co-fondateur de DMD santé

Sébastien Tirvert Associé de notre santé

MYPHARMACTIV

Créer la connexion émotionnelle !

Aurore de Fleurian Titulaire d’une pharmacie pilote pour le lancement de l’appli Pharmactiv.

Les applis santé n’ont pas vocation à prendre la place du professionnel de santé. « Bien au contraire, elles permettent d’ouvrir le dialogue avec son pharmacien », assure Aurore de Fleurian, titulaire de la Pharmacie de la Porte Sud à Châtellerault (86), et pharmacie pilote pour le lancement de l’appli Pharmactiv. « Jusqu’à présent, je conseillais surtout des applis sur des pathologies lourdes comme le diabète. Mais, je souhaitais une appli sécurisée et interactive, qui regroupe un maximum de fonctions orientées patient », ajoute-t-elle. « L’appli MyPharmactiv combine plusieurs applis en une seule : ma pharmacie, ma messagerie, mon profil, mes ordonnances, mes conseils santé, mon suivi santé, mon traitement et ma cart’activ pour les promos en cours. De plus, tous les échanges établis avec le patient, ainsi que les données conservées sont sécurisées via l’hébergeur agréé des données de santé Docapost. » Avec cette appli, l’adhérent Pharmactiv peut dialoguer avec son patient grâce à la messagerie sécurisée. « C’est un vrai atout pour nos patients, car certains préfèrent poser leurs questions par écrit. On peut également les informer en temps réel de la préparation de leur ordonnance, ce qui leur fait gagner du temps », poursuit la titulaire. Pour communiquer sur ce nouveau service, Aurore de Fleurian dispose de plusieurs outils de PLV mis à disposition par son groupement (affiches, dépliants, stickers, post-it, etc.). Elle peut, également, mettre l’appli en avant sur le site Web de la pharmacie ou proposer des vidéos de l’application sur les réseaux sociaux. « C’est à la fois un service différenciant et un outil de fidélisation, qui renforce le lien avec son pharmacien », conclut la titulaire.

AH OUI !

Publicités sur le lieu de vente. Communiquer sur l’application qui vous référence dans le point de vente, avec des leaflets, stickers…

OH NON !

Ne pas vérifier avant…

Conseiller une application qui ne soit pas certifiée ou qui ne garantisse pas la sécurisation des données de santé.