Lever les doutes autour de l’obligation vaccinale

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Publié le 9 décembre 2017 | modifié le 1 janvier 2025
Par Anne-Hélène Collin et Anne Drouadaine
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En adoptant définitivement le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 le 4 décembre, les députés ont porté de 3 à 11 les vaccinations obligatoires chez les enfants. La mesure est prévue pour améliorer la couverture vaccinale.

L’obligation vaccinale, une spécificité française ?

Non, de nombreux pays ont des obligations vaccinales, soit fixées par une loi, soit par des mesures indirectes, en imposant par exemple que les enfants soient vaccinés pour entrer en collectivité. En Europe, les obligations vaccinales sont plus fréquentes dans les pays de l’Est (Pologne, Slovaquie, Bulgarie, Croatie…). A l’ouest, l’Italie a rendu obligatoires fin juillet 2017 dix valences du nourrisson. Si la tendance actuelle est de renforcer l’obligation, certains pays, la Scandinavie par exemple, parviennent à obtenir des couvertures vaccinales au delà de 95 % sans passer par l’obligation.

Quels sont les risques encourus en cas de non respect de l’obligation vaccinale ?

Pour l’enfant, les conséquences sont avant tout d’ordre sanitaire par mise en danger de la vie de l’enfant et de son entourage non protégé, avec le risque de contracter l’une des pathologies couvertes par la vaccination obligatoire. Et de ne pas pouvoir entrer en collectivité.

Pour les parents, les sanctions pénales spécifiques pour refus de vaccination seraient supprimées mais des poursuites pour mises en danger de la vie de son enfant ou d’autres enfants ne seraient pas exclues. Mais, comme l’a répété le ministère de la Santé, cette loi a pour but de restaurer la confiance et non de sanctionner.

Quant aux professionnels de santé qui s’opposent à la vaccination, ils encourent des sanctions pénales pour non respect de la loi et des sanctions disciplinaires pour non respect des règles déontologiques.

La vaccination contre l’hépatite B présente-t-elle un réel intérêt à l’âge du nourrisson ?

« Oui, la réponse à la vaccination contre l’hépatite B dans la première année de vie est très bonne et le vaccin très bien toléré », répond le Dr Daniel Lévy-Bruhl, responsable de l’unité « Infections respiratoires et vaccination » à Santé Publique France. L’immunité perdure même au-delà de la disparition des anticorps circulants. « L’enfant vacciné dans la première année de vie est encore protégé grâce au phénomène d’immunité mémoire. S’il est infecté par le VHB à l’âge adulte, la présence du virus réactive les lymphocytes B mémoires et génère de nouveaux anticorps. C’est alors une course de vitesse : la réplication du virus de l’hépatite B étant très lente, le système immunitaire a le temps de réagir. Ce ne serait pas le cas par exemple pour la diphtérie », poursuit l’expert. Un autre avantage : « Cela permet, sans injection supplémentaire, de vacciner contre une maladie de plus. »

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L’allaitement maternel est-il aussi efficace que la vaccination ?

Aucune donnée scientifique ne le démontre. « L’allaitement apporte des immunoglobulines sécrétoires qui protègent la muqueuse intestinale de l’enfant », précise toutefois le Dr Georges Thiébault, pédiatre à Montpellier (Hérault) et membre de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA). « Les enfants allaités ont donc moins de risques de développer une gastro-entérite, mais une mère ne peut, par exemple, apporter à son enfant par l’allaitement des anticorps contre la coqueluche. L’allaitement n’est en aucune manière suffisant pour protéger un nourrisson de l’ensemble des maladies infectieuses. » D’où l’importance de la mise en place du calendrier vaccinal dès l’âge de 2 mois.

La quantité d’aluminium injectée au nourrisson présente-t-elle un risque ?

La quantité d’aluminium contenue dans une dose de vaccin contient au maximum 0,6 mg de métal. Le dernier rapport de l’Académie nationale de pharmacie à propos des adjuvants aluminiques (mars 2016) précise que « la quantité d’aluminium délivrée par les vaccins est très faible par rapport à l’exposition journalière à l’aluminium par la nourriture et les médicaments, qui est de l’ordre de 10 à 15 mg ». Sans compter l’apport via les cosmétiques. Le président du comité vaccins du LEEM (organisation professionnelle des entreprises du médicament), Serge Montero, ajoute : « Depuis 15 ans, aucune étude publiée dans une revue reconnue des pairs ne démontre un lien quelconque entre l’aluminium et les maladies neurologiques ou musculaires. »

Où en est la recherche d’alternatives à l’aluminium comme adjuvant ?

Le LEEM confirme que les recherches se poursuivent. Toutefois, pour Serge Montero, « en l’état actuel des connaissances, il n’y a pas de meilleur adjuvant que l’hydroxyde d’aluminium en termes d’efficacité et de tolérance ». Le phosphate de calcium, alternative régulièrement évoquée par les détracteurs de l’aluminium, présente des résultats variables, voire contradictoires en matière d’efficacité, selon l’Académie de médecine.

L’obligation vaccinale sera-t-elle levée dès que la couverture sera satisfaisante ?

« Pas exactement », précise le Dr Lévy-Bruhl. « Elle sera maintenue jusqu’à ce que l’adhésion à la vaccination atteigne un niveau élevé. Celle-ci sera régulièrement réévaluée. L’obligation vaccinale n’a pas de durée prédéfinie. Si on prend l’exemple de l’Angleterre qui a subi une crise de confiance avec le vaccin contre la rougeole suspecté à tort d’être lié à l’autisme, malgré les ressources mobilisées, il a fallu plus de 10 ans pour restaurer la confiance. »

Source : Ministère de la Santé

Plusieurs professionnels de santé « pro-vaccination » s’opposent pourtant à l’obligation vaccinale. Notamment le Collège national des généralistes enseignants (CNGE) qui, dans un communiqué de presse du 27 juin 2017 puis dans une tribune publiée dans le quotidien Le Monde du 13 juillet 2017, estime la mesure « simpliste », contre-productive et opposée aux droits des patients. « Il est à craindre que son caractère autoritaire renforce la défiance et la suspicion », plaide le conseil scientifique du CNGE, qui craint la sortie d’enfants du système scolaire habituel pour échapper à l’obligation. Autre argument : « Les vaccins n’ont pas tous la même pertinence clinique, le même intérêt individuel et/ou collectif. » Une approche spécifique à chaque vaccin serait plus utile qu’une approche globale sur la vaccination selon le CNGE, qui recommande également une campagne d’information incitative et responsabilisante à destination des parents.

•   L’obligation vaccinale (11 vaccins) a vocation à protéger la population et surtout restaurer la confiance envers les vaccins.

•   Aucune étude ne démontre actuellement un lien entre l’adjuvant aluminique et la survenue de maladies neurologiques ou musculaires.

REPÈRES 

Par Anne-Hélène Collin – Infographie : Franck L’Hermitte