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Mélanomes cutanés : des percées pour sauver sa peau
Environ 15 500 nouveaux cas de mélanomes cutanés sont diagnostiqués chaque année en France1, un chiffre en très forte augmentation, avec près de 1 800 décès. Heureusement, ce cancer se traite de mieux en mieux.
L’immunothérapie redistribue les cartes
Les inhibiteurs de checkpoint (anticorps qui bloquent des liaisons empêchant le système immunitaire de s’attaquer à la tumeur) continuent de consolider leur place dans le panorama thérapeutique. Ces immunothérapies ont récemment démontré leur intérêt dans le traitement de mélanomes résécables avec métastases locorégionales, en stratégie néoadjuvante, c’est-à-dire en amont du traitement chirurgical. La Pre Élisa Funck-Brentano, cheffe du service de dermatologie générale et oncologique de l’hôpital Ambroise-Paré (Hauts-de-Seine), explique : « Administrer de l’immunothérapie avant l’opération diminue fortement le risque de récidive. Quand il y a une tumeur, du fait de la présence de néoantigènes tumoraux, le système immunitaire est davantage stimulé par l’immunothérapie. »
L’étude Nadina2, présentée au congrès de l’American Society of Clinical Oncology (Asco) 2024, confirme qu’un traitement par ipilimumab (inhibiteur de checkpoint anti-CLT4) et nivolumab (anti-PD1) administré avant la chirurgie réduit significativement le risque de récidive, comparé à une administration de nivolumab seul en adjuvant (postrésection). Selon la réponse histologique au traitement néoadjuvant, une immunothérapie adjuvante peut être proposée en complément. Dans l’étude, 60 % des patients n’ont pas eu besoin de ce traitement supplémentaire après chirurgie, ce que la Pre Funck-Brentano qualifie « d’assez révolutionnaire ». D’autant plus que la thérapie néoadjuvante nécessite seulement deux cures, contre 12 mois de traitement pour l’adjuvante. « Dans la pratique, ces immunothérapies néoadjuvantes sont déjà employées dans de nombreux centres, bien qu’on ne dispose pas encore de l’autorisation de mise sur le marché (AMM ) », poursuit-elle.
Autre immunothérapie en attente prochaine d’AMM, toujours pour des mélanomes avec métastases locorégionales : le daromun. « Il s’agit d’une immunocytokine, administrée en néoadjuvant par injection intralésionnelle, qui induit un effet immunostimulateur sur le microenvironnement tumoral », développe Élisa Funck-Brentano. Ce traitement est accessible en accès compassionnel. En pratique, il s’adresse principalement à des patients en échec thérapeutique.
De meilleurs résultats sur les métastases
« Face aux mélanomes cutanés métastatiques, les inhibiteurs de checkpoint offrent désormais une médiane de survie de 36 mois pour les anti-PD1 seuls et de 71 mois lorsqu’ils sont combinés aux anti-CTL4 », indique la Pre Brigitte Dréno, oncodermatologue au centre hospitalier universitaire de Nantes (Loire-Atlantique). Des statistiques particulièrement encourageantes puisqu’avant l’introduction de ces traitements, la survie médiane globale n’excédait pas un an.
Une nouvelle catégorie d’inhibiteur de checkpoint est venue récemment renforcer les options thérapeutiques face aux mélanomes métastatiques : les anti-LAG3. « Il a été démontré qu’une combinaison de relatlimab (anti-LAG3) et de nivolumab (anti-PD1) présentait de meilleurs résultats que le nivolumab seul, sans augmentation majeure de la toxicité », continue la Pre Funck-Brentano. La toxicité observée sur les tissus sains est même nettement inférieure pour l’association relatlimab/nivolumab, par rapport à celle précédemment employée, ipilimumab (anti-CTL4)/nivolumab.
Un savon pour guérir le mélanome ?
L’annonce a été reprise par de nombreux médias l’an dernier. Heman Bekele, jeune américain de 14 ans, se voit remettre le prix Kid of the Year par le magazine Time. Son invention : un « savon antimélanome ». Dans la composition, se retrouve une molécule bien connue puisqu’il s’agit de l’imiquimod, immunothérapie locale prescrite sous forme de crème (à appliquer le soir et à rincer le lendemain) pour certains cancers de la peau : « Notamment des carcinomes épidermoïdes ou des carcinomes basocellulaires superficiels. Elle n’est pas recommandée en France pour des mélanomes », détaille la Pre Funck-Brentano. Transformer la galénique serait-il une bonne idée ? Rien n’a été prouvé. Aucune étude n’a, pour l’heure, attesté de l’efficacité de ce savon, ni dans le traitement, ni dans la prévention des mélanomes.
L’implication de l’officine
Alors que les traitements d’immunothérapie sont administrés en milieu hospitalier, les thérapies ciblées, elles, impliquent une délivrance en pharmacie de ville. Ces dernières associent des inhibiteurs de BRAF, protéine mutée dans environ 50 % des mélanomes cutanés, à des inhibiteurs de MEK. Les combinaisons dabrafénib et tramétinib ainsi qu’encorafenib et binimétinib sont proposées aux patients métastatiques en cas de tumeur non résécable. Le duo dabrafénib/tramétinib peut également être utilisé en situation adjuvante chez les patients présentant des métastases locorégionales postrésection. « L’association de deux molécules augmente l’efficacité du traitement, tout en réduisant le risque de résistance et la survenue de toxicités. La réactivité des pharmaciens est essentielle pour délivrer ces médicaments, qui doivent être disponibles dans les 48 heures », indique la Pre Élisa Funck-Brentano.
« Ces thérapies ciblées sont proposées en première intention, suivant les récentes recommandations européennes, uniquement aux patients BRAF positifs en cas de contre-indication à l’immunothérapie », spécifie Brigitte Dréno. Selon la spécialiste, l’un des enjeux de la prise en charge des mélanomes implique de mieux caractériser le profil des mutations tumorales, d’identifier de nouvelles cibles potentielles, telles que les mutations NRAS, C-KIT ou FGFR2, dans le but de développer de nouveaux médicaments.
Et demain, un vaccin ?
Bien qu’il n’ait pas encore d’application en thérapeutique, le vaccin personnalisé à ARNm (V940), développé conjointement par Moderna et Merck MSD, suscite déjà un vif intérêt. « En association avec le pembrolizumab [Keytruda, immunothérapie anti-PD1, NLDR], il a montré une efficacité supérieure à celle du pembrolizumab seul lors d’une étude de phase 2b3 », expose la Pre Élisa Funck-Brentano. Son principe : « Une biopsie de la tumeur est réalisée afin de détecter 34 néoantigènes tumoraux et de développer in vitro de l’ARNm codant pour ces néoantigènes spécifiques. Ce vaccin est ensuite injecté. » MSD France a confirmé au Moniteur des pharmacies que le recrutement pour l’étude de phase 3 était terminé. Elle s’intéressera à des mélanomes opérés de stades II à IV.
Prolonger la survie sans récidive et diminuer les effets indésirables parfois lourds des traitements constituent deux priorités majeures des stratégies futures de prise en charge des mélanomes. Parmi les pistes thérapeutiques qui pourraient prochainement arriver en France, la Pre Dréno évoque les TILs : « À partir d’une biopsie cutanée ou ganglionnaire, des lymphocytes T d’infiltration tumorale, appelés TILs, sont multipliés en laboratoire et réinjectés ensuite au patient. Ce traitement s’adresse aux personnes devenues résistantes aux anti-PD1. »
La dermato-oncologue mentionne enfin deux objectifs essentiels, qui relèvent encore de l’ordre de la recherche : identifier de nouvelles protéines cibles pour les immunothérapies et développer des médicaments pour empêcher que les cellules tumorales ne modifient leur environnement lorsqu’elles sont en contact avec des immunothérapies ou des thérapies ciblées, dans le but d’éviter les échappements thérapeutiques.
À retenir
- Les progrès thérapeutiques ont permis de réduire considérablement la mortalité et les récidives des mélanomes cutanés.
- L’immunothérapie constitue désormais le traitement de première intention.
- Les immunothérapies néoadjuvantes prennent à présent le pas sur les traitements adjuvants, même si elles restent en attente d’autorisation de mise sur le marché.
- Les thérapies ciblées progressent : les associations de molécules ciblant différentes protéines assurent une meilleure efficacité, avec moins d’effets indésirables.
1 Institut national du cancer, 2023.
2 « Neoadjuvant Nivolumab and Ipilimumab in Resectable Stage III Melanoma », C. U. Blank, M. W. Lucas, R. A. Scolyer et coll., The New England Journal of Medicine, 2 juin 2024.
3 « Individualised neoantigen therapy mRNA-4157 (V940) plus pembrolizumab versus pembrolizumab monotherapy in resected melanoma (Keynote-942): a randomised, phase 2b study » ; J. S. Weber et coll., The Lancet, volume 403,17 février 2024.
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