Réagir à des violences verbales dans l’équipe

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Publié le 10 mars 2018
Par Chloé Devis
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A l’officine, il n’y a pas que les clients qui peuvent être agressifs. Au sein même de l’équipe, des tensions accumulées peuvent conduire au mot de trop. Pas question d’en faire un drame… ni de fermer les yeux. Recommandations d’experts.

De multiples facteurs peuvent entraîner une dégradation des rapports entre les collaborateurs d’une officine : « Une charge de travail mal répartie, des missions mal délimitées, des difficultés dans la relation client… à cela s’ajoutent des rythmes de travail parfois éprouvants, le tout au sein d’équipes composées de personnalités diverses », énumère Laurent Cobac, psychologue clinicien au sein du cabinet Empreinte humaine. Stéphane Felici, consultant-formateur chez Orsys, insiste sur cette dimension : « Etre confronté à des modes de fonctionnement et à des valeurs qui ne sont pas les nôtres peut donner lieu à des frictions très vives ». Le consultant rappelle également que la source d’une explosion de colère peut ne pas être la situation à l’instant T, mais une certaine dose de stress déjà accumulée dans un autre contexte, y compris personnel.

Repérer les signes avant-coureurs

Des changements de comportement doivent mettre la puce à l’oreille : « par exemple, une personne très sociable qui se referme ou qui se montre d’une susceptibilité croissante », indique Laurent Cobac. Si un malaise latent se manifeste souvent de manière non verbale, à l’inverse, des collaborateurs habituellement réservés peuvent commencer à égrener des petites phrases, comme « j’en ai marre », « c’est plus comme avant »… Un micro-absentéisme chronique doit également alerter le titulaire et l’inciter à réagir rapidement. Stéphane Felici met toutefois en garde contre les interprétations hâtives : « On a tendance à ne capter que ce qui entre dans un schéma connu, et il est facile de passer à côté de certaines informations ou de voir le mal là où il n’y en a pas ! ».

Face à l’agression, renouer l’échange

« Face à une agression verbale, il faut avant tout éviter de se considérer comme une victime », insiste Stéphane Felici. Le risque ? « Adopter un mécanisme de défense contreproductif, qu’il s’agisse de la fuite, de la paralysie, ou de la contre-attaque ». A contrario, « c’est l’agresseur qu’il faut voir comme une personne qui a besoin d’aide et l’exprime maladroitement ». La bonne attitude consiste dès lors à faire preuve de calme et de bienveillance… « Vous pouvez dire à votre interlocuteur que vous lui êtes gré d’exprimer ce qu’il ressent, avant de le questionner pour comprendre exactement quel est le problème et quelle est votre part de responsabilité », préconise Stéphane Felici. Maintenir ainsi le dialogue est un moyen efficace d’apaiser son interlocuteur tout en ouvrant la voie à la négociation d’une solution.

Jouer son rôle de manager avec doigté

Le titulaire témoin ou mis au fait d’une situation de violence verbale entre ses salariés doit s’en mêler… à bon escient. « Si le niveau d’agressivité est élevé, un recadrage immédiat est nécessaire à la fois pour la personne qui le subit et pour les autres collaborateurs présents : c’est la crédibilité du manager qui est en jeu », estime Laurent Cobac. Pour Stéphane Felici, le titulaire doit toutefois s’abstenir de prendre parti : « Il privilégiera l’écoute afin de comprendre les besoins de chacun et, là encore, orienter les échanges vers la recherche d’une solution ». Et s’il n’intervient pas sur le champ, il se doit en revanche d’assurer un suivi. « Les conflits interpersonnels non gérés laissent beaucoup plus de traces », avertit Laurent Cobac. L’expert recommande donc de « faire le point ultérieurement avec chacune des deux parties ». En cas de conflit larvé assez ancien, « il peut être judicieux de les convoquer ensemble, voire de faire intervenir une tierce personne dans l’optique d’une médiation », poursuit-il.

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Miser sur la prévention

En cas de tensions récurrentes, « une remise en route des règles de vie commune est indispensable », plaide Laurent Cobac. Il s’agit de réunir l’équipe et de redéfinir avec eux ce qui est tolérable et ce qui ne l’est pas. D’autant que des éléments considérés par certains comme des détails ne le sont pas pour d’autres, « ce qui a trait à la grivoiserie, par exemple ». « Le fait de réfléchir ensemble à ce cadre est une bonne manière de les légitimer aux yeux du groupe tout en facilitant sa mise en œuvre », conclut Laurent Cobac.