Levothyrox : un rapport d’expertise judiciaire souligne les manquements de Merck et de l’EMA

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Levothyrox : un rapport d’expertise judiciaire souligne les manquements de Merck et de l’EMA

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Publié le 28 mai 2021
Par Yves Rivoal
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Nouvel épisode dans « l’affaire Levothyrox ». Une étude de bioéquivalence qui ne démontre pas la substituabilité des deux formules, des effets secondaires qui seraient liés à des différences de composition et de dosage en lévothyroxine sodique… Les conclusions du rapport d’expertise judiciaire que s’est procurée l’agence APMNews mettent en lumière un certain nombre de manquements de la part du laboratoire Merck KgaA dans « l’affaire » du Levothyrox. Les quatre experts mandatés par la justice indiquent en effet que si l’étude de bioéquivalence réalisée par le laboratoire pour la mise sur le marché de la nouvelle formule de son médicament était bien conforme à la réglementation, elle ne permettait en revanche pas de démontrer que la nouvelle formule était interchangeable avec l’ancienne. Et que par conséquent, cette étude ne pouvait pas garantir que la substitution ne provoque aucun effet secondaire. Le rapport n’épargne d’ailleurs pas sur ce point l’Agence européenne du médicament (EMA) qui a requis une étude de bioéquivalence moyenne alors qu’il aurait fallu, selon les experts, opter pour de la bioéquivalence individuelle afin de prendre en compte la variabilité intra-individuelle.

Pour expliquer les dizaines de milliers de déclarations de pharmacovigilance survenues après la mise sur le marché de la nouvelle formule en 2017, les rapporteurs avancent plusieurs explications. La première porte sur les différences de teneur en lévothyroxine pouvant aller jusqu’à 15 %. « Des patients très sensibles à une modification de 5 à 10 % de leurs doses quotidiennes ont donc pu souffrir d’effets indésirables importants dus à un déséquilibre de leur fonction thyroïdienne », estiment les experts qui indiquent également que dans la perspective d’une substitution massive, « une mise en garde, ainsi qu’un dosage biologique systématique auraient pu être envisagés pour tous les patients effectuant le changement. »

Le rapport signale également que certains excipients ont été modifiés ou remplacés, et que cela a pu entraîner des changements dans la vitesse de libération du principe actif. Si le remplacement du lactose monohydrate par du mannitol n’est pas remis en question, le remplacement partiel du lactose monohydrate par de l’acide citrique anhydre est par exemple qualifié de « non usuel ». Selon les experts, les études contenues dans le dossier d’AMM ne permettent pas non plus de démontrer que la nouvelle formulation apporte une meilleure stabilité des comprimés et la même efficacité, des interactions physicochimiques entre le mannitol et la levothyroxine sodique ayant notamment un impact sur sa biodisponibilité. Ils contestent enfin la similarité des profils de dissolution mise en avant par le laboratoire dans les études in vitro. Et pour eux, des différences de cinétique de libération peuvent modifier l’absorption intestinale et la biodisponibilité du principe actif.

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