Je change de cap… ou pas cap !

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Publié le 24 septembre 2021
Par Christine Julien
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Faire un point sur son métier. Ennui passager ou désir de changement, décoder ses envies est le préalable à toute reconversion professionnelle éventuelle. Être clair avec soi est le premier pas.

Une évolution sociétale

Il est des matins où certains préféreraient fuir que d’aller à la pharmacie ! Quand l’envie de changer de métier vous titille et de partir garder des moutons ou fabriquer du savon, sachez que vous n’êtes pas les seuls !

→ Des études. Quatre à huit Français sur dix auraient envie de changer de métier(1). Mais très peu le font réellement. Selon l’Insee(2), en 2015, 13 % des personnes de 20 à 50 ans souhaitaient se lancer dans un autre métier. Au total, 22 % des 20-50 ans l’ont fait entre 2010 et 2015, et 16 % ont changé de profession.

→ La mobilité est dans l’air du temps. Dans notre société qui pousse toujours à faire plus, qui valorise les facultés d’adaptation, un parcours jalonné de ruptures de rythme et d’emplois différents serait la nouvelle règle. Ce type de CV attire davantage l’œil que celui d’une personne restée vingt ans dans une même entreprise et un même métier.

Adopter de nouveaux codes et être capable de rebondir peuvent être des atouts. La mobilité professionnelle est un phénomène social.

→ La pharmacie est aussi concernée. Le taux de turnover annuel en officine est de 16 % (calcul sur le nombre de salariés entrant et sortant sur une année)(3). Il est supérieur au seuil critique de 15 %, ce qui implique une assez forte mobilité des salariés en pharmacie.

Séparer souhait et désir

Idée en l’air, ou désir réel ? Telle est la question. On ne chamboule pas sa vie sur un coup de tête. La réorientation professionnelle, ou bifurcation(4), mérite réflexion. Se demander « Qu’est-ce que je fais ? Est-ce que je suis content d’être là et de faire ce que je fais ? », ça peut arriver, d’autant plus si son environnement est chahuté. Trier et organiser ses pensées est primordial pour y voir clair. Derrière un bilan professionnel se cache un bilan personnel.

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La prise de conscience

L’envie de se réorienter repose la plupart du temps sur une nécessité de quitter une situation mal vécue.

→ Les signaux d’alerte. « Je ne me sens pas à ma place », « J’ai l’impression de régresser », « Je me sens inutile », « J’ai la boule au ventre rien qu’à l’idée d’y aller »…

→ La persistance du ressenti. Si c’est récurrent, si tous les matins vous avez du mal à vous lever, à avoir envie d’aller à la pharmacie, il faut commencer à s’interroger.

Les facteurs déclencheurs

→ Réinterpréter plus tard. Un divorce, une rencontre, certains événements font sens dans la décision d’engager une reconversion. Il peut s’agir d’opportunités qui éclairent différemment son parcours, tel un reportage sur un métier qui devient un révélateur : toiletteur, pâtissier… Ils seront réinterprétés dans son parcours.

→ Il n’y a pas de hasard selon le philosophe Nietzsche. « Car ce n’est qu’au regard d’un monde de buts que le hasard a un sens ». Ce facteur déclencheur produit cet effet parce qu’il existe une direction préexistante en filigrane (4). Il ne provoque pas une situation, il intervient. Il incite à repositionner la vie professionnelle par rapport à la vie privée, entraînant une rupture ou la possibilité d’une rupture avec l’emploi actuel.

Se poser les bonnes questions

Quand le mal-être subsiste, la première question est : « Est-ce que la vie professionnelle que j’ai actuellement me convient ? »

→ Commencer seul. Faire deux colonnes et écrire d’un côté ce qui est positif pour soi : ce qui nous nourrit, nous motive, nous fait du bien. Cela peut être vos collègues, la satisfaction de réussir un conseil… De l’autre, ce qui est négatif : ce qui est pesant, éprouvant, qui nous coûte de l’énergie au travail, tels une mauvaise ambiance, un management fragile… Si la balance penche fort du côté négatif, il est temps de chercher les causes.

→ Identifier les sources du mal-être. L’agressivité des clients, le manque de reconnaissance, trop de tâches… Est-ce que le malaise vient d’un manque de confiance en soi ? Est-ce que la surcharge de travail ne viendrait pas de l’incapacité à dire non au titulaire ? Par peur de perdre sa place, d’être mal vu. Cet environnement délétère a des répercussions sur soi.

Changer ce qui peut l’être

Se faire aider

Prendre conscience seul d’un mal-être est possible, mais un tiers professionnel neutre, coach (voir encadré p. 34) ou thérapeute cognitif, est souvent indispensable afin d’identifier les sources et les clés pour résoudre le malaise.

Conclure

→ Conserver son métier. Certes, l’ambiance au boulot est mauvaise, mais vous aimez ce que vous faites. Si vous incarnez toujours ce métier officinal, si vous prenez autant de plaisir à l’exercer, alors peut-être faut-il envisager un environnement de travail qui siérait mieux à vos compétences. Il est temps de postuler dans une autre pharmacie ou une autre ville !

→ Envisager de bifurquer. Le moment est venu de prendre une autre voie quand il n’y a plus d’excitation, ni de plaisir dans ce que l’on fait, lorsque tout nous « coûte ». On regarde souvent l’heure, on n’avance pas… Conseiller ennuie, délivrer une ordo pèse. On le sent au fond de soi. Le besoin d’un changement est là quand une vraie lassitude imprègne tout ce que l’on fait. Là, on peut s’interroger : « Est-ce que je n’ai pas fait le tour de mon métier ? »

Cheminer un temps

Mieux se connaître

→ Pour quoi ? Après le pourquoi changer, vient le pour quoi. Faire un autre métier, oui mais lequel ? Quelles sont mes ressources, mes goûts et mes valeurs ? Qu’est-ce qui me motive, quel environnement et style de vie me conviennent, quels sont mes centres d’intérêt sont autant de questions auxquelles s’atteler. Là aussi, une aide pro sera la bienvenue.

→ Se projeter. Se réorienter ne se résume pas à bâtir un projet professionnel qui consisterait en la simple adaptation à un nouvel emploi. Pour réussir cette « translation », le projet doit être entendu comme projection de soi dans le futur(4).

Butiner

→ Se nourrir. La bifurcation est un cheminement, avec un temps long de réflexion et une maturation. Pour le nourrir, lire des histoires de personnes qui ont changé de vie, des retours d’expérience avec un coach, discuter avec des personnes qui ont vécu la même situation…

→ Se renseigner. C’est le moment de se tourner vers des professionnels de l’accompagnement pour mieux définir ses envies ou mettre en œuvre un projet dont on rêve : bilan de compétences via le compte personnel de formation, coach…

Avoir confiance

L’aventure, le changement radical de vie font peur. Il faut garder à l’esprit que, quoi qu’il arrive, il y a toujours une solution. Parfois, il faudra différer son projet ou faire autrement car il manque une formation, un financement. Se dire que si ça ne marche pas, on peut revenir à l’officine On ne se retrouve jamais sans rien au bout. On a déjà un métier !

Avec l’aimable participation d’Anne Ghiloni.

(1) Études publiées sur latribune.fr, studyrama.com, leparisien.fr

(2) Changements de métier : quelles personnes et quels métiers sont concernés ?, Dares analyses, Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, novembre 2018.

(3) Mobilité annuelle des salariés, baromètre 2020 de l’Observatoire des métiers dans les professions libérales (OMPL).

(4) La reconversion professionnelle volontaire : bifurcation professionnelle à une bifurcation biographique, Catherine Négroni, PUF, 2005.

Avis de spé

Anne Ghiloni, ancien coach professionnel, membre de EMCC France, conseillère en insertion professionnelle à la Mission locale de Marseille (13), antenne Garantie jeunes.

Pourquoi un coach plutôt qu’un bilan de compétences ? Le coaching est l’art de poser les bonnes questions pour faire émerger des réponses dans un cadre déontologique. Le coach ne donne aucun conseil, il est là pour mettre en lumière ce qui va émerger de la personne. C’est un guide de haute montagne. La personne chemine avec les questions du coach pour trouver ses solutions. Il repère les blocages qui empêchent d’aller un peu plus loin. Ce qui émerge d’un coaching est le fruit du cheminement de la personne, de ses recherches, de ce qui lui donne envie à l’intérieur et la pousse à aller plus loin. La clé de voûte de ce changement est le travail de confiance en soi et d’estime de soi sur lequel œuvre le coach. La réussite à 100 % n’existe pas. C’est parce qu’on échoue qu’on rebondit. Au pis aller, on peut faire marche arrière !

Infos : coachfederation.fr et emccfrance.org

Bilan de compétences collaboratif original

• Fondé en 2016 par Claire Dupuis-Surpas, ancienne avocate, ensemble1job.fr est « le Blablacar du bilan de compétences ».

• L’originalité ? Proposer un bilan collaboratif sur vingt semaines, basé sur un travail en groupe autonome de quatre personnes, en distanciel, supervisé par un consultant.

• 3 formules pour définir son projet, avec accès illimité aux ressources : une offre solidaire à 590 € pour les exclus des aides (CPF…) et deux formules prises en charge CPF, la simple (980 €), avec le bilan collaboratif et une heure en individuel avec un consultant, et la renforcée à 1 590 €, avec quatre heures en individuel avec le consultant, un bilan de personnalité et une analyse de carrière.

• Un consultant est attribué à un groupe qui suit un programme de travail soutenu et des thématiques à travailler en solo avant de le présenter au groupe, qui l’évalue selon une grille : qui je suis, ce que je sais faire, ce que je veux faire et la phase active avec plan d’action.

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