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L’hypnose médicale réveille les pratiques de soins
Médecine interne, oncologie, cardiologie, dermatologie, pédiatrie, psychiatrie… L’hypnose médicale est désormais pratiquée dans la quasi-totalité des aires thérapeutiques. Pour des indications qui semblent, elles aussi, extensibles à souhait. Que peut-on attendre de cette pratique et quelles en sont les limites ?
L’hypnose médicale pourrait être utilisée avec profit sur 70 à 80 % des patients consultants en médecine générale parce qu’ils sont angoissés, déprimés, ou parce qu’ils ne dorment plus ou fument trop… » Le Dr Jean-Marc Benhaiem, fondateur du centre d’hypnose médicale Hypnosis (Paris) et président de l’Association française pour l’étude de l’hypnose médicale (Afehm) qui forme les professionnels de santé à cette pratique, analyse ainsi la montée en puissance du champ d’application de ce nouveau mode de prise en charge des patients qui est aujourd’hui pratiqué dans la plupart des aires thérapeutiques.
Médecin anesthésiste à l’hôpital Saint-Louis à Paris, le Dr Marc Galy reconnaît utiliser souvent des techniques d’hypnose. « Je m’en sers pendant des interventions sous anesthésie locale ou régionale afin d’installer un contexte moins anxiogène pendant l’opération, sans avoir besoin de recourir aux sédatifs, confie ce médecin qui y a aussi parfois recours préalablement à une anesthésie générale. Je prépare le patient avant l’opération avec une première séance d’hypnose, et l’accompagne par une seconde qui intervient quelques instants avant l’endormissement pour qu’il aborde l’intervention dans les meilleures dispositions. » Plus rarement, Marc Galy la pratique pour éviter aux patients l’anesthésie. « L’hypnose seule peut effectivement être appliquée, mais uniquement lorsqu’il n’y a pas d’incision chirurgicale comme lors d’une coloscopie où de certains gestes d’exploration gynécologique, urologique ou pulmonaire. »
Quelque part entre sommeil et éveil
Au centre médical Marmottan à Paris, la Dre Dina Roberts, psychiatre et addictologue, la propose à ses patients souffrant d’addiction aux drogues, à l’alcool, aux jeux d’argent ou aux jeux vidéo. « L’hypnose peut s’insérer dans le cadre d’une prise en charge globale, l’objectif étant de remplacer l’effet positif suscité par le produit addictif, ou de proposer une alternative à ceux qui consomment lorsqu’ils sont angoissés. » Pendant ces séances, Dina Roberts apprend toujours à ses patients à pratiquer l’autohypnose.
L’état hypnotique reste à ce jour encore mal défini. « L’hypnose est un processus d’ajustement entre le corps et le cerveau que nous utilisons quasiment tout le temps sans nous en rendre compte, explique Eric Gibert, président de l’Association française d’hypnose (Afhyp) qui compte une quarantaine de membres, professionnels de santé, pratiquant l’hypnose médicale. Par exemple, lorsque nous sommes en train de lire un livre et que nous sommes tellement absorbés que nous n’entendons pas le téléphone sonner, on peut parler d’état hypnotique. » Un état qui ne relève ni du sommeil ni de l’éveil ordinaire, selon Marc Galy. « Pour ma part, je le décris plutôt comme un état d’absorption provoqué par des techniques de suggestions imaginaires qui vont permettre au patient de s’extraire du contexte dans lequel il est. »
Lors d’une séance d’hypnose, la première étape consiste à modifier l’orientation de l’attention du sujet. « Pendant cette phase dite d’induction, je demande au patient de se concentrer sur ses sensations corporelles ou sur un son dans la pièce, confie Dina Roberts. Une fois qu’il est en état de disponibilité, je l’invite à porter son attention sur ses sensations ou ses émotions, et nous travaillons à en modifier sa perception. »
Les mécanismes connus de la transe
Les mécanismes qui conduisent à ce changement de perception commencent, eux, à être connus. « Des études ont montré qu’en entrant en transe hypnotique, un patient souffrant d’une douleur aiguë va sécréter davantage d’endorphines, de dopamine et de sérotonine. Et que cela va modifier l’activité dans la zone du cortex cingulaire antérieur et induire une diminution de la douleur. » Une étude randomisée réalisée en 2000 par la Dre Elvira Lang, une radiologue américaine, auprès de 241 patients ayant subi des procédures vasculaires et rénales percutanées a, de son côté, montré que l’hypnose avait amélioré la stabilité hémodynamique et eu des effets plus prononcés sur la réduction de la douleur et de l’anxiété que dans le groupe de patients ayant bénéficié de soins standards peropératoires. En 2015, une évaluation menée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) avait conclu à une efficacité de cette pratique dans la sédation et l’analgésie pendant un acte chirurgical. Pour les autres indications, les données étaient insuffisantes pour se prononcer. Au total, plus de 500 études ont été réalisées ces 30 dernières années pour évaluer la valeur scientifique de l’hypnose. Un ouvrage, Le Livre bleu de l’hypnose, rédigé par le Pr Giuseppe De Benedittis et les psychologues et psychothe´rapeutes Claudio Mammini et Nicolino Rago, recense ses principales applications fondées sur des preuves.
Chez les patients qu’elle accompagne, Dina Roberts observe une amélioration globale de la qualité de vie après une prise en charge par hypnose médicale. « Ils reprennent une forme de contrôle sur leur addiction, ils évoquent aussi un sentiment de bien-être global, avec une anxiété qui diminue, un sommeil qui s’améliore, un équilibre retrouvé… » Les bénéfices sont aussi au rendez-vous pour les professionnels de santé qui la pratiquent. « Il est beaucoup plus facile d’injecter 5 mg de Valium pour diminuer l’anxiété, mais cela exclut toute relation entre le patient et son praticien, note Marc Galy. Le fait de ne pas utiliser d’anxiolytiques entraîne une réduction du temps passé en salle de réveil et autorise une sortie plus rapide de l’hôpital. Le rétablissement est aussi accéléré lorsque la personne se livre aux exercices d’autohypnose qu’on lui a appris. »
Idées fausses
L’hypnose médicale ne doit en revanche pas être considérée comme une baguette magique qui va régler tous les maux des patients. « Si elle peut effectivement modifier la perception d’une situation ou d’une douleur, elle ne va pas soigner des tumeurs cancéreuses ou un infarctus », rappelle Jean-Marc Benhaiem. « Elle ne répond pas non plus à toutes les questions que les malades se posent, ajoute Dina Roberts. Lorsqu’un patient ayant vécu un traumatisme dans son enfance cherche à retrouver des éléments de réalité qu’il a oubliés grâce à l’hypnose médicale, je lui réponds que ce n’est pas possible, car celle-ci peut créer de faux souvenirs, mais qu’en revanche nous allons pouvoir travailler sur son vécu traumatique pour qu’il se l’approprie autrement. »
Autre limite de l’exercice, tout le monde n’est pas hypnotisable. « On estime que 15 à 20 % des gens sont réfractaires à la démarche, certains parce qu’ils ont des préjugés, qu’ils sont trop anxieux ou qu’ils refusent de lâcher prise », note Eric Gibert. « En réalité, tout dépend du patient, précise Jean-Marc Benhaiem. Vous en avez qui refusent de changer par peur de la nouveauté ou parce que la douleur chronique fait partie de leur statut social. Vous n’arriverez pas non plus à faire arrêter de fumer quelqu’un qui n’en a pas envie… »
BIEN REGARDER QUI FORME
En quelques années, l’hypnose médicale est devenue une discipline enseignée un peu partout sur le territoire. « Il existe aujourd’hui plus d’une quinzaine de diplômes universitaires (DU) ou interuniversitaires (DIU) enseignés dans les facultés de médecine », confirme le Dr Jean-Marc Benhaiem, président de l’Association française pour l’étude de l’hypnose médicale (Afehm), qui a fondé le premier du genre à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, en 2001. « Le souci, c’est que dans le milieu des professionnels pratiquant l’hypnose médicale il y a à boire et à manger, ajoute le Dr Eric Gibert, président de l’Association française d’hypnose (Afhyp). Les patients doivent donc s’assurer que le professionnel de santé a suivi une formation agréée et qu’il la pratique dans son champ de compétences ». La pratique de l’hypnose n’est pas réglementée en France. Les organismes de formation agréés ayant signé une charte de qualité de l’enseignement, sont recensés dans un livre blanc rédigé par la Confédération francophone d’hypnose et de thérapies brèves (CFHTB). A l’Afehm, Jean-Marc Benhaiem commence d’ailleurs à voir arriver des pharmaciens d’officine désireux de s’y former. « Ils le font pour mieux communiquer avec leurs patients ou pour mieux accompagner ceux qui sont confrontés à des problèmes de douleurs aiguës et chroniques, confie-t-il. Certains quittent même l’univers de l’officine pour devenir thérapeutes. »
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