« Internet n’exclut ni sérieuxni qualité»

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Publié le 1 avril 2009
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Contrairement à ce que peut laisser supposer sa consonance, Officinea n’est pas présente en officine. Claire Gagliolo, la fondatrice de cette gamme cosmétique bio, est bien pharmacienne. Mais c’est Internet qu’elle a choisi pour vendre et conseiller ses produits, dont elle crée elle-même les textures et les formules.

Après un diplôme de docteur en pharmacie option industrie en 1987, Claire Gagliolo travaille 15 ans dans l’industrie pharmaceutique. Passionnée de cosmétique, elle est titulaire d’un DU de cosmétologie mais aussi d’un CAP d’esthéticienne. En 2006, après avoir quitté son poste de pharmacien responsable des relations hospitalières au sein d’un grand groupe américain, elle crée Officinea.

Pharmacien Manager : Vous possédez une forte culture pharmaceutique… Pourquoi avoir fait d’Internet votre réseau de distribution ?

Claire Gagliolo : Internet était le seul moyen qui me permettait de démarrer la vente de mes produits de façon « légère ».J’ai créé moi-même les formules et les textures, je n’ai aucun personnel et travaille avec de nombreux sous-traitants. Je n’ai clairement pas les moyens humains et financiers de me lancer dans une stratégie de distribution officinale, d’autant que je n’ai aucune condition commerciale à offrir. Dans ce contexte, le Net m’a paru d’autant plus pertinent qu’actuellement la plupart des femmes sont des internautes. Aujourd’hui, 50 % de mes clientes ont plus de 55 ans ! Elles font leurs courses en ligne pour des raisons évidentes de praticité.

P.M. : La vente en ligne ne risque-t-elle pas de banaliser vos produits ?

C.G. : Au contraire. L’outil Internet permet d’apporter des preuves tangibles sur le sérieux et la qualité. Sur le site, on trouve toutes les formules détaillées et les tests effectués. Pour la réglementation de la cosmétique bio, nous renvoyons sur des sites officiels. Il y a aussi des explications pointues sur les actifs et un chapitre complet sur la physiologie de la peau. Je ne laisse rien au hasard, d’autant que je sais que les gens se renseignent systématiquement sur le site avant d’acheter. Un pharmacien, un préparateur ou une esthéticienne n’aurait pas le temps de donner toutes les informations qui figurent sur le site et, de toute façon, il ne les connaîtrait pas forcément toutes.

P.M. : Honnêtement, n’exploitez-vous pas le nom Officinea pour apporter une caution de sérieux à votre marque ?

C.G. : Non, je ne m’inscris absolument pas dans cette optique. La crédibilité d’Officinea passe avant tout par la transparence de ses formules… On ne se débarrasse pas si facilement de ses racines ! Il n’empêche, le nom d’Officinea a été choisi au terme d’une longue réflexion. Le cahier des charges de départ était le suivant : je cherchais une consonance latine et une identité de marque sélective. Officine en italien signifie « bureau secret » et reflète parfaitement un certain aspect confidentiel. Le logo Officinea se lit en en trois lignes, et en trois mots, chacun lourd de sens : « Off », pour le côté VIP de la marque qu’on ne retrouve pas partout, « ici » pour signifier aux internautes qu’ils se trouvent sur le bon site, et « nea » qui veut dire nouveau.

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P.M. : Vous parlez de marque secrète, confidentielle. Votre positionnement hypersélectif ne risque-t-il pas de nuire à votre développement?

C.G. : Je ne vous cacherais pas que l’une de mes plus grandes craintes n’est autre qu’un développement trop rapide. Car cela impliquerait un apport de capitaux extérieurs, alors qu’actuellement je suis en autofinancement. Je ne souhaite pas passer à grande échelle parce que je ne suis pas prête à faire des concessions qui nuiraient à l’image de la marque. La société est toute jeune. Si je ne maîtrise plus la chaîne de production et de distribution aujourd’hui, je n’aurais certainement pas une seconde chance ! Je veux rester fidèle à mes valeurs qui sont la qualité, la sincérité et le développement durable. Officinea perdrait toute son âme si les produits se retrouvaient du jour au lendemain en tête de gondole.

P.M. : La vente en pharmacie vous paraît-elle inenvisageable ?

C.G. : Pas exactement. Ce que je refuse vraiment, c’est la distribution physique systématisée et de grande ampleur, et ce même si j’en avais les moyens. Car cette démarche est antinomique avec la notion de développement durable : il faudrait investir en PLV et en brochures, lesquelles finissant par atterrir à la poubelle. Actuellement, je ne propose qu’un catalogue en ligne et tous les emballages sont faits à partir de papier recyclé.

P.M. : Avec quels types d’officines accepteriez-vous de travailler ?

C.G. : Je ne m’interdis pas de distribuer auprès des pharmacies. Mais, là encore, ce serait de manière très sélective, avec des équipes hypermotivées et qui présenteraient Officinea comme une marque de conseil en l’exposant près du comptoir, voire même derrière le comptoir. On ne peut pas vendre des formules avec 80 % d’actifs comme on vend la plupart des cosmétiques.

P.M. :Justement, comment assurer un conseil personnalisé via Internet ?

C.G. : Mon numéro de téléphone figure sur le site et les gens peuvent me joindre facilement. Ils me contactent aussi par courriel et, dans ce cas, je les rappelle. Au total, je délivre une centaine de conseils par mois. Le téléphone abolit les barrières du face à face et permet, je pense, aux gens de se livrer sans réticences, sans peur d’être jugés. Les relations avec les gens restent très chaleureuses.

P.M. : Votre conseil se heurte cependant au fait que vous ne voyez pas les gens…

C.G. : Je n’ai pas l’impression que cela pose un problème. Je pense que si j’avais les personnes en face de moi je leur dirais la même chose. Je leur pose beaucoup de questions, je demande des indications sur le phénotype, les réactions cutanées… La peau est un organe qui parle et que l’on ressent particulièrement bien. Mon conseil est plus pointu que dans n’importe quel circuit de distribution puisque c’est moi-même qui ai mis au point les produits. Officinea permet aux internautes de contacter directement le formulateur de la gamme, c’est une vraie force. Je parle d’une manière très franche. Je pense qu’une relation durable avec les consommateurs ne peut pas supporter les surpromesses et le discours marketing.

P.M. :Pensez-vous que les pharmaciens abusent des discours marketing ?

C.G. : Je pense surtout que certains s’éloignent de leur coeur de métier en mimant les stratégies commerciales et merchandising de la grande distribution. Je suis stupéfaite de voir des linéaires complets de produits cosmétiques à prix sacrifiés. Aujourd’hui, on ne peut plus défendre un monopole si la bataille se joue sur les marges et non sur le service aux patients.

Officinea en bref

.La boutique en ligne est ouverte depuis septembre 2007.

.La marque au positionnement haut de gamme est certifiée bio. Les formules, dont Mimosa tenuiflora est l’ingrédient phare, ont une forte concentration en actifs (plus de 80 % pour certaines références).

.La gamme se compose de 5 soins (crèmes de jour et de nuit, huile sèche pour le corps, contour des yeux et eau démaquillante).

.L’huile sèche pour le corps et le sérum pour les yeux ont été primés par le Palmarès des cosmétiques 2009.

.La gamme sera prochainement complétée par un exfoliant. La création d’une offre pour hommes et d’une ligne bébés est prévue dans les prochains mois.