La petite révolution du libre accès

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Publié le 21 mars 2009
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Plus de huit mois après sa création, le libre accès ne déchaîne pas les passions. Moins de quatre pharmacies sur dix ont installé un rayon digne de ce nom. Et pour une révolution dans les habitudes d’achat des patients-clients, il faudra repasser.

En octobre 2008, 38 % des pharmaciens interrogés par Median Conseil déclaraient envisager de se mettre au libre accès. En février 2009, ils n’étaient plus que 21 %.

Seules 38 % des pharmacies ont installé un rayon OTC devant leur comptoir, d’après une étude du cabinet Median Conseil menée en février dernier auprès de 350 pharmacies. C’est à peine 9 % de plus qu’en octobre 2008 (voir Le Moniteur n° 2752). Mais c’est surtout l’« enthousiasme » pour le libre accès qui décline sérieusement, accusant une chute de 12 % en quatre mois. Car si, en octobre, 33 % des pharmaciens envisageaient de s’y mettre, ils ne sont plus que 21 % aujourd’hui. Sans compter que la proportion de ceux qui ne souhaitaient pas le faire a progressé de 4 points entre octobre et février, passant de 30 à 34 %. Les opposants à cette mesure le sont par principe (40 %) et par manque de place dans leur officine (24 %).

« Ce recul est inattendu. Sans doute, les premiers échos négatifs, révélant que le libre accès ne permet pas de développer davantage les ventes de l’OTC, ont pu décourager certains pharmaciens », commente Benoît Thomé, directeur de Median conseil. Quant aux pharmaciens qui ont d’ores et déjà franchi le pas, comment ont-ils été convaincus ? Si 28 % souhaitaient développer leur chiffre d’affaires OTC, 36 % se disent « obligés de suivre la tendance » et 24 % avouent avoir voulu faire un test ou être poussés par la curiosité.

Des consommateurs dubitatifs

Et les clients dans tout ça ? Dans le cadre du Médec, le Groupe d’études et de recherche en marketing santé (GERMS) de l’université Pierre-et-Marie-Curie a présenté une étude sur leurs comportements. Il a interrogé, entre novembre 2008 et janvier 2009, 553 clients d’officines de la région parisienne. Même si on n’est pas encore entré dans l’ère du « shopping médical » (44 % d’entre eux achètent entre une et trois fois par an seulement des médicaments sans ordonnance), pour certains le libre accès offre à la fois un gain de temps et la possibilité de réaliser des économies (15 % des sondés sont sensibles aux promotions ponctuelles et 45 % ont remarqué que ce type de stratégie commerciale était pratiqué sur l’OTC), bien que le prix soit encore loin de faire partie de leurs considérations prioritaires. Pour d’autres, le libre accès est considéré comme dangereux.

« Ces consommateurs se rejoignent sur au moins deux points, fait remarquer Deborah Wallet-Wodka, maître de conférences en marketing des produits de santé. 88 % souhaitent que la séparation soit claire entre ce rayon et les autres produits. Et le libre accès ne change pas l’image du pharmacien. Son rôle de conseil est toujours aussi important. » Libre accès et rôle du pharmacien ne sont donc pas antinomiques, surtout auprès des jeunes et des quadragénaires, lesquels sont les plus enclins à utiliser ce rayon.

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L’information fera la différence

Prosper Ekodo, titulaire dans le parisien XVIIe arrondissement à Paris, s’est précipité sur le libre accès. « Mes clients se sentent grandis car on leur renvoie l’image qu’ils sont capables de se débrouiller seuls. Nous nous assurons que la personne sait ce qu’elle a pris et comment l’utiliser, et nous précisons les limites de l’automédication », explique-t-il. C’est ce rôle de « conseiller debout qui explique pourquoi tel médicament est préférable à un autre » qui séduit Micheline Bernard-Harlaut, chargée de mission aux Associations familiales laïques. « Au pharmacien de jouer la carte de l’information plutôt que celle de la grande surface », insiste-t-elle, militant pour des notices plus compréhensibles. Selon l’étude du GERMS, 45 % des patients ne les lisent jamais.

un an après

De 217 à 320 spécialités

Le 29 mars 2008, Le Moniteur s’était procuré la liste secrète des spécialités éligibles au libre accès plus de 3 mois avant la parution au Journal officiel. Le 6 juillet, 217 médicaments allopathiques, 12 à base de plantes et 19 homéopathiques constituaient la première liste publiée. Depuis, cette liste s’est enrichie pour atteindre 320 spécialités et de grands absents du début sont apparus. C’est ainsi le cas de Mucomyst, Fervex ou de Fluimucil. La liste complète est consultable sur le site de l’Afssaps. Vous pouvez aussi consulter le prix des 100 spécialités « libre accessibles » les plus vendues sur wk-pharma.fr (voir aussi p. 42).