Madame D. refuse d’avaler ses comprimés

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Publié le 22 août 2009
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– Aricept : placer le comprimé orodispersible sur la langue où il se désintègre en quelques secondes avant de l’avaler avec ou sans eau.- Ebixa : une prise quotidienne, indifférente par rapport aux repas.- Risperdal : la pipette est graduée en mg et en ml. Le flacon de solution se conserve 3 mois après ouverture.- Clamoxyl : comprimés à disperser dans un demi-verre d’eau avant ingestion. Prise indifférente par rapport aux repas.- Resource crème : Servir frais, en complément d’un repas ou comme collation.

Ce que vous savez de la patiente

– Mme Augusta D., 85 ans, souffre de la maladie d’Alzheimer. Depuis l’annonce du diagnostic, il y a 5 ans, son état de santé s’est fortement dégradé tant au niveau des troubles cognitifs (MMSE = 11/30) que du comportement (agressivité, idées délirantes). Son traitement actuel repose sur la prise d’une bithérapie (Aricept-Ebixa) et d’un neuroleptique (Risperdal), introduit il y a 6 mois.

– Sa clairance de créatinine est estimée à 45 ml/min (insuffisance rénale modérée). Elle vit chez elle avec son mari, 80 ans, qui refuse l’institutionnalisation malgré les difficultés quotidiennes. C’est lui qui vient chercher les médicaments à la pharmacie et qui se charge de les donner à sa femme.

– Mme D. présente depuis 4 jours une toux grasse accompagnée d’un court épisode fébrile (38,1 °C) qui a motivé la venue du généraliste à son domicile.

Ce que le médecin leur a dit

L’examen pulmonaire est normal. Etant donné la fragilité et les antécédents de Mme D. (hospitalisation il y a un an suite à une bronchite et récente perte de poids), le médecin décide de prescrire un traitement antibiotique (Clamoxyl) et lui demande de continuer le sirop Bronchokod, délivré la veille à la pharmacie. Il lui prescrit également une supplémentation nutritionnelle orale pour l’aider à reprendre du poids.

La demande spontanée de l’aidant

Monsieur D. s’inquiète des modalités d’administration de l’antibiotique. Il fait part du comportement parfois agressif et opposant de sa femme lorsqu’il lui donne ses médicaments et appréhende le fait de devoir lui faire avaler deux comprimés de plus chaque jour.

Détection des interactions

Aucune interaction médicamenteuse n’est notable sur cette prescription.

Analyse des posologies

La patiente est sous Aricept, Ebixa et Risperdal depuis plusieurs mois, donc en phase d’entretien. Toutes les doses prescrites sont conformes aux AMM et tiennent compte de l’insuffisance rénale modérée de la patiente.

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Avis pharmaceutique

Validité de l’ordonnance

Aricept et Ebixa sont des médicaments dont la prescription initiale annuelle est réservée aux spécialistes en neurologie, psychiatrie, gériatrie et aux diplômés en gérontologie. La prescription émane ici d’un généraliste, elle est toutefois recevable car le renouvellement n’est pas restreint pendant l’année suivant la prescription initiale (datée du 15/01/2009).

Objectifs thérapeutiques

La prise en charge médicamenteuse vise à retarder la progression de la maladie d’Alzheimer, la perte d’autonomie et l’institutionnalisation. L’objectif est également de prendre en charge les troubles du comportement et l’amaigrissement de la patiente.

Choix du prescripteur

– Le donépézil (Aricept) et la mémantine (Ebixa) sont indiqués respectivement dans les formes légères à modérément sévères et dans les formes modérées à sévères de la maladie d’Alzheimer. Le MMSE actuel de la patiente (score 11 = stade modérément sévère) est conforme à ces indications. Le médecin a prescrit conjointement ces 2 spécialités ayant des modes d’action différents. Selon la HAS, l’association, bien que fréquente, n’a pas démontré de bénéfice par rapport à une monothérapie.

– La rispéridone (Risperdal) permet de diminuer l’intensité et la fréquence des troubles du comportement associés à la démence tels que l’agressivité, l’irritabilité et les idées délirantes. Depuis 2008, la prescription de neuroleptiques atypiques chez le patient atteint d’Alzheimer n’est cependant recommandée par la HAS qu’en cas de symptômes psychotiques sévères. La prescription de la dose minimale efficace, d’une durée limitée, la recherche d’effets indésirables et une réévaluation périodique (tous les 15 jours selon les recommandations) sont indispensables. Le médecin, déjà contacté à ce sujet, a précisé que Mme D. souffrait d’agressivité et qu’il ne pouvait pas supprimer le Risperdal. Il le prescrit à dose aussi faible que possible, en 2 prises, pour limiter le risque d’hypotension orthostatique.

– L’amoxicilline (Clamoxyl) est l’antibiotique choisi par le prescripteur dans un contexte de suspicion de bronchite aiguë. Chez l’adulte sans comorbidités il n’est pas recommandé d’antibiothérapie dans cette pathologie. Toutefois Mme D. étant très amaigrie et ayant des antécédents de bronchites à évolution compliquée, le médecin a préféré instaurer ce traitement par précaution.

– Mme D. pèse 47 kg, son IMC est de 18, elle a perdu 3 kg le mois dernier. La patiente est donc dénutrie (IMC < 21 et perte de poids 3 5 % en 1 mois). Une prise en charge nutritionnelle est nécessaire car la dénutrition augmente les risques de comorbidités : chutes, infections, escarres…

La prescription de deux crèmes Resource, hyperénergétiques et hyperprotidiques, permet un apport quotidien supplémentaire de 400 kcal et de 30 g de protéines.

Intervention pharmaceutique

– Alerté par le discours de M. D. quant à ses difficultés à faire avaler le traitement à sa femme, le pharmacien décide d’appeler le médecin. Pour faciliter l’observance, le pharmacien propose la substitution des comprimés pelliculés d’Aricept par leur forme orodispersible et la prise d’Ebixa en 1 seule fois au lieu des 2 prises quotidiennes habituelles. Le médecin confirme ces changements.

– Pour rassurer M. D., le pharmacien lui explique qu’il peut dissoudre les comprimés d’amoxicilline dans un demi-verre d’eau plutôt que de les faire avaler directement à sa femme.

– La sécurité enfant du flacon de Risperdal rend parfois son ouverture difficile, en particulier pour les sujets âgés. Le pharmacien s’assure que cela ne pose pas problème à M. D.

– Lors de la première dispensation des crèmes Resource, faire goûter plusieurs parfums et ne pas dispenser la totalité des crèmes, au cas où le goût ou la texture ne plaise pas. Elles peuvent être prises comme collations (environ 2 heures avant ou après un repas pour préserver l’appétit au moment du repas) ou pendant les repas (« en plus » et non « à la place » des repas). Informer M. D. qu’il existe également des soupes, plats mixés, céréales, pouvant s’adapter aux goûts de sa femme et au moment de la journée.

Suivi du traitement

Effets indésirables

Un suivi attentif des effets indésirables est nécessaire chez cette patiente âgée et dénutrie. Le donépézil peut entraîner des troubles digestifs, neurologiques (vertiges, tremblements, céphalées), cardiovasculaires, et des crampes musculaires. La rispéridone peut notamment être à l’origine d’hypotensions orthostatiques, de symptômes extrapyramidaux…

Surveillance biologique et clinique

– Bilan sanguin (NFS, créatininémie, albuminémie…)

– Réévaluation des symptômes cognitifs, fonctionnels et comportementaux en utilisant des échelles comme le MMSE, IADL.

– Mesure hebdomadaire du poids (puis mensuelle si le statut nutritionnel s’améliore).

Conseils à la patiente et à l’aidant

Risque de chutes

– Madame D. a de nombreux facteurs de risque de chute : l’âge, la maladie d’Alzheimer (altération de l’équilibre), la prise de Risperdal (hypotension orthostatique) et la dénutrition.

– Conseiller l’usage de chaussons fermés avec semelles antidérapantes.

– Aménager le domicile avec un éclairage suffisant, enlever les tapis, installer des barres d’appui aux toilettes et dans la salle de bain…

– Ne pas se lever trop rapidement depuis une position assise ou couchée (hypotension orthostatique).

Dénutrition

– Veiller à ce que la patiente boive régulièrement, sans attendre la sensation de soif.

– Proposer des aliments faciles à ingérer, selon ses goûts et qu’elle puisse saisir avec une cuillère ou avec les doigts. Servir les plats un par un. Augmenter la fréquence des prises alimentaires dans la journée

– Les apports caloriques et protidiques étant insuffisants, ne pas hésiter à renforcer le petit déjeuner, souvent très apprécié, de quelques tartines supplémentaires. Enrichir les plats (potages, purées, pâtes) avec du gruyère râpé, du beurre, de la crème fraîche, ou des oeufs.

– Les crèmes Resource se consomment soit en collation soit aux repas. Un pot ouvert se conserve 2 heures à température ambiante et 24 heures maximum entre + 2 et + 8 °C. Varier les parfums.

Observance

– Rappeler à M. D., avant que la prescription annuelle du neurologue n’arrive à terme, qu’elle est indispensable à la délivrance d’Aricept et Ebixa. Il devra programmer un rendez-vous chez le neurologue en conséquence.

– Encourager monsieur D. à informer le pharmacien et/ou le médecin de toute difficulté concernant la prise des médicaments.

– S’assurer de la bonne compréhension du plan de prise et des modalités d’administration des médicaments (comprimés orodispersibles d’Aricept, comprimés dispersibles d’amoxicilline, utilisation de la pipette de Risperdal).

– Respecter la durée du traitement antibiotique

Pour l’aidant

– S’occuper d’une personne atteinte de la malade d’Alzheimer et en particulier présentant des troubles du comportement est épuisant pour les proches. M. D. doit aussi prendre soin de lui (santé, alimentation), se ménager régulièrement des moments de détente et accepter d’être aidé (infirmière pour la prise des médicaments, garde à domicile la nuit).

– Ne pas hésiter à l’orienter vers des associations de patients qui proposent des groupes de soutien pour les aidants.

MMSE (MINI-MENTAL STATUS EXAMINATION) TEST D’ÉVALUATION DES FONCTIONS COGNITIVES.

Les médicaments prescrits

Aricept (donépézil)

– Anticholinestérasique.

– Traitement des formes légères à modérément sévères de la maladie d’Alzheimer.

– Traitement instauré à 5 mg/j. Au bout d’1 mois, après évaluation clinique, la dose peut passer à 10 mg/j, posologie maximale recommandée. Pas d’adaptation de dose chez l’insuffisant rénal.

Ebixa (mémantine)

– Antagoniste des récepteurs NMDA.

– Traitement des formes modérées à sévères de la maladie d’Alzheimer.

– Instauration à 5 mg/j pendant la première semaine, puis la dose d’entretien est atteinte par palier de 5 mg/semaine. Dose quotidienne maximale de 20 mg. En cas d’insuffisance rénale modérée la dose est réduite à 10 mg (puis 20 mg si bonne tolérance).

Risperdal (rispéridone)

– Antipsychotique dit « atypique ».

– Traitement des psychoses.

– Chez le sujet âgé et les insuffisants rénaux la posologie initiale est de 1 mg/j (1 ml/j) en 2 prises. Cette posologie est ensuite adaptée par paliers journaliers de 1 mg/j en 2 prises, jusqu’à une dose de 2 à 4 mg/j en 2 prises.

Clamoxyl (amoxicilline)

– Antibiotique de la famille des bêtalactamines

– Traitement des pneumopathies aiguës, surinfections bronchiques, infections ORL…

– 1 à 3 g/j en 2 à 3 prises selon les indications

Pas d’adaptation posologique tant que la clairance de la créatinine est > 30 ml/min.

Resource crème

– Aliment diététique hypercalorique et hyperprotidique destiné à des fins médicales spéciales (200 kcal, 13 g de protéines par pot).

– 1 à 3 unités par jour.