Le marketing a-t-il devancé la science ?
Ingrédients stars des compléments alimentaires et des laits fermentés, les probiotiques n’ont jamais autant fait parler d’eux. Les consommateurs les plébiscitent actuellement en prévention des infections hivernales. Mais les promesses marketing de ces nouveaux produits sont-elles en phase avec la réalité scientifique ?
Si vos clients ne savent pas exactement ce que sont les probiotiques, ils ont conscience qu’ils apportent un bénéfice sur la santé. Merci Danone ! Car les bactéries lactiques entrent aujourd’hui dans la composition de nombreux compléments alimentaires et sont parées de mille vertus : bien-être intestinal, stimulation des défenses, prévention des diarrhées, prophylaxie des mycoses vaginales…
Rappelons que Bion 3 arrive en tête des ventes du marché des compléments alimentaires. Fait notoire, les probiotiques font depuis peu l’objet d’une explosion de publications scientifiques : plus de 2 500 en 8 ans ! Le débat n’est plus d’être pour ou contre, mais de déterminer leurs applications. Ciblés au début sur la prise en charge des diarrhées et des infections hivernales, les travaux s’intéressent désormais au syndrome de l’intestin irritable mais aussi à l’obésité, aux complications du diabète et même au domaine de la cancérologie.
Les bactéries-médicaments vont débarquer
Par exemple, certaines souches antiprolifératives ont la capacité de limiter les tumeurs néorectales chez l’animal. Nous serions même à l’aube des « bactéries-médicaments ». Le principe étant de modifier génétiquement des souches bactériennes pour leur faire produire des peptides actifs, ou carrément d’utiliser des métabolites actifs de notre flore intestinale.
La recherche, qu’elle soit publique (Institut national de la recherche agronomique, Institut Pasteur, Institut national de la santé et de la recherche médicale) ou privée, se passionne pour les probiotiques. Il existe même des sociétés spécialisées dans le développement de souches utilisées en thérapeutique, tel l’institut Rosell-Lallemand. Mais pourquoi les probiotiques s’agitent-ils dans les éprouvettes ? Parce qu’ils interagissent avec la flore intestinale, désormais appelée le microbiote. Et une chose est sûre : ce microbiote (composé de 100 000 milliards de bactéries) intervient dans la lutte anti-infectieuse et participe activement aux défenses immunitaires.
Pour autant, la « régulation » de l’écosystème intestinal par les probiotiques a-t-elle des effets concrets sur la santé ? Les expérimentations in vitro sont-elles transposables à l’homme ? Est-il opportun de conseiller des probiotiques ? Dans quels cas ? Huit spécialistes nous livrent leur avis.
Sondage directmedica
Sondage réalisé par téléphone les 5 et 6 octobre 2009 sur un échantillon représentatif de 100 pharmacies françaises en fonction de leur répartition géographique et de leur chiffre d’affaires.
Pour se défendre
Comment jugez-vous l’efficacité des probiotiques ?
Une demande en hausse
D’après vous, la demande de compléments alimentaires à base de probiotiques augmente-t-elle actuellement ?
C’est bon également pour l’intestin
Dans quels domaines réalisez-vous vos ventes de probiotiques ?
Des produits bien exposés
Où se trouvent vos produits à base de probiotiques dans l’officine ?
Peu de bienfaits dans les laits…
Considérez-vous que l’ajout de probiotiques dans les laits pour nourrissons est un réel atout ?
… sinon pour réguler le transit
Si oui, pourquoi ?
Des laits fermentés pour la santé
Que pensez-vous des laits fermentés ?
IL Y A PEU DE PRODUITS ÉLUS
Gérard Corthier est directeur de l’unité Ecologie et physiologie du tube digestif à l’INRA (Jouy-en-Josas)
Le Moniteur : Quelles sont les propriétés avérées des probiotiques ?
Pour répondre clairement à cette question, il faut se placer du côté du législateur et ne retenir que les allégations validées par des études randomisées en double aveugle chez l’homme. Au final, il y a peu de produits élus. La liste des produits disposant de telles études se compose des laits Nidal et Guigoz enrichis en Bifidobacterium lactis, qui favorisent l’acquisition d’une flore riche en bifidus et renforcent les défenses naturelles, d’Actimel, qui renforce les défenses naturelles, d’Activia, qui améliore le transit, de Bion 3, qui diminue la durée et l’intensité du rhume, et d’Ultra-levure, qui prévient les diarrhées associées aux antibiotiques [NdlR : Lactibiane Référence et Immunostim ont également fait l’objet d’études cliniques. Lactibiane Référence a montré une réduction des douleurs abdominales et une amélioration du confort digestif dans les troubles fonctionnels intestinaux. Immunostim permet de diminuer de 25 % le risque de survenue d’un épisode infectieux chez l’enfant]. Faut-il en déduire que tous les autres produits sur le marché ne sont pas valables ? Toutes les allégations qui ne sont pas justifiées par des études en bonne et due forme paraissent douteuses. Certaines peuvent être mensongères. J’ai déjà vu un produit qui se vantait de diminuer le stress du lundi matin ! Il faut aussi savoir qu’à ce jour, aucun industriel n’a encore démontré sur l’homme qu’un probiotique pouvait rééquilibrer la flore intestinale. Aussi intéressants soient-ils, les résultats chez la souris ne peuvent pas être extrapolés à l’homme ! De même, on ne peut pas attribuer d’allégation santé à telle ou telle souche, la preuve doit être constatée avec le produit final.
Comment expliquez-vous le paradoxe entre la multitude de recherches sur les probiotiques et le peu de produits validés ?
Les études cliniques coûtent très cher et il n’y a que les grands groupes ou laboratoires qui peuvent les financer. L’AFSSA a une réglementation de plus en plus contraignante. Elle demande des allégations d’ordre médical et un dossier proche de celui du médicament. Or, les probiotiques restent dans le domaine de l’aliment. En voulant assainir la situation, la barre a été mise trop haut. Et quand bien même les preuves seraient démontrées, les choses ne seraient pas si simples. Récemment, les industriels du yaourt se sont vus refuser l’allégation « aide à digérer le lactose ». Les instances européennes ont estimé que tout le monde n’était pas intolérant au lactose.
LES PROBIOTIQUES BÉNÉFICIENT D’UN EFFET MODE ET MARKETING
Le Pr Thierry Piche est gastroentérologue au CHU de Nice et chercheur à l’INSERM (unité 576 Immunologie des muqueuses)
Les probiotiques apportent-ils un réel bénéfice dans le syndrome de l’intestin irritable ?
Il y a aujourd’hui des preuves indéniables in vitro. Sur des modèles cellulaires et animaux, les probiotiques exercent un effet anti-inflammatoire, réparateur, barrière et même parfois antalgique au niveau de la muqueuse intestinale. Mais il faut souvent associer différentes souches. La difficulté à l’heure actuelle est de prouver un effet prolongé chez l’homme. Or, les industriels n’ont souvent pas les moyens de prolonger les études cliniques au-delà de quelques semaines. Au final, les méta-analyses récentes (2008-2009) sur l’intestin irritable indiquent que les probiotiques apportent globalement des bénéfices, avec certaines limites : le nombre insuffisant de sujets testés (groupes de patients inférieurs à 100), l’absence de scores précis (les paramètres étudiés étant d’ordre général) et l’effet souche-dépendant.
N’est-il donc pas prématuré de les conseiller aux patients ?
Je ne le pense pas. D’ailleurs, les malades prennent des probiotiques de leur propre chef et semblent satisfaits. Au-delà de la science, le retour d’expérience des patients mérite d’être pris en compte. On peut conseiller les produits car ils sont a priori bien tolérés, tout en sachant qu’ils ne sont pas magiques. Les probiotiques n’ont d’ailleurs pas d’indications, ce sont des traitements d’adjonction qui aident à restaurer la flore intestinale et à améliorer le confort digestif. Evidemment, il reste des inconnus ! On ne sait toujours pas si les doses ingérées arrivent vivantes au niveau de l’intestin chez l’homme, faute de moyens techniques pour le démontrer.
Les industriels n’auraient-ils pas tendance à faire des surpromesses ?
Les probiotiques bénéficient actuellement d’un effet mode et marketing. Cependant, les industriels mettent de plus en plus de moyens pour apporter des preuves scientifiques. Notre laboratoire est d’ailleurs consulté en amont des commercialisations. Il n’empêche que les professionnels de santé doivent garder un oeil critique et ne pas hésiter à demander aux laboratoires leurs publications et leurs études.
Les fructanes pour combattre l’obésité ?
Voici une information de poids : on vient de trouver une nouvelle explication à l’obésité, laquelle serait liée au déséquilibre du microbiote. On sait désormais que la flore des personnes obèses contient une majorité de bactéries Firmicutes. Le rapport avec le groupe des Bacteroidetes (bifidobactéries) est de 100/1 alors qu’il descend à 10/1 chez une personne ayant un IMC dans les normes. Or, la modification de ce rapport serait à l’origine de la prise de poids. L’idée ? Donner à manger aux probiotiques (c’est-à-dire aux bifidobactéries) pour qu’ils se développent. Et quelle meilleure nourriture que les prébiotiques, soit des sucres non digestibles ? Une catégorie de prébiotiques a récemment démontré ses effets minceur : il s’agit des fructanes. En augmentant leurs apports, on observe une réduction à la fois de la masse grasse et du poids. On les trouve surtout dans les topinambours, le pissenlit ou le blé. En France, nous en consommons 2 g par jour alors que les effets bénéfiques se constatent à partir de 8 à 10 g par jour.
LES PROBIOTIQUES PERMETTENT DE RÉÉQUILIBRER LA FLORE ET D’APPORTER DES BACTÉRIES « ANTI-INFLAMMATOIRES »
Le Dr Harry Sokol (INSERM U 538) est gastroentérologue à l’hôpital Saint-Antoine de Paris
Où en sont les recherches sur l’effet des probiotiques dans les MICI ?
Il y a aujourd’hui un rationnel scientifique qui confirme l’utilité des probiotiques dans les MICI car on a mis en évidence une dysbiose [altération de l’équilibre normal de la flore intestinale, NdlR] très nette dans ces pathologies. Les bactéries commensales de la flore des malades – qui jouent un rôle anti-inflammatoire – voient leur nombre diminuer. Parallèlement, les bactéries pro-inflammatoires augmentent. Les probiotiques permettent de rééquilibrer la flore et d’apporter des bactéries « anti-inflammatoires ». Mais les effets diffèrent en fonction des pathologies et des souches.
Quels sont les probiotiques actifs et dans quels cas ?
Le VSL 3, complément alimentaire associant 8 bactéries probiotiques (1), a prouvé son intérêt en prévention primaire et secondaire des pochites (2). Dans la rectocolite hémorragique, plusieurs essais publiés montrent son efficacité ainsi que celle de l’Escherichia coli Nissle 1917. L’effet de ces deux produits est comparable à celui des 5-aminosalicylés dans le maintien des rémissions. Ils représentent une réelle alternative à ce traitement mais ils ne sont pas commercialisés en France alors qu’ils le sont en Italie, en Allemagne, aux Etats-Unis et en Angleterre, bénéficiant même parfois d’un remboursement. Nos patients doivent se les procurer sur Internet pour au moins 100 euros par mois.
Et dans la maladie de Crohn ?
Tous les travaux avec les probiotiques se sont jusque-là montrés décevants. Mais le choix des souches sélectionnées n’était probablement pas le bon. Actuellement, de nouveaux essais sont en cours avec Saccharomyces boulardii. Et, à l’avenir nous utiliserons certainement des bactéries issues directement du microbiote, ou bien des molécules actives isolées à partir des bactéries commensales.
(1) Trois bifidobactéries (B. breve, B. longum, B. infantis) + quatre lactobacilles (L. acidophilus, L. bulgaricus, L. plantarum, L. paracasei) + un streptocoque (S. thermophilus). 450 milliards de bactéries par sachet.
(2) Inflammation de la poche reconstituée avec un morceau d’intestin grêle chez les patients atteints de RCH et ayant subi une colectomie.
NOTRE SEUL OBJECTIF EST DE PROPOSER DES PRODUITS AVEC UN EFFET SANTÉ DÉMONTRÉ
Le Dr Olivier Joly est directeur médical de Merck Médication familiale
D’où viennent les souches des produits Bion ?
Selon les cas, elles peuvent provenir d’un petit laboratoire de recherche publique ou de sociétés spécialisées dans la vente de probiotiques aux industriels (Rosell-Lallemand, Danisco, Hansen…). Merck détient aussi ses propres souches, mais on ne travaille pas dans notre coin ! Notre seul objectif est de proposer des produits avec un effet santé démontré. On ne s’interdit aucun partenariat. Nous choisissons donc ces souches en fonction des travaux documentés.
Vos produits sont-ils tous évalués cliniquement ?
Absolument ! Le dossier le plus fourni est certainement celui de Bion Transit. On obtient jusqu’à 75 % d’amélioration sur la gêne intestinale ! Mais la meilleure preuve de cette évaluation reste la publication dans le journal Clinical Nutrition de l’étude randomisée en double aveugle de la formule de Bion 3. On a démontré une diminution de la sévérité des symptômes du rhume et des épisodes pseudo-grippaux, ainsi qu’une réduction de la durée moyenne de ces infections de 2 jours en moyenne, et ce, pour une prise d’au moins 3 mois. Les effets sont similaires à ceux des inhibiteurs de la neuraminidase ! Notre produit n’a certes pas été testé sur le virus de la grippe mais nous le positionnons dans une optique de stimulation de l’immunité générale, qui complète le vaccin.
La nouvelle réglementation des compléments alimentaires de 2010 devrait prévoir une autorisation de commercialisation au vu d’un dossier scientifique très étayé. Qu’en pensez-vous ?
De notre côté, nous sommes déjà sur les rails ! On ne peut qu’approuver cette volonté d’assurer la qualité des produits. Néanmoins, il ne me semble pas logique d’augmenter un niveau de preuves proche de celles d’un dossier d’AMM et d’interdire les études chez les personnes malades. Nous souhaiterions tester certains probiotiques dans des pathologies légères.
NOUS PROPOSONS UN ALIMENT QUI AIDE DES FONCTIONS AMOINDRIES
Le Dr Jean-Michel Antoine est responsable du département Nutrition chez Danone
De quelle façon ont été conçus Activia et Actimel ?
Notre département de recherche a de nombreuses souches à disposition. Notre premier travail a été d’identifier les meilleurs ferments lactiques. Ensuite, il a fallu fabriquer un produit qui soit bon et reproductible avec les mêmes caractéristiques (108 bactéries vivantes par g) partout dans le monde, ce qui a mis environ 30 mois. Après cette étape, nous avons recherché les effets santé et mis en place des études cliniques en partenariat avec des laboratoires de recherche extérieurs (facultés de médecine…). Au final, le développement s’étale sur six ans. Actimel, par exemple, compte 24 études cliniques à son actif et plus de 4 000 personnes testées. Mais nous avons toujours des études en chantier. Ainsi, on s’est aperçu qu’Activia augmentait le seuil de perception de la douleur intestinale. D’où la sensation de « quiétude intérieure ». Nous travaillons aussi sur la régulation de l’inflammation intestinale par les probiotiques et leur intérêt dans le syndrome de l’intestin irritable.
Aussi convaincantes soient-elles, vos études utilisent néanmoins des doses élevées de produits (2 à 3 Actimel ou Activia par jour)…
80 % de nos études sont réalisées avec deux prises par jour. Le but est d’assurer une observance, c’est-à-dire au moins une prise quotidienne. En réalité, le nombre de yaourts importe peu. L’essentiel étant d’apporter une concentration de probiotiques suffisante, soit 10 puissance 10 bactéries par jour (dose comprise dans un flacon d’Actimel ou un pot d’Activia). Car nous savons qu’en deçà de ce seuil, l’effet santé n’est plus audible.
La différence entre Activia (qui promet une amélioration du transit) et un laxatif doux n’est-elle pas ténue ?
Que les choses soient claires : nous ne soignons pas une pathologie mais nous proposons un aliment qui aide des fonctions amoindries. Activia ne s’adresse pas aux personnes souffrant de constipation mais aux personnes ayant un transit lent, dans la limite de la normalité (jusqu’à 90 heures). Activia accélère d’environ 24 heures le transit des gens qui vont à la selle tous les deux ou trois jours mais ne change rien pour ceux qui ont un transit journalier.
UNE AIDE PRÉCIEUSE DANS LA PRISE EN CHARGE DES COLOPATHIES
Dr Laurence Benedetti,
diplômée de l’Institut européen de diététique et de micronutrition
Utilisez-vous souvent les probiotiques dans votre pratique ?
Absolument ! Ils représentent la base de la micronutrition. Et pour cause : ils entretiennent la santé de l’écosystème intestinal qui est un élément clé de la santé en général. Une flore en bon état garantit une bonne digestion, la défense de l’organisme par un effet barrière ainsi que la synthèse de vitamines B et K. L’intégrité de la muqueuse intestinale importe également ; si ses cellules ne sont plus correctement jointes, elles peuvent laisser passer des endotoxines dans le sang, responsables d’inflammation à distance (douleurs ostéoarticulaires, tendinites, infections ORL, réactions cutanées…). Il faut aussi rappeler le rôle essentiel du système immunitaire intestinal dans les processus de défense et de tolérance. A lui seul, il représente 60 % des cellules immunitaires de l’organisme !
Dans quelle situation les recommandez-vous le plus souvent ?
Sans aucun doute dans les manifestations du syndrome de l’intestin irritable. J’ai l’habitude de prescrire les produits Lactibiane car je connais leur process de fabrication. Je conseille des cures d’au minimum 3 mois. On ne désenflamme pas 300 m2 de muqueuse intestinale en 7 jours ! L’efficacité est significative et prouvée par une étude clinique. Les probiotiques sont une aide précieuse dans la prise en charge des colopathies, d’autant que la médecine se retrouve souvent démunie dans ce domaine.
Votre conseil concernant les probiotiques a-t-il évolué ces dernières années ?
Oui. J’utilise aujourd’hui beaucoup Lactibiane Candisis chez les patientes qui souffrent de mycoses à répétition. Le produit a montré une inhibition de la multiplication des candidas chez le rat. Je propose des cures de 3 à 6 mois pour venir à bout des foyers latents au niveau digestif. Lactibiane Candisis est aussi employé dans les fibromyalgies, 60 % des malades étant atteints de mycoses à répétition. Cette application fait actuellement l’objet d’une étude d’observation par les médecins de l’Institut européen de diététique et de micronutrition. Egalement, je n’hésite plus à recommander la prise de probiotiques aux femmes enceintes les trois derniers mois de la grossesse pour assurer le développement d’une bonne flore chez le nourrisson.
FAVORISER L’IMPLANTATION DES BIFIDOBACTÉRIES
Le Dr Marie-José Butel est professeur à la faculté de pharmacie de Paris-V et directrice du département Périnatalité, microbiologie et médicament
De plus en plus de laits infantiles sont enrichis en probiotiques. Est-ce vraiment bon pour la santé des bébés ?
Leur raison d’être consiste à moduler la flore des enfants non allaités et à favoriser l’implantation des bifidobactéries. Mais à la question « Les bifidobactéries ont-elles un effet protecteur ? », nous ne pouvons répondre que par des preuves indirectes. Ainsi, on sait que la fréquence des diarrhées et des troubles digestifs chez le bébé nourri au biberon s’avère plus importante que chez le bébé allaité, dont la flore intestinale est plus riche en bifidobactéries. Egalement, la fréquence des entérocolites ulcéronécrosantes du nourrisson est moindre chez les prématurés recevant du lait maternel. Des méta-analyses montrent qu’il est bénéfique de donner des probiotiques aux prématurés pour diminuer la survenue des pathologies intestinales.
En pratique, dans quelle situation peut-on recommander les laits enrichis en probiotiques ?
Il y a des arguments forts pour les conseiller en prévention des diarrhées, surtout pour diminuer leur durée et leur sévérité. Mais cela ne concerne pas toutes les souches ! Les plus utilisées dans cet objectif sont Bifidobacterium lactis, Lactobacillus GG et Saccharomyces boulardii. Dans la prévention des allergies, il n’y a pour le moment pas assez de preuves tangibles. Les études (notamment avec Lactobacillus GG) sont contradictoires.
La relation entre probiotiques et régulation du système immunitaire serait-elle surestimée ?
Le problème avec les probiotiques vient du fait qu’on ne peut pas faire des généralités. Tout dépend de la souche utilisée, de la population concernée et du trouble à améliorer. On peut cependant établir un constat : les mesures d’hygiène très strictes qui entourent l’accouchement à l’heure actuelle entraînent un retard d’implantation des bifidobactéries qui peut être mis en relation avec l’augmentation de la prévalence des allergies chez l’enfant. Il semble donc utile d’intervenir dès le premier âge, voire chez la mère, en donnant des probiotiques ou des prébiotiques. Le but étant de stimuler l’immunité et mettre en place la flore de barrière.
L’OBJECTIF EST DE DONNER LE BON PROBIOTIQUE À LA BONNE PERSONNE
Danièle Festy, pharmacienne, est l’auteur de « On a tous besoin de probiotiques » (éditions Leduc’s)
Pour vous, les probiotiques sont utiles pour tous…
Oui, car ils permettent de recharger la flore intestinale, qui, lorsqu’elle est perturbée, entraîne des problèmes digestifs mais aussi de nombreux troubles à distance. Il n’y a plus de doute là-dessus ! C’est au pharmacien à faire passer le message au grand public car peu de médecins sont sensibilisés à ce sujet. La prise de probiotiques est le premier acte à accomplir pour réparer un organe qui ne fonctionne pas bien.
Dans quels cas les conseillez-vous principalement ?
A chaque fois qu’une personne se plaint de problèmes digestifs (diarrhées, constipation, intolérance alimentaire, inconfort intestinal…). Je propose aussi les probiotiques en prévention de la turista. En ce moment, je les recommande pour éviter les infections hivernales.
Sur quels critères référencez-vous les produits ?
Je fais confiance aux marques françaises connues pour leur qualité de fabrication comme Nutergia, Pileje et Vital +. Je travaille aussi avec des gammes plus confidentielles mais très pointues, distribuées par Bionutrics ou Longévie. Certaines de leurs formules ont été élaborées en fonction du régime de l’individu (carné ou végétarien) et de ses réactions (ballonnements ou non). Chaque souche ayant ses propres fonctions, l’objectif est de donner le bon probiotique à la bonne personne. Les gens sont familiarisés avec le terme de probiotiques mais ont besoin qu’on les oriente. Mon rayon est donc volontairement placé derrière le comptoir.
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