Saine confraternité à Lisieux

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Publié le 24 octobre 2009
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A Lisieux, dans le Calvados, un titulaire qui n’arrivait pas à vendre a pu rendre sa licence en échange d’une indemnisation des onze autres pharmacies de la ville. Du jamais vu à cette échelle !

Lisieux accueille depuis un siècle des pèlerins du monde entier. Deviendra-t-elle aussi un lieu de pèlerinage pour les pharmaciens qui ne savent plus à quel saint se vouer pour réussir à vendre leur pharmacie ? Car un quasi-miracle a eu lieu dans cette petite cité normande. Jugez plutôt : les onze pharmacies de Lisieux se sont unies pour financer la fermeture d’une douzième, située en centre-ville. Ce montage a pu ainsi permettre le départ de sa titulaire qui n’arrivait pas vendre son fonds : son « petit » chiffre d’affaires (700 000 Û) et son emplacement faisaient en effet qu’aucun acquéreur ne se montrait intéressé. Pour la petite histoire, la pharmacie en question avait été tenue un temps par l’oncle de Thérèse, qui fut canonisée en 1925. La foi religieuse faisait que des habitants traversaient tout Lisieux pour se servir dans cette pharmacie.

Générosité et affaire de bon sens

Tous les pharmaciens, sans exception donc, ont fait preuve d’une confraternité exemplaire dans une période où le manque de repères et de lisibilité débouche plutôt sur le « chacun pour soi ». Mais cet élan de générosité est aussi une affaire de bon sens. Lisieux compte deux pharmacies de trop par rapport au quorum, et la disparition d’une pharmacie surnuméraire ne pouvait avoir que des retombées positives tant à court terme (gain de clientèle) qu’à long terme (perspectives de plus-values meilleures à la revente) pour les pharmacies restantes.

On s’en doute, l’adhésion n’a pas été spontanée et unanime au départ. Il a fallu un catalyseur pour que cette opération collective puisse être menée à bonne fin. « Sans l’intervention de Chantal Couillard, du cabinet Huchet, ce rachat n’aurait pas été possible », confie Bruno Oursel, titulaire de l’une des onze pharmacies de Lisieux. Le cabinet Huchet était au départ chargé de la vente de la pharmacie dont la licence a finalement été rendue au préfet le 24 juillet dernier. « C’est le cas de le dire, j’ai pris mon bâton de pèlerin pour convaincre les pharmaciens, les uns après les autres, du bien-fondé de cette opération, qui a demandé plus de six mois de travail », livre Chantal Couillard.

60 % du chiffre d’affaires d’indemnité

Comme souvent en transactions, la personnalité de l’intermédiaire est déterminante. Mais, dans le cas présent, cela ne suffisait pas. « De deux choses l’une, soit les pharmaciens se regroupaient pour racheter l’officine de la vendeuse, soit ils l’indemnisaient pour qu’elle puisse restituer sa licence », expose la spécialiste de la transaction. C’est la seconde solution qui a été retenue et appuyée par le cabinet d’expertise comptable Lecoeur et Leduc, commun à plusieurs pharmacies de la ville.

L’indemnité s’est montée à 60 % du CA TTC (sans compter que le stock a été rétrocédé à plusieurs pharmaciens), un montant honorable qui a été réparti entre les onze pharmacies en proportion de leur éloignement avec celle à fermer. Elle a été financée pour les uns par autofinancement, pour les autres par emprunt bancaire. « Par bonheur, sept pharmacies avaient la même banque. Il était indispensable aussi que celle-ci n’oppose pas son veto. Dans cette affaire, il fallait que tout le monde joue le jeu et fasse preuve de bonne volonté », explique Chantal Couillard.

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Au final, tous les pharmaciens ont récupéré, à des degrés divers, une partie de la clientèle de la pharmacie et aucun n’a le sentiment d’être lésé. Alléluia !