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« J’ai subi un sinistre »
Inondations le plus souvent, mais aussi incendie, explosion ou voiture dans la vitrine… Les pharmaciens ne sont pas à l’abri d’un sinistre grave. Plusieurs confrères ont accepté de revenir sur la catastrophe qui les a frappés, conseils à l’appui.
Personne, malheureusement, n’est à l’abri d’une catastrophe. Et ce ne sont pas les témoignages des consoeurs et des confrères interrogés dans ce dossier qui contrediront cet adage. Vous pouvez certes envisager le pire si vous êtes installé dans une zone connue pour être inondable, mais une explosion de gaz, un incendie accidentel ou criminel, ou encore une voiture qui termine sa course folle dans votre vitrine, sont des accidents totalement imprévisibles. Et il est alors trop tard pour vérifier toutes les clauses de son contrat d’assurance. Lorsque survient le sinistre, il faut, une fois la stupeur passée, réagir très vite comme le conseillent celles et ceux qui ont dû en passer par là. Et compter d’abord sur soi-même même si la solidarité en pareille situation peut parfois fonctionner… Mais pas toujours ! Le soutien de votre grossiste sera déterminant, comme celui de votre comptable qui devra vous aider dans les démarches à accomplir en urgence. Avec comme objectif vital de limiter au maximum la perte d’exploitation, et donc de rouvrir au plus vite !
Lésigny (Seine-et-Marne) – La pharmacie part en fumée
Sylvie Goeuriot rachète en janvier 2008 la Pharmacie du Parc située dans le centre commercial de Lésigny. Après cinq années d’assistanat, notre consoeur est plutôt satisfaite de son affaire. C’était sans compter sur un incendie criminel qui, le 7 juin de la même année, va ravager 16 commerces de la galerie marchande. La pharmacie part en fumée. Sylvie Goeuriot entame alors un éprouvant parcours du combattant. En deux mois, la titulaire parvient cependant à boucler son dossier. Elle contacte une société spécialisée dans les préfabriqués pour hôpitaux et se réinstalle sur le parking du centre commercial. Six mois après l’incendie, Sylvie Goeuriot rouvre les portes de son officine mais dans un préfabriqué vert de 147 mètres carrés. « Evidemment le centre commercial ne présente plus l’intérêt qu’il avait avant. En six mois, les gens prennent d’autres habitudes », constate Sylvie Goeuriot. Et puis « le préfabriqué n’attire pas de la même façon ». Financièrement, Sylvie Goeuriot a dû faire face à des problèmes de trésorerie. « Ce n’est pas très facile au début. J’avais racheté en janvier et j’avais très peu de trésorerie. La grosse difficulté était là. » Malgré le départ volontaire d’une préparatrice, la titulaire doit cependant de séparer d’une autre collaboratrice. Bonne nouvelle, le chiffre est en augmentation. « Je vais réembaucher en novembre », assure-t-elle.
Durant le long combat qu’elle a mené contre les assureurs, Sylvie Goeuriot a tout de même pu compter sur le soutien de la mairie et de l’agenceur GBCC, avec lequel elle a « repris en préfabriqué la même surface et le même agencement que la pharmacie en dur. Un agencement défini pour anticiper la réinstallation dans les murs ». L’OCP l’a également soutenue en rachetant le stock et en aidant au financement. Mais que de stress ! « Il faut se battre pour convaincre tout le monde que la solution choisie est viable, il faut être convaincu soi-même de son projet. »
Une dépense d’énergie énorme
Après coup, les rapports conflictuels avec les assureurs lui laissent un goût amer. « Je pensais que cela se passait automatiquement. Je ne pensais pas qu’ils allaient mettre autant de temps, qu’il fallait les convaincre. » Une dépense d’énergie énorme alors « qu’on est assommé par l’événement et qu’il y a tellement de choses à faire ». Son conseil : rester très organisé et monter les dossiers les uns après les autres. « Et surtout, il faut anticiper parce que sinon c’est la mort de l’entreprise. » Autre conseil : « Il faut absolument prendre un contrat sur deux ans. Sur un an, c’est impossible de survivre. » Sylvie Goeuriot espère retrouver ses murs en décembre. Katell Prigent
Le conseil de Sylvie Goeuriot
Souscrire absolument un contrat portant sur deux ans de pertes d’exploitation.
Achicourt (Pas-de-Calais) – Une voiture s’encastre dans la vitrine
Cinq heures. Une voiture achève sa trajectoire dans la façade de la pharmacie des époux Vasselin-Degoisse, au 6-8, rue de Bapaume à Achicourt, près d’Arras. Vitrine explosée, véhicule encastré dans un des piliers porteurs de deux maisons jumelées, sonnerie de l’alarme anti-intrusion ! « Nous avons eu beaucoup de chance, la voiture a tapé trois fois avant : le feu, un arbre, une voiture et enfin la pharmacie, commente Bernard Vausselin, préparateur et époux de Michèle, titulaire. Le pire, nous l’avons vu quand la dépanneuse a retiré la voiture ! C’était effrayant… Heureusement, le véhicule n’a pas pris feu… »
La police prend très vite les choses en mains : enlèvement du véhicule, appel aux services de la communauté d’agglomération… Une heure après, vers 6 h 15, tout était nettoyé, les morceaux de verre enlevés, plus de traces d’huile, d’essence. Hormis la vitrine, l’officine avait quasiment retrouvé son aspect naturel et pouvait donc poursuivre son activité. « Mais exercer portes ouvertes, ça ne se fait pas ! » Une palissade de planches est installée et, essentiel, l’officine fait appel à une société de gardiennage qui prend en charge la surveillance des locaux chaque nuit, de 22 h à 7 h dans un premier temps, puis à partir de 20 h et les week-ends. Les textes réglementaires sont formels, le décret n° 97-46 du 15 janvier 1997 impose aux pharmacies une obligation de surveillance et de gardiennage au même titre qu’aux banques et bijouteries. « C’est la première chose à faire », insiste Bernard Vausselin.
Autre démarche qui s’impose, la déclaration à l’assurance pour qu’elle mandate un expert pour chiffrer les dégâts conformément au contrat. Et là, surprise, il lui a fallu se fâcher pour que le cabinet d’expertise mandaté, Poly Expert, se manifeste pour la première fois le 15 septembre. Soit six semaines après ! « Lors de l’expertise contradictoire, c’est la partie adverse qui a fait le boulot. Notre expert n’avait d’expert que le titre ! », peste Bernard Vausselin, satisfait par contre « de la compétence et du sérieux » des deux compagnies, AGF Pharma et MMA. Une fois donné l’ordre de réparation, les travaux de remise en état ont été menés tambour battant. Ils sont achevés dès le 13 septembre. « Heureusement nous étions bien assurés, avec un agent général exceptionnel ! »
Le sinistre, travaux et gardiennage, aura finalement coûté 36 100 euros HT, 46 168 euros TVA comprise, remboursés en deux fois et soldés en totalité le 4 décembre, une fois résolu le point de discorde apparu sur les frais de gardiennage : 9 487 euros HT non prévus dans les contrats malgré le décret précité, mais que la partie adverse a accepté de régler après recours. Les Vausselin auraient pu faire marcher la perte de chiffre d’affaires, mais y ont renoncé pour ne pas faire traîner le dossier et régler au plus tôt les entreprises. Leur grossiste, la CERP, leur a apporté un concours apprécié, tout comme leur banque, en portant de 20 à 40 jours les règlements fin de huitaine pour leur laisser de la trésorerie. Car si, sur le règlement du sinistre lui-même, ils n’ont rien à redire, ils font état de frais annexes inéluctables, comme la remise en peinture de la façade ou encore le remplacement d’une croix verte défaillante (10 000 Euro(s)).
Au final, Bernard Vausselin estime avoir perdu 30 000 Û qu’il impute à la clientèle de passage qui ne s’arrêtait plus (10 % de ses clients). « Mais du jour où les travaux ont été terminés, tout est reparti. Pour nous, tout s’est bien fini, malgré un départ angoissant. » Jean-Luc Decaestecker
Les conseils des époux Vasselin-Degoisse
-Faire réparer le plus rapidement possible.
-Faire établir un constat d’huissier avec toutes réserves, notamment en matière de mise en sécurité.
-Ne pas attendre une indemnité de perte d’exploitation qui, selon les époux Vasselin-Degoisse, ne sera que subjective et soumise à impôt et charges sociales.
Brest (Finistère) – La vitrine explose sous la pression de l’eau
Lorsque Cyril Fresnau jette son dévolu sur la pharmacie de la rue Auguste-Kerven, à Brest, il ignore que le quartier a connu dans le passé des inondations dévastatrices. « Mon prédécesseur n’avait jamais connu d’inondation, mais il a omis, tout comme l’agence Pharexcell, de me préciser que le pharmacien avant lui en avait essuyé neuf ! » Diplômé de la faculté d’Angers en 2002, Cyril est plutôt fier de sa première acquisition le 27 août 2007. Mais, quelques mois plus tard, il déchante. « A la suite d’un gros orage, le 13 mai 2008, à 18 heures, nous nous sommes retrouvés les pieds dans l’eau. » L’informatique est devenue inutilisable et une odeur d’égout s’est répandue dans l’officine. « On a essayé de sauver le maximum de choses, en continuant à travailler au mieux avec un stock complètement faux, un inventaire de la marchandise à réaliser, des dégâts à estimer… » Les retards sur les tiers payants accordés se sont accumulés et les caisses ont demandé le remboursement, faute de justificatifs papier. Autre mauvaise surprise : aucun expert ne précise au titulaire de réaliser un certificat de destruction des marchandises. « J’avais tout envoyé à Cyclamed. N’ayant pas ce document, un litige est né entre la MADP, mon assureur, et l’assureur de la Ville ! » Litige sur fond de suspicion : « Tout juste si on ne me soupçonnait pas de récupération de marchandises, alors qu’elles avaient baigné dans l’eau des égouts et que les experts avaient contrôlé au préalable la marchandise abîmée ! » En juillet, le jeune titulaire est finalement remboursé des frais occasionnés par les dégâts des eaux. Mais, dans la nuit du 30 au 31 août, des trombes d’eau s’abattent à nouveau sur la ville. Sous la pression de l’eau, qui s’est infiltrée dans les maisons (jusqu’à atteindre une hauteur de 60 cm), la vitrine explose. « Mes employés ont assuré la surveillance de la pharmacie en attendant que j’arrive sur les lieux car la police ne souhaitait pas le faire, ni aucune société de surveillance… » Tout est donc à refaire. Un contreplaqué de fortune remplace momentanément la vitrine. La société spécialisée venue nettoyer les locaux entasse la marchandise restée sur place dans des sacs poubelle (une partie non négligeable a été emportée par l’eau). Cyril Fresnau en inventorie le contenu. Fin décembre, les experts contrôlent la marchandise entreposée dans les sacs. « Elle avait pourri et ressemblait à de la bouillie. Ils ont considéré que cela ne correspondait pas à mes constats… » En outre, malgré une fermeture d’une semaine, l’expert de la MADP ne veut pas comptabiliser de perte d’exploitation. « La partie adverse l’a raisonné et lui a fait remarquer qu’il y avait eu dommage ! » Mais aujourd’hui rien n’est résolu : « Mes papiers sont perdus dans les inondations, ma comptabilité est en retard et je ne sais toujours pas combien les assurances vont me rembourser ! » Si les banques et l’Ordre sont restés « très discrets au moment des faits », le syndicat l’a agréablement surpris par son soutien. Quant à sa clientèle, elle lui est restée fidèle. Enfin, l’association Brest Métropole Océane lui a bien proposé de déplacer son officine mais… à ses frais. Anny Letestu
Les conseils de Cyril
-Penser à interroger la mairie et les commerçants sur les éventuels risques d’inondation du quartier.
-Penser aussi à demander un certificat de destruction des marchandises en cas d’inondation notamment.
-Se renseigner pour savoir si une association de victimes ne s’est pas créée dans le quartier.
Lyon (Rhône) – Soufflée par une explosion
Quartier de la Part-Dieu, 28 février 2008. Il est 12 h 30. Depuis trois quarts d’heure, le gaz sort à flots d’une canalisation rompue. Pas moyen de l’arrêter. La tête des pompiers, visiblement incapables de maîtriser la situation, ne rassure personne. Et puis c’est l’explosion. « Comme un énorme pétard ! En quelques secondes, toutes les vitres ont été par terre. Et tous les commerces environnants ont été touchés. » Et, en premier lieu, l’officine d’Annie et Gérard Petetin, qui jouxte l’immeuble où s’est produite l’explosion.
20 mois après les faits, les titulaires de la Pharmacie de la Tête d’or, acquise en 2005, n’ont évidemment rien oublié : l’évacuation en urgence des clients présents et de leur personnel, la pharmacie dévastée, le stock de médicaments immobilisé « et six semaines d’inactivité totale ». Fort heureusement, un square fait face à l’officine. Germe alors l’idée d’y implanter une pharmacie provisoire. Plus facile à dire qu’à faire ! « Il a fallu se battre pour avoir les Algeco qu’on voulait. » Idem pour obtenir l’autorisation de la mairie ou pour faire réaliser tous les branchements nécessaires (eau, électricité, informatique, téléphone). Sans compter la présence d’un vigile, obligatoire. Au total, les deux associés et leur équipe vont exercer durant quatre mois et demi dans ce local provisoire avant de pouvoir réintégrer leurs locaux, réaménagés par leur agenceur Parm’Michelin.
Annie et Gérard, qui ont toujours exercé ensemble (c’est leur troisième officine et sans doute la dernière), ont encore en mémoire toutes les aides morales ou pratiques reçues, « surtout celle du préfet de police, qui a été sans cesse présent », mais aussi les absences, douloureusement ressenties, notamment de « l’Ordre, du syndicat, des élus ou encore de la chambre de commerce et d’industrie ».
Le bilan qu’ils peuvent tirer au bout de 20 mois demeure lourd : un chiffre d’affaires en retrait de 18 %, des pertes d’exploitation en 2008 comme en 2009, un plan de carrière chamboulé et quelques autres désagréments (vacances supprimées, etc.). La disparition d’une clientèle « fidèle », dont des personnes âgées qui ne sont jamais revenues, les ont aussi profondément marqués. « D’ailleurs, nous n’avons pas reconstitué notre clientèle… », notent-ils.
Sans doute leur faudra-t-il attendre que les travaux prévus soient achevés et que le quartier retrouve sa physionomie. D’autres faits les ont frappés : la solitude après la médiatisation, les aides du début et puis l’oubli. Et une perte de sérénité qui perdure. « Cela rend plus frileux », fait remarquer Gérard. En revanche, cette mésaventure leur a permis de voir les choses différemment : « On se dit que l’outil de travail est précieux, souligne Annie, et ça remet les idées en place. » Enfin et surtout, malgré les semaines de fermeture, ils ont pu conserver l’ensemble de l’équipe. Jean-Claude Pennec
Les conseils d’Annie et Gérard Petetin
-Penser tout de suite à continuer l’activité, à ne pas rester fermé trop longtemps. Il faut donc trouver un local, et pour cela, se tourner tout de suite vers l’Ordre, la DDASS…
-Surtout avoir une sauvegarde informatique chez soi et avoir ses clients à jour. Souvent on oublie de le faire.
-Certains contrats portent sur un an de pertes. Pour ma part, au 28 février, ça fera deux ans et ce ne sera pas terminé.
-Malgré la perte d’exploitation, il faut tenter de garder son équipe soudée. Là aussi, ne compter que sur soi. Le comptable n’est jamais venu nous voir.
-Exercer en famille est la fois un avantage et un inconvénient. On n’est pas seul face au drame mais on a tous nos oeufs dans le même panier !
Strasbourg (Bas-Rhin) – La manifestation dérape
L’incendie de la Pharmacie du Port du Rhin, lors de manifestations anti-OTAN en avril dernier à Strasbourg, a entraîné évidemment un arrêt total de l’activité puisque les flammes avaient tout détruit. « Mon premier souci a été l’équipe, affirme Isidore Rubinstein, son titulaire. Il faut savoir que, dans ce cas-là, l’Etat prend en charge pendant six semaines les salaires du personnel, sur la base du SMIC. Cela permet aux Assedic de préparer les droits, c’est une période tampon. Sur le coup, on ne sait pas vraiment ce qui va se passer, ce qu’il faut faire, même si on est assuré. Et là, il faut avoir un expert-comptable disponible et réactif car nous, pharmaciens, n’avons pas une formation complète en termes de gestion. » Rétroactivement, Isidore Rubinstein dit avoir eu « beaucoup de chance » dans son malheur. Le sinistre s’est produit le samedi après-midi et la télévision a montré très vite des images. « Mon comptable regardait la télévision et il a fait tout de suite toutes les déclarations. » Car, souligne le pharmacien, « c’est une course contre la montre. Il a pris toutes les dispositions pour préserver les droits de l’équipe. Nous nous sommes vus le dimanche. Le lundi matin, les courriers partaient ».
Isidore Rubinstein poursuit : « Une fois que l’Etat a mis en place l’aide d’urgence pour les salariés, nous avons dû très vite faire toutes les démarches pour le chômage technique sans vraiment savoir où on allait. Nous n’avions que des incertitudes mais il fallait là encore prendre toutes les mesures conservatoires pour protéger l’équipe. » A cette période, la pharmacie accueillait en outre une stagiaire de 6e année. « Je lui ai trouvé une consoeur maître de stage qui la prise tout de suite. On a fait valider par le doyen de la faculté et elle a ainsi pu continuer son stage. »
Dans ce genre de situation, il importe malgré tout de garder la tête suffisamment froide pour penser à tout : « Le dimanche après-midi, nous sommes allés porter plainte contre X, d’une part pour avoir accès au dossier et pouvoir nous porter partie civile le cas échéant, d’autre part vis-à-vis de l’assurance. » Restait ensuite à se plonger à fond dans les contrats d’assurances, « que nous n’avions plus puisque tout avait brûlé ».
Merci Pharmagora !
« Notre chance, c’est que le salon Pharmagora se déroulait ce week-end-là ! Daniel Buchinger, du groupement Univers Pharmacie dont nous faisons partie, était sur le stand de la MADP. Lorsqu’il a pris connaissance de l’incendie, il a prévenu immédiatement notre assureur et la déclaration a pu être faite tout de suite. Dès le dimanche matin, à 8 h 30, j’ai eu un coup de fil de monsieur Sénéchal, gestionnaire de la MADP, que je connais depuis très longtemps. Et il est venu sur place le lundi après-midi pour mettre le dossier en route. »
48 heures après le sinistre, le titulaire épluche le contrat avec l’agent d’assurances, épaulé par son expert-comptable. « C’était hypercomplexe ! », se souvient Isidore Rubinstein. Mais, pour lui, trois éléments se révèlent fondamentaux : « La mutuelle prend en charge les frais d’experts d’assuré et, en cas de sinistre comme le nôtre, c’est incontournable. C’est une sorte d’avocat. Ensuite, il y a la question de la perte d’exploitation. Le contrat prévoit une perte pour deux ans : ils prennent le bilan et couvrent les frais de fonctionnement (salaires, remboursements aux banques) pendant cette période. Le troisième est éventuellement la couverture juridique, si on a besoin d’un avocat. Ce qui n’a pas été le cas. »
Depuis cet été, l’officine a rouvert dans un espace préfabriqué aux normes. « Nous avons réalisé un travail énorme avec l’architecte, dont les honoraires sont compris dans les frais supplémentaires pris en charge par la mutuelle. Il a déposé deux permis de construire, à la fois pour le local provisoire et pour le futur. L’Inspection est venue sur place pour pointer le cahier des charges, contrôler les flux, le guichet de garde ou le local de mise en quarantaine. Grâce à l’architecte, tout était nickel. On ne peut pas encore évaluer précisément notre situation, surtout après une réouverture en plein été, mais l’activité reprend peu à peu. Six mois après, nous avons des perspectives. Et puis l’assurance va couvrir la réinstallation, y compris la réinstallation provisoire. »
La faculté de pharmacie à la rescousse
En attendant, le titulaire travaille main dans la main avec la Ville, propriétaire des murs, sur la reconstruction du bâtiment. Si notre confrère n’est guère bavard sur les banques, il tient à souligner les appuis, de la municipalité, de la communauté urbaine mais aussi des habitants du quartier et de la profession (syndicat, Ordre, confrères). « Nous avons aussi eu une énorme aide de collègues de la faculté, où je suis chargé d’enseignement. Le doyen a proposé un bureau avec téléphone. Certains labos ont été extraordinaires en nous assurant de leur soutien pour les factures en cours et à venir. Car il faut savoir que quand nous avons rouvert cet été, ce n’était pas des commandes de réassort que nous passions mais des commandes d’installation. Certains laboratoires nous ont accordé des délais exceptionnels, d’autres non. » Michèle Thomas
Les conseils d’Isidore Rubinstein
uAvoir un expert-comptable disponible et réactif car « c’est une course contre la montre ». Tout en gardant la tête suffisamment froide pour penser à tout !
-Faire les déclarations aux assurances et mutuelles dans les plus brefs délais, parfois 48 heures seulement sont prévues dans les contrats.
-Ne pas oublier de porter plainte, même contre X, car c’est indispensable pour l’assurance.
Arles (Bouches-du-Rhône) – Le Rhône déborde
Le 4 décembre 2003, le Rhône brise ses digues et noie les quartiers nord d’Arles sous plus d’un mètre d’eau. Trois officines sont touchées dont celle de Muriel Grémaud, qui vient tout juste de transférer et d’investir 500 000 Û pour s’installer dans un bâtiment neuf de 220 m2. Ce matin-là, les hélicoptères qui larguent des sacs de sable pour colmater les brèches dans les digues, la réveillent. Elle part travailler sans se douter de rien. A 10 heures, des chevaux trempés passent sur la route. Elle se dit qu’il doit y avoir un problème, d’autant qu’au loin elle aperçoit « une espèce de lac » en train de se former. Quand l’eau sort brutalement des bouches d’égout, elle appelle son époux à l’aide, fait une disquette de sauvegarde de son informatique et met en hauteur tout ce qui est possible. En une heure, l’eau monte de 50 cm. Il faut alors partir. A son domicile, c’est pire, l’eau atteint 1,50 m. Evacués par les pompiers, ils passeront leur première nuit chez sa préparatrice. Elle ne réalise pas encore. La réalité lui tombe dessus quand elle se fait transporter à la pharmacie en barque le lendemain. « Il devait y avoir 60 cm d’eau à l’intérieur. Il n’y avait rien d’autre à faire qu’attendre la décrue. » Une semaine après, la pharmacie est le seul bâtiment du quartier qui émerge des flots, mais quand elle ouvre les portes, le spectacle est désolant : électricité, informatique et stock hors d’usage, meubles éclatés, le tout baignant dans 50 cm de boue. Au total, quelque 150 000 Û de dégâts, perte d’exploitation comprise. Avec son équipe, sa famille et quelques rares confrères, elle se retrousse les manches et remet tout en état. « Nous avons rouvert peu avant Noël dans un quartier entièrement sinistré où les gens ne sont revenus qu’en avril-mai. » Durant cette période, le CA a été proche de zéro. Il est reparti à la hausse, une fois les travaux réalisés.
Une subvention de la Chambre de commerce et d’industrie
Un bon contrat d’assurance auprès de la Médicale de France (avec une clause pour perte d’exploitation) et une subvention de la chambre de commerce et d’industrie l’aident à faire passer la pilule. « J’ai prévenu mon assureur dès le lendemain de l’inondation. Il m’a rassurée en indiquant les démarches à suivre et a très rapidement débloqué 30 000 Û. Cela m’a permis de faire face au paiement des salaires, URSSAF, TVA, etc. Ensuite, les fonds ont été débloqués sans problème, au fur et à mesure des besoins. La seule difficulté a été d’évaluer la perte d’exploitation alors que je venais juste de m’installer. » Après quelques allers-retours, elle obtient gain de cause ou presque. Le contrat est en effet assorti d’une franchise de 10 % sur le montant du sinistre. Cela représente 15 000 Û qu’elle acquittera, en partie grâce à la subvention de 8 000 Û de la CCI. « L’Ordre s’est également mobilisé et nous a proposé un prêt à taux zéro. » Le peu d’antériorité de la pharmacie a également minimisé le sinistre : « L’inondation est arrivée 5 mois après mon installation. Je n’avais pas encore recruté de personnel et, à part deux semaines de chômage technique, je n’ai pas eu besoin de licencier. » La jeune titulaire assure qu’elle n’a jamais eu peur : « Je ne me suis jamais dit que j’allais vendre pour m’installer ailleurs. Mon seul objectif était d’ouvrir le plus rapidement possible. Par contre, si nous sommes à nouveau inondés, je quitterai la ville. » Muriel a construit sa nouvelle maison sur le point le plus haut d’Arles… Dominique Fonsèque-Nathan
Les conseils de Muriel
-Se renseigner soigneusement sur les franchises et sur la valeur de remboursement (à neuf ou vétusté déduite ?).
-Demander immédiatement à son assureur quelles sont les démarches à suivre et un déblocage anticipé pour assurer le paiement des salaires, etc.
-Faire une sauvegarde quotidienne de l’informatique.
-Ne pas attendre le passage de l’expert pour nettoyer et sauver tout ce qui peut l’être. Cela rend l’assureur plus conciliant.
Lille (Nord) – 9 000 m3 d’eau dans la pharmacie
Depuis 1875, date de sa création, l’officine installée au 1, rue Faidherbe, en a vu et revu. Et notamment une destruction complète en 1917 suite à un bombardement. Rien d’aussi grave le 2 mai 2007 quand, vers 9 heures, un feu s’est déclaré au dernier étage de l’immeuble qui accueille la pharmacie sur trois niveaux, du sous-sol au premier étage. Alerté par des passants, le personnel présent dans l’officine a pu évacuer les lieux avant que le dôme de l’immeuble ne bascule dans la rue, fort heureusement sans faire de blessés.
Causé par un coupage au chalumeau des fers à béton qui soutenaient le dôme, cet incendie a provoqué de graves dommages collatéraux pour l’officine qui s’est retrouvée inondée à la suite de l’intervention des pompiers. L’équivalent de 2 à 3 piscines olympiques y a en effet été déversé ! Conséquence : « Une fermeture pendant neuf jours, le temps de remettre en état les installations électriques et les bureaux des services administratifs. »
Les gros travaux, la Grande Pharmacie de Lille connaissait déjà. La commission locale de sécurité lui avait en effet imposé une mise en conformité anti-incendie qui s’est traduite par la pose de 18 portes coupe-feu, le flocage de tous les plafonds et des poteaux de soutènement… Des travaux engagés avant ce dégât des eaux et qui ont dû être interrompus. Sans parler de la gêne occasionnée ensuite avec la pose d’échafaudages sur tout le pourtour de l’immeuble nécessaires à la réfection des façades et du dôme.
Procès contre le propriétaire
L’activité de l’officine a naturellement subi les contrecoups de ce sinistre : « Le chiffre d’affaires a baissé en 2007 et stagné en 2008. Il n’est reparti en positif qu’en 2009 pour afficher une progression de 2,5 % sur les neuf premiers mois de l’année par rapport à la même période de 2008. » Les titulaires n’avaient pas besoin de ce sinistre qui est venu s’ajouter aux difficultés qu’ils rencontraient déjà avec le propriétaire des locaux désireux de se séparer de tous ses locataires pour moderniser l’immeuble. Et de négocier ensuite à la hausse les loyers ! Au final, cela débouche sur un bel imbroglio judiciaire car les Claeys, locataires depuis toujours, ont décidé d’intenter un procès au bailleur. Entre la demande de renouvellement du bail, la fixation du montant du loyer, une éventuelle indemnité d’éviction, les coûts de la remise en conformité (350 000 euros), la perte d’exploitation…, les avocats vont batailler dur. Les premières plaidoiries étaient annoncées fin octobre. « Nous sommes fatigués de toutes ces procédures et espérons que nous connaîtrons le dénouement en 2010. » Jean-Luc Decaestecker
Les conseils des titulaires
-Ne toucher à rien avant le passage des experts.
-Ne pas oublier qu’après un sinistre, l’assureur ne règle que 70 % du montant total fixé par les experts. Ce n’est qu’après présentation des factures de remise en état que l’assureur versera le complément (dans le délai maximal de deux ans après la déclaration du sinistre).
-Ne pas oublier de demander à la commission de sécurité un report de la date de fin des travaux qu’elle a exigé en cas de travaux de remise en état attendus du fait du passage d’un expert.
-Ne rien oublier dans sa déclaration de dégâts et de pertes de marchandises, sans exagération par ailleurs, car tout est épluché.
-Il faut savoir payer un peu plus cher sa prime d’assurance pour avoir de bonnes garanties
Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) – Balayée par un tsunami
Les pluies diluviennes qui se sont abattues sur Bayonne le 18 septembre dernier ont frappé la ville de plein fouet. Emmanuelle Fossoyeux, de la Pharmacie Saint-Esprit, raconte : « J’ai eu un petit dégât des eaux le matin et l’assureur est passé en fin de matinée pour faire une première évaluation. Le tsunami est arrivé à 13 h 30 : 70 cm d’eau ont envahi d’un seul coup l’officine, à la fois par le rez-de-chaussée et le plafond. Les systèmes de sécurité bipaient dans tous les sens, l’eau coulait par les néons et avant que le compteur disjoncte une odeur de brûlé s’est répandue. J’ai été prise de panique et je me suis réfugiée au café d’en face. » Ce sinistre va se solder par six jours de fermeture.
Deux sinistres en un
Installée sur deux niveaux, la pharmacie a été doublement frappée. « La réserve et le vestiaire, qui se trouvent à l’étage, ont été lessivés. J’ai perdu un tiers de mon stock. Au rez-de-chaussée, le matériel informatique a été détruit. Et puis la boue est entrée partout, résume Emmanuelle Fossoyeux. L’assureur est revenu l’après-midi et le lendemain matin j’avais l’expert. L’inondation par la toiture est un dégât des eaux qui implique le propriétaire de l’immeuble. Et l’inondation par le rez-de-chaussée relève de l’état de catastrophe naturelle décrété par les autorités, qui implique une franchise de 10 %. Je ne sais pas trop comment ça va se résoudre… »
Cette consoeur a pu compter sur la mobilisation de son équipe et sur le soutien de son grossiste. « Il s’est mis en quatre pour nous aider, il a monté une centaine de caisses à l’étage lors du nettoyage du bas. » En attendant la fin de l’expertise, Emmanuelle Fossoyeux conserve les stocks de médicaments, matériels et vêtements détruits dans 90 sacs poubelles, avec une angoisse toujours à fleur de peau. Ce qui ne l’empêche pas de mettre les bouchées doubles pour ne pas perdre sa clientèle. Elle poursuit sa politique de services, notamment avec des livraisons à domicile, pour faire face au discounter local. Jean-Philippe Dejean
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