Une charte de bonnes pratiques contre les pénuries

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Publié le 29 novembre 2023
Par Magali Clausener
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Le 10 novembre 2023, le ministre de la Santé et de la Prévention, Aurélien Rousseau, a réuni tous les acteurs de la chaîne du médicament au sujet des stocks en tension d’approvisionnement. Il a demandé l’élaboration d’une charte de bonnes pratiques pour la distribution de produits de santé.

Où sont les stocks d’amoxicilline ? C’est la question que pose sans cesse Aurélien Rousseau, ministre de la Santé et de la Prévention dans les médias, expliquant que « certaines grosses officines » ont des « surstocks ». Le sujet est important compte tenu des pénuries d’amoxicilline mais aussi de paracétamol et de cortisone qu’a connues la France au cours de l’hiver dernier alors que le pays était confronté à une triple épidémie de grippe, de Covid-19 et de bronchiolite. Mais la question exaspère les syndicats de pharmaciens. Les officines font face à de nombreuses tensions et ruptures d’approvisionnement de médicaments. L’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO, syndicats de titulaires) estime que la gestion de ces ruptures représente 12 heures de travail supplémentaire par semaine, soit une charge salariale de 25 000 € par an. Pour l’USPO et la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), autre syndicat des titulaires, ce sont les industriels qui détiennent les stocks. Les syndicats demandent leur libération pour, enfin, fournir les pharmacies et leurs patients.

Une charte en attendant mieux

La réunion du 10 novembre dernier à laquelle participaient les industriels, les grossistes-répartiteurs, les pharmaciens, les représentants des patients et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) avait pour but de faire l’état des lieux concernant l’amoxicilline. Selon l’ANSM, les industriels détiennent entre 2 et 3 mois et demi de stocks. En revanche, les grossistes-répartiteurs n’ont aucun stock et les pharmacies, entre 3 et 7 jours. Quelles solutions alors ? La première est que les laboratoires exploitants libèrent leurs stocks, comme le demandent les syndicats. Or, les laboratoires ont l’obligation de disposer de stocks (voir encadré ci-contre) s’ils ne veulent pas être sanctionnés. La deuxième solution consiste à limiter voire interdire les ventes directes qui ont explosé, et obliger les laboratoires pharmaceutiques à vendre aux grossistes-répartiteurs. Il est prévu que l’ANSM puisse le faire via un article du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024. Celui-ci doit cependant d’abord être adopté, et cela ne se fera pas avant janvier 2024.

Dans l’attente de la loi, le ministre a demandé à l’ANSM et à l’Ordre des pharmaciens d’élaborer une charte d’engagement de bonnes pratiques pour la distribution des médicaments sous tension. L’objectif est d’assurer un meilleur approvisionnement des officines. La charte devrait être validée par les parties prenantes avant fin novembre. Pour autant, elle ne résoudra pas tous les problèmes, les causes des ruptures étant multiples. « L’amoxicilline n’est qu’un épiphénomène par rapport au nombre de molécules en rupture », déplore Pierre-Olivier Variot, président de l’USPO. Les syndicats et l’Ordre des pharmaciens souhaitent vivement que la nouvelle feuille de route de lutte contre les pénuries de médicaments apporte de vraies solutions. Elle n’est toujours pas prête alors qu’elle devait être présentée en juin 2023. Les officines et les patients vont devoir encore patienter.

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Les ruptures en France

Les laboratoires ont l’obligation de constituer un stock de sécurité pour tous les médicaments destinés au marché français et d’élaborer des plans de gestion des pénuries pour tous les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM*, Décret n° 2021-349 du 30 mars 2021 effectif au 1er septembre 2021, Journal officiel du 31 mars 2021). Le stock est de 4 mois pour les médicaments mais de 2 mois pour les 454 MITM identifiés en juin 2023 (source Sénat). Les signalements de risque et/ou de rupture d’approvisionnement augmentent, de 871 en 2018, à 2 200 en 2020, 2 160 en 2021, 2 378 en 2022, plus de 3 500 en 2023(1). Il y a en France, et probablement dans les autres pays, environ 2 800 principes actifs et 15 000 à 20 000 spécialités.

*Pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital ou de provoquer une perte de chance pour le patient.

(1) Pénuries de médicaments, stocks de sécurité, indépendance nationale et législation de l’Union européenne, Académie de médecine, 27 juin 2023.