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Transformer la crise en opportunité
C’est face aux difficultés, que nous sommes le plus créatif ! Pour lutter contre la crise sanitaire du Covid-19, et la baisse d’activité qui en découle, les pharmaciens ont pris le taureau par les cornes, en mettant en place de nouvelles actions et en repensant leurs services. En plus de surmonter la crise efficacement, l’objectif à plus long terme est de gagner de la croissance.
L’année 2020 restera longtemps dans l’esprit de tous les chefs d’entreprise. A l’heure où nous publions cette enquête, cette crise que nous traversons n’en est encore qu’à ses débuts pour beaucoup de TPE et PME. Si les pharmacies se sont sorties à moindre mal (par rapport à d’autres secteurs d’activité) de deux mois d’un premier confinement, toutes ne se sont pas encore remises complètement à flot, à l’heure d’en affronter un second. Lors de la première vague, la crise a frappé de façon inégale. Le confinement a logiquement profité aux pharmacies de proximité. Sans rien faire, certaines ont même tiré leur épingle du jeu de la baisse d’activité d’officines concurrentes, moins bien loties (pharmacies de passage, pharmacies de centre commercial). Cette période inédite, une fois passée, les tendances que l’on observait avant la crise ont fini par se réaffirmer. Plus ou moins vite, ce qui explique une remontée d’activité en pente douce des officines pendant les mois d’été.
Ce scénario est celui d’une très grande majorité d’officines. A côté, une minorité a cherché à tirer profit de la crise, au départ pour s’en sortir sans trop de casse et préserver les emplois, puis pour rebondir plus fort après, en sortie de crise. Comment ? En saisissant les opportunités offertes par la digitalisation et les nouveaux besoins révélés pendant la pandémie.
« Si cette crise peut provoquer une vraie rupture au sein du réseau officinal, c’est bien au niveau de la pharmacie digitale et des nouveaux services (livraison à domicile, téléconsultations…) nés pendant le confinement », estime Hélène Charrondière des Echos Etudes. Ces services vont s’installer durablement, car ils ont fait la preuve de leur utilité. Oliviers Desplats, expert-comptable du cabinet Flandre Comptabilité Conseil (groupement CGP), n’est pas surpris par cette démonstration des vertus des outils numériques face au confinement et aux risques de contamination : « Comme beaucoup d’autres acteurs économiques, certaines pharmacies ont fait un bond en avant considérable sur la mise en place d’outils numériques, et ont pris un indéniable avantage sur leurs confrères. Le coût généré doit être considéré comme un investissement sur le long terme. »
RÉUSSIR SON INSTALLATION AU PLUS MAUVAIS MOMENT.
Crise sanitaire oblige ! Les projets et options de services envisagés sont restés moins longtemps dans les cartons que prévu. Ce pharmacien, qui s’est installé dans la banlieue de Rouen le 1er avril 2020, a d’emblée donné la priorité au développement de la télémédecine, des services à la personne et des nouvelles missions. Cette diversification des services de proximité lui a permis de partir du bon pied et de faire mieux que maintenir l’activité du repreneur. Elle a aussi favorisé le contact et la relation commerciale avec ses clients, parallèlement au développement digital.
LA PHARMACIE DIGITALE BOOSTÉE PAR LA CRISE SANITAIRE.
Bien avant la pandémie, la transformation digitale des pharmacies était sur toutes les lèvres. Mais avec le Covid-19, le confinement et le télétravail, la résistance au changement a éclaté. Alors que la crise sanitaire a vocation à durer, c’est sans doute l’opportunité rêvée pour l’officine de se réinventer au niveau des services à destination des clients. Ayant travaillé en tant que pharmacien adjoint dans la pharmacie familiale de Camon, près d’Amiens, tenue par ses parents, Julien Delenclos n’a pas attendu le Covid-19 pour entreprendre dans le digital. Il a posé les premières briques en développant dès septembre 2019, une application pour commander en ligne avec une livraison dans la journée. Pharmapp – c’est son nom – est une appli conçue comme une plateforme en ligne, ouverte à d’autres pharmacies qui pourraient être intéressées. « L’appli est arrivée à maturité juste au moment du premier confinement », précise Julien Delenclos. Ce service rendu à la population a été offert pendant le confinement, la livraison des médicaments, sous paquet scellé, étant assurée par des livreurs. Quelques rares colis ont été distribués par des bénévoles. La pharmacie Camon s’est ainsi adaptée à la crise, tout en développant un véritable service d’intérêt général. L’appli Pharmapp a aussi permis d’étendre sa clientèle, de renforcer sa fidélisation, et donc d’augmenter les ventes. A tel point que les pharmacies environnantes dénoncent une concurrence déloyale et y voient une tentative d’ubérisation de la pharmacie.
LSOIGNER SON CAPITAL CONFIANCE.
Pour Philippe Becker, expert-comptable et directeur du département pharmacie de Fiducial, « les pharmaciens ont toujours eu un capital confiance élevé, mais la crise sanitaire l’a encore renforcé. Ceux qui s’en sortent bien sont ceux qui ont su transformer les problèmes en opportunités, ceux qui ont su référencer les produits demandés par la clientèle, ceux qui ont su mettre en place la livraison à domicile, ceux qui ont su trouver les bons mots pour rassurer, ceux qui ont su écouter et prouver l’importance de l’expertise du professionnel de santé en temps de crise…. Bref, ceux qui ont su in fine améliorer leur expérience client. »
UN BUSINESS MODEL REVISITÉ. « Les habitudes de fréquentation pendant d’éventuelles périodes de confinement changent radicalement. Les pharmacies de passage et les pharmacies de centres commerciaux doivent redoubler d’effort pour reconquérir une partie de leur clientèle », estime Olivier Desplats, expert-comptable du cabinet Flandre Comptabilité Conseil.Hubert Cayeux, titulaire à Rang-du-Fliers (Pas-de-Calais) d’une pharmacie située à côté d’un Intermarché, s’est appuyé sur son drive automobile, qu’il a aménagé quelques années après la création de son officine en 1991 : « Pendant les périodes de confinement, les gens ne peuvent plus circuler et sont tenus de se rendre dans la pharmacie la plus proche. » Résultat : en avril et mai derniers, cette pharmacie sous enseigne Pharmabest a, ainsi, évité les affres d’une trop grande baisse de la fréquentation. Elle a su capitaliser sur sa longueur d’avance : son drive et son site marchand. « Lors du premier confinement, nous avons travaillé davantage nos offres de prix et de services sur le site. Il n’y a pas eu de contrat de portage avec La Poste. C’est nous qui avons porté les médicaments à domicile. » Malgré une baisse d’activité de 19 % en avril, elle a conservé tous ses salariés (45), n’a pas recouru aux aides de l’Etat et a continué à vivre normalement. En juin, le rebond ne s’est pas fait attendre, car la pharmacie a maintenu le lien avec ses clients, voire même, à recruter de nouveaux clients. « Située à proximité de la côte d’Opale et à 14 km du Touquet, la pharmacie a, aussi, une activité estivale. Dans la région, nous avons beaucoup de propriétaires de mobil-home. Et avec le retour des estivants, nous avons pu nous redresser », confie Hubert Cayeux, qui a passé un bel été 2020, enregistrant une hausse de 14 % de son C.A. « La pandémie du Covid-19 a mis en exergue l’ambivalence de la profession, entre distribution et soin. Cette crise, qui s’installe dans la durée, oblige les pharmacies à mettre en place des services – pré-commandes sur Internet, ordonnances dématérialisées, click&macollect, livraison, etc. – pour apporter ainsi une vraie dimension humaine par l’accueil et l’écoute », conclut Olivier Desplats, expert-comptable du cabinet Flandre Comptabilité Conseil.
infos clés
1 Une crise est source d’opportunités pour ceux qui sont agiles quand l’activité repart. L’impact de la crise sanitaire du Covid-19 est l’occasion de repenser son business model.
2 Pendant les périodes de confinement, les pharmaciens ont été en première ligne. Le capital confiance et leur image auprès des patients ont été largement renforcés, militants pour le développement des services de proximité. Sans perdre de vue les prix.
3 Les outils numériques sont les meilleurs alliés en ce temps de crise, face au confinement et aux risques de contamination.
COVID-19IMPACT SUR LES COMPORTEMENTS D’ACHAT
« La crise sanitaire ne va pas bouleverser les habitudes d’achat et les tendances de consommation, elle va les accentuer, prévient Hélène Charrondière, directrice du pôle Pharmacie-Santé et responsable des études Les Echos Etudes. L’intérêt est accru pour la naturalité, le DIY (Do It Yourself) et les produits locaux, la vigilance est renforcée sur l’origine et la traçabilité des produits, la personnalisation de l’expérience client… » Par ailleurs, la crise économique pèse sur le pouvoir d’achat et risque d’accentuer la concurrence entre les pharmacies sur les produits hors monopole. Les réseaux qui travaillent sur la compétitivité des prix devraient être favorisés. « Si elles ne sont pas adossées à de tels réseaux, nombre d’officines de proximité risquent d’être en difficulté », prédit Hélène Charrondière. Pendant le confinement, beaucoup de pharmacies de quartier ont ouvert des dossiers patients. « On peut légitimement penser que cette clientèle restera pour le médicament remboursable », indique Philippe Becker, expert-comptable et directeur du département pharmacie de Fiducial. Il note, en effet, que « dans les villes, les patients ont de plus en plus une pharmacie pour le remboursable proche de leur domicile et une pharmacie pour les OTC et la parapharmacie qui pratique des prix bas, voire Internet pour les clients 2.0. Ce phénomène va s’amplifier après cette crise : ici, on va chercher le conseil, là le prix ! »
En plus
La transformation numérique s’impose
Pendant le premier confinement, il y a eu une utilisation plus massive de certains services numériques (scan d’ordonnance, commandes et achats en ligne, informations poussées sur les sites Internet des pharmacies), le click&collect, le télésoin et la livraison à domicile. « Notre philosophie “le digital au service de l’humain” prend tout son sens en temps de crise sanitaire », résume Serge Carrier, directeur général de Pharmactiv. Ainsi, le service d’envoi d’ordonnances MyPharmactiv, par messagerie sécurisée via l’application ou le site, qui a été étendu gratuitement à l’ensemble du réseau, a enregistré une hausse de + 338 % en mars 2020, par rapport à la même période de l’année précédente.
Le boom des téléconsultations
Pendant le premier confinement, les téléconsultations sont montées jusqu’à 26 % des consultations médicales, selon le Gers (Groupement pour l’Elaboration et la Réalisation Statistiques).
En mars dernier, la Cnam en a remboursées 650 000, contre 40 000 le mois précédent. De son côté, Doctolib a annoncé avoir franchi le cap des 2,5millions de téléconsultations réalisées sur son site, depuis le début de l’épidémie.
Pharmacie de proximité : quels atouts ?
Depuis le début de cette crise sanitaire, les pouvoirs publics ne cessent de s’appuyer sur le maillage de proximité que constituent les 22 000 pharmacies – distribution du stock de l’Etat des masques chirurgicaux, vaccination contre la grippe, test de dépistage du Sars-CoV-2… – Plus que jamais, le pharmacien est un professionnel de santé sur lequel on peut compter ! Et si cette crise sanitaire devait favoriser de nouveaux modes de vie – fort développement du télétravail, phénomène de dé-métropolisation qui bénéficierait aux villes de taille moyenne… – certaines pharmacies de proximité pourraient bien tirer leur épingle du jeu et entraîner des déplacements de population significatifs.
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