Proximité, solidarité, confraternité

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Publié le 1 mai 2020
Par Yves Rivoal
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Baisse de la fréquentation, C.A en berne, chômage partiel… Les pharmacies d’officine sont impactées, à des degrés divers, en fonction de leur localisation et de leur typologie, par la crise sanitaire du Covid-19. Pour les aider à traverser cette période difficile, les acteurs de la production et de la distribution se sont mobilisés…

Dans un contexte d’état d’urgence sanitaire, le premier enjeu pour les acteurs de la chaîne du médicament et de la dermo-cosmétique a été d’assurer la continuité de l’approvisionnement des officines. « Pour ce faire, nous avons d’abord sécurisé les flux auprès de nos fournisseurs de matières premières », confie Jean-Claude Bacos, directeur de la division Consumer Health de Bayer France. Le laboratoire a aussi dû composer avec l’absence des collaborateurs affectés par le coronavirus sur les lignes de production et au sein de la centrale d’expédition. « Au plus fort de la pandémie, le taux de présence était tombé à 70 %, se souvient Jean-Claude Bacos. Sur ce point, j’aimerais signaler l’engagement exceptionnel de nos équipes puisque des collègues sont allés renforcer les lignes de production afin de maintenir la continuité de l’approvisionnement des officines. » Les grossistes-répartiteurs ont, eux aussi, été amenés à relever de nombreux défis. « Dès le 10 mars, soit une semaine avant le début du confinement, nous avons mis en place un comité de crise Covid-19 », confie Laurent Bendavid, le pdg d’Alliance Healthcare. Cette instance a commencé par instaurer des protocoles de travail afin de protéger les salariés. « Dans les bureaux, dès le 11 mars, les règles de distanciation sociale étaient en place, assure Laurent Bendavid. Nous avons établi un protocole spécifique pour nos livreurs, avec une liste de contrôles à effectuer, et des livraisons qui se déroulent désormais devant l’entrée des officines afin d’éviter les contacts avec les patients et les clients. » Grâce à cet arsenal, les deux livraisons quotidiennes n’ont jamais été interrompues, même au plus fort de la crise.

ACCOMPAGNER LES PHARMACIENS.

Depuis le début du confinement, les équipes en charge d’accompagner les pharmaciens sont, elles aussi, restées sur le pont. Chez Biogaran, tous les délégués pharmaceutiques continuent de conseiller les pharmacies. « La seule chose qui a changé, c’est qu’ils ne se déplacent plus temporairement sur le terrain. Les conseils sont désormais délivrés par téléphone, explique Rémy Petitot, responsable des affaires publiques de Biogaran. Et d’après les retours que nous avons, le maintien de cette disponibilité a été apprécié à sa juste valeur, car il a pu atténuer, chez certains, le sentiment de solitude ressenti face à cette crise. » Dans un autre registre, les équipes formation, business et développement de L’Oréal Cosmétique Active ont créé un module de formation dédié au management de crise. « Cette formation, proposée gracieusement aux pharmaciens ayant suivi nos programmes “Master”, s’articule en deux ateliers en ligne animés en direct, précise Aline Cristiani, la directrice générale de L’Oréal Cosmétique Active France. Le premier permet un échange de bonnes pratiques entre pharmaciens et traite des 8 points clés de la gestion de crise. Le second se concentre sur l’après-crise et l’élaboration d’un plan d’action adapté à chaque pharmacie. » Les traditionnelles soirées de formation ont été remplacées par des trainings en ligne, animés par des formateurs via une plateforme dédiée. « Depuis le 1er avril, les dermo-conseillères peuvent se connecter pour suivre des sessions portant sur les nouveautés produits, le conseil associé, l’oncologie, le maquillage ou le solaire, suivie d’échanges interactifs avec le formateur », précise Aline Cristiani.

ILS VOUS DISENT “MERCI”…

Les acteurs de la chaîne du médicament et de la dermo-cosmétique ont aussi tenu à exprimer leur reconnaissance aux pharmaciens et à leurs équipes. Ainsi, EG Labo a diffusé une campagne de presse et une vidéo sur les réseaux sociaux, afin de les remercier. « Nous avons initié cette campagne pour les soutenir à notre manière, car leur engagement ne nous semble pas reconnu à la hauteur de leur investissement pendant cette crise, explique Florence Masson, la responsable marketing. Ce film les invite aussi à rester mobilisés et motivés parce que les patients ont plus que jamais besoin d’eux. » Pour exprimer sa gratitude, Bayer s’est, lui, inspiré du rituel quotidien des Français qui, chaque jour à leur fenêtre ou à leur balcon, applaudissent à 20 heures les personnels soignants. « L’initiative a été lancée par des délégués pharmaceutiques qui ont eu l’idée de rassembler sur une façade d’immeuble des photos de nos collaborateurs en train d’applaudir les pharmaciens. Cette image est désormais intégrée systématiquement aux messages digitaux envoyés aux officines », dévoile Jean-Claude Bacos.

CHACUN APPORTE SA PIERRE A L’EDIFICE.

Les laboratoires et les grossistes-répartiteurs ont aussi apporté leur contribution, en luttant contre la pénurie de gel hydroalcoolique, de masques et de gants. « Une cinquantaine d’entreprises de l’industrie cosmétique ont reconverti une partie de leurs lignes de production afin de fabriquer du gel hydroalcoolique, rappelle Anne Dux, directrice des affaires scientifiques et réglementaires de la Fédération des Entreprises de la Beauté (FEBEA). Certains de nos adhérents ont également fourni les matières premières et les articles de conditionnement à des pharmaciens pour qu’ils puissent lancer leur propre fabrication. » A l’image, par exemple, de L’Oréal Cosmétique Active. « Dès l’annonce du décret autorisant la production, nos usines Cosmétique Active Production et La Roche-Posay se sont mobilisées pour en produire en très grande quantité, et ainsi répondre aux besoins urgents des personnels soignants et des pharmaciens », confie Aline Cristiani. De son côté, Alliance Healthcare a bataillé pour que les pharmaciens puissent doter leurs équipes en masques de protection. « Nous avons même mis à leur disposition des stocks au-delà des contingences imposées par le ministère de la Santé », confie Laurent Bendavid.

A TITRE EXCEPTIONNEL ET TEMPORAIRE.

Sur le plan financier, les partenaires de l’officine ont vu leur marge de manoeuvre sérieusement limitée par la réglementation. « Nous avions évoqué lors d’échanges avec les autorités la possibilité d’accorder exceptionnellement des reports de paiement aux pharmaciens les plus en difficultés. Cela n’a malheureusement pas été possible, notamment pour des raisons légales, regrette Jean-Claude Bacos. Pour les soulager, nous proposons donc à ceux qui en ont besoin de diminuer le franco de livraison. En ayant conscience qu’il s’agit d’un bien petit geste, par rapport à tout ce que l’on souhaiterait leur apporter. » L’OCP affirme, lui, intervenir au cas par cas. « Nous n’avons pas mis en place de dispositifs d’aides à proprement parler, confirme Clotilde Larrose, la directrice des affaires publiques et de la communication. Nous restons sur un accompagnement sur-mesure. » Fin mars, le grossiste-répartiteur a également constitué une “taskforce”, composée d’experts en gestion de trésorerie. Sa mission : répondre aux questions des pharmaciens et les orienter vers les différents dispositifs mis en place par l’État : prêts garantis, arrêts maladie, chômage partiel, reports de charges…

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L’APRES COVID-19.

Et lorsque nous demandons à Clotilde Larrose ce que cette crise va changer dans la relation entre pharmaciens et grossistes-répartiteurs, elle nous répond « qu’il est encore trop tôt pour se prononcer, car nous n’en sommes pas encore sortis. Mais, j’espère que les liens unissant la répartition et les officines vont être renforcés. Ensemble, nous avons démontré notre capacité à nous mobiliser, afin de continuer à servir les patients, même avec des circuits logistiques perturbés par des tensions liées à l’urgence et à la gestion de nouvelles opérations : distribution de masques, GHA, rétrocession hospitalière… » Pour Florence Masson, cette crise sanitaire devrait aussi fortifier le rôle des pharmaciens et de leurs équipes. « Le confinement a rappelé à tout le monde que les officines étaient un maillon essentiel du parcours de soins, que les patients sollicitent en toute confiance lorsqu’ils ont besoin de conseil et de réassurance. »

infos clés

1 Pour maintenir l’approvisionnement des officines, les acteurs de la chaîne du médicament et de la dermocosmétique ont dû adapter leur organisation.

2 Même au plus fort de la pandémie, les équipes de terrain et les centres d’appels ont continué à répondre aux pharmaciens.

3 Les laboratoires et les grossistes-répartiteurs se sont aussi mobilisés pour lutter contre la pénurie de gel, masques, gants et autres…

4 Pour cause de contrainte réglementaire, le soutien financier aux officines en difficulté reste limité.

50 % C’est la part de la production réalisée en France chez EG Labo. Elle grimpe à 95 %, en Europe.

En plus

Des dons pour les officines

Le soutien aux pharmaciens s’est aussi traduit sous forme de dons. Biogaran est, par exemple, en train de distribuer gratuitement aux pharmaciens et à leurs équipes, pour leur usage propre, plus de 191 000 flacons de gel hydroalcoolique. Les usines de L’Oréal Cosmétique Active et La Roche-Posay ont, de leur côté, offert gratuitement 60 000 flacons de gels à leurs pharmaciens partenaires. 120 000 flacons sans étiquettes ont également été fournis gracieusement aux pharmaciens, pour leur permettre de se lancer dans la fabrication et la vente de gel hydroalcoolique.

Le digital en renfort

Cette pandémie a mis en lumière que les outils digitaux seront amenés à jouer un grand rôle dans les années à venir, pour maintenir la communication entre l’ensemble des acteurs de la chaîne du médicament. « Nous avons déjà engagé des réflexions qui nous conduiront notamment à faire appel à des outils digitaux simples et efficaces, afin de toujours garantir le même niveau d’information aux pharmaciens », confie Florence Masson, la responsable d’EG Labo.

Communication

Pour mettre un terme aux rumeurs qui annonçaient de potentielles ruptures d’approvisionnement, mais aussi pour informer les clients de son actualité, Alliance Healthcare a choisi un mode de communication original en glissant des courriers dans les bacs de livraison.

Approvisionnement

Chez EG Labo, la filiale française du groupe Stada, les collaborateurs des départements Production, Qualité, Approvisionnement et Logistique se sont relayés pour augmenter les cadences sur les chaînes de production du groupe. Celles-ci tournent en ce moment 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, afin de fournir aux patients les médicaments dont ils ont besoin.