Les recettes pour concocter le préparateur du futur

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Publié le 24 mars 2021
Par Christine Julien
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Expérimentation d’un Deust et d’une licence professionnelle par les facultés de pharmacie, et refonte du référentiel activités-compétences par le ministère de la Santé, les préparateurs en pharmacie sont l’objet de toutes les attentions. Cette universitarisation, gage de souplesse, est un signal positif.

Voilà quinze ans que la pharmacie réclame une refonte de la formation des préparateurs. Qu’elle a besoin d’un nouveau diplôme de niveau supérieur pour répondre aux exigences et aux évolutions du métier. Et cela fait bien longtemps que les préparateurs s’insurgent d’entrer en BP avec un niveau bac pour en sortir deux ans plus tard avec… un niveau bac. Une solution se profile avec les projets d’expérimentations déposés et menés par des facultés de pharmacie en partenariat avec des centres de formation d’apprentis (CFA). En même temps, le ministère de la Santé a décidé de revoir le référentiel des activités et des compétences du préparateur durant le Ségur de la santé, en juillet 2020. Lors de cette vaste consultation des acteurs du système de santé, le gouvernement a listé un ensemble de mesures. Au milieu d’elles, une petite phrase fait tilt : « La réingéniérie des diplômes de diététicien, préparateur en pharmacie, technicien de laboratoire sera initiée à compter de septembre 2020 ».

Plusieurs projets mais un seul modèle

Parmi les vingt-quatre facultés de pharmacie, douze, dont un binôme, ont déposé un dossier en novembre 2020 pour expérimenter une formation de préparateur en pharmacie(1) avec des CFA. « Angers, Besançon, Lille-Amiens, Lyon, Marseille, Nantes, Paris, Reims, Rouen, Strasbourg, Toulouse (démarrage en 2022) et Tours », détaille le Pr Honoré, praticien hospitalier et professeur à la faculté de pharmacie de Marseille (13). Et six universités pour 2022: Bordeaux, Caen, Limoges, Paris-Saclay, Rennes et Montpellier ».

Toutes proposaient un parcours de licence professionnelle selon deux schémas. Dans le schéma 2 + 1, il s’agissait d’un diplôme d’études universitaires scientifiques et techniques (Deust) en deux ans, avec possibilité de poursuivre par une licence professionnelle en un an avec options « pharmacie d’officine », « pharmacie hospitalière », voire industrie. Dans le schéma dit 3 – 1, les facs avaient bâti une licence pro sur trois ans, L1, L2 et L3, avec possibilité de s’arrêter en L2 et de valider un Deust. Cela revient à peu près au même, direz-vous, mais pour un jeune qui veut une formation courte… Le 2 + 1, c’est « je commence en me disant que je vais faire deux ans, tout en sachant que je peux en faire trois. Donc, je m’inscris en Deust ». Le 3 – 1, c’est « je m’inscris en licence mais je sais que je peux sortir au bout de deux ans avec un Deust ».

Avant même de tester ces modèles, les ministères ont préféré donner un cadre national unique à ces expérimentations. C’est le 2 + 1 qui l’a emporté. « Les dossiers ont été examinés le 19 février 2021 par le Comité d’expertise des projets, qui a tranché début mars. Il a choisi un scénario unique national. Nous n’aurons pas de retour individuel sur nos projets », annonce le Pr Honoré, maître d’œuvre d’une expérimentation de licence pro de type 3 – 1, intitulée « Préparateur/technicien en pharmacie spécialisé », à laquelle participent les CFA de Marseille (13), Avignon (84), Toulon (83) et Nice (06). Il va devoir revoir un peu sa copie pour l’ajuster au Deust + licence pro.

Un scénario pour deux rôles

Il sera donc expérimenté un Deust en deux ans, dont la mention nationale sera « préparateur en pharmacie ». Il permettra l’octroi de 120 ECTS (voir encadré). Et l’accès à une licence professionnelle en un an conduisant à un métier spécialisé: technicien spécialisé en pharmacie, option hospitalière ou option pharmacie d’officine, voire industrie. Il n’y aura pas deux licences mais une seule, avec deux options, voire trois.

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Il n’y aura pas non plus de double diplomation pour la même formation. En clair, « le Deust sera reconnu comme un équivalent au BP et dispensera du BP pour l’exercice professionnel. Un arrêté de reconnaissance du Deust est prévu », explique le Pr Honoré. Ce qui implique que, dans leur projet, les facs collent aux compétences du BP pour leurs élèves en Deust. « Les étudiants du Deust doivent avoir les compétences qu’on attend du BP tant que le référentiel n’est pas changé », précise le Pr Honoré. Cela ne veut pas dire que les élèves du Deust suivront le programme du BP. Il y a mille et une manières de répondre à la compétence « Savoir délivrer » !

« Les nouvelles compétences à acquérir seront dans la licence pro, même si nous pourrons injecter des compétences supplémentaires dans le Deust, notamment l’initiation à la recherche, la recherche bibliographique… », détaille le Pr Honoré. La L3 option hôpital « sera l’équivalent du diplôme de préparateur hospitalier mais il faut un arrêté du ministère de la Santé pour l’acter ». L’option officine permettra, elle, « un renforcement des compétences sur les points clés, notamment en pharmacie clinique, sur les nouvelles missions, la vaccination… qui pourront jouer un rôle important pour aider le pharmacien ». Le Comité a évoqué aussi l’acquisition de compétences managériales pour l’année de licence.

La liberté des matières

La grande bouffée d’oxygène de ces expérimentations vient de l’universitarisation. Qui dit faculté, dit autonomie, et donc liberté de construire les unités d’enseignement. Si une nouvelle classe thérapeutique arrive, il sera possible de l’intégrer dans le programme et l’examen puisque c’est aussi la fac qui en définit les sujets. Cette souplesse permettra d’avoir une formation qui s’adapte aux changements de l’officine. Le cadre est le respect des compétences à acquérir, pas de coller à un programme ! Jusqu’en 2026, Deust et licence Pro coexisteront avec le diplôme de préparateur en pharmacie hospitalière (PPH) et le BP classique, mais « nous allons vers la mise en extinction du “BP CFA” traditionnel », affirme Stéphane Le Bouler, ancien responsable de projet Universitarisation des formations paramédicales et de maïeutique auprès des ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé.

Les questions qui se posent

Ce sont les facultés qui mènent la danse et de nombreuses discussions vont avoir lieu pour déterminer les modalités pratiques car les cours auront lieu pour l’essentiel dans les CFA, du moins pour le Deust. Les CFA auront-ils les moyens de constituer des classes Deust et des classes BP ? Avoir des élèves en BP1 et en Deust signifie multiplication des évaluations aussi. Quel sera le « coût apprenti », pour rémunérer les CFA et les facs ? Ces expérimentations de licence professionnelle déboucheront-elles sur une nouvelle classification à la grille et une meilleure rémunération  ? Les préparateurs Deust seront-ils payés de la même façon que les BP ? À voir.

Malgré ce formatage national, on reste dans le cadre d’une expérimentation, car seule la moitié des universités de pharmacie a déposé un projet. Ce choix du comité d’experts réunissant les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé, la Conférence des doyens des facultés de pharmacie… acte dans une certaine mesure la prochaine existence de deux types de préparateurs à l’officine. Ceux qui auront un Deust en deux ans et ceux qui continueront en licence pro. Si ces « techniciens » formés en trois ans sont sensiblement meilleurs, et satisfont davantage les pharmaciens, alors seront-ils peut-être mieux payés. Il faudra également attendre les travaux sur le référentiel activités-compétences. C’est à ce moment sans doute que la branche réfléchira à la rémunération…

(1) La loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé du 24 juillet 2019 permet aux universités d’expérimenter des formations médicales et paramédicales.

Repères

→ Septembre 2017 : début de l’universitarisation.

→ Juillet 2019 : autorisation des expérimentations par les universités(1).

→ Décembre 2019 : réforme de la licence professionnelle(2).

→ Septembre 2020 : début de la réingénierie du diplôme de préparateur.

→ Novembre 2020 : dépôt des projets des facs de pharmacie.

→ Mars 2021 : cadre national pour un Deust et une licence pro en expérimentation.

→ Septembre 2021 : début des expérimentations si les facs et les CFA arrivent à boucler les modalités pratiques à temps.

(2) Journal officiel du 12 décembre 2019.

Les crédits ECTS

Le système européen de transfert et d’accumulation de crédits ECTS (European Credits Transfer System) est un outil adopté par nombre de pays européens pour faire reconnaître les qualifications universitaires.

Les crédits ECTS expriment le résultat d’un apprentissage, ce qu’une personne sait, comprend et est capable de faire une fois formée, et la charge de travail pour acquérir ces compétences lors de cours, stages, temps en entreprise…, soit 1 500 à 1 800 heures par année. Exemple : un crédit ECTS correspond à 6 à 10 heures d’enseignement et 35 heures de stage. La licence professionnelle est égale à 180 crédits européens.