Les horaires de travail

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Publié le 4 décembre 2013
Par Fabienne Rizos-Vignal
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Piliers de l’organisation dans l’entreprise, les horaires de travail impactent aussi la vie privée, et notamment familiale, des salariés. Trouver le bon tempo avec son employeur exige de la coordination, dans le respect du chrono de la législation.

LE TEMPS DE TRAVAIL

À quoi correspondenti les 35 heures ?

C’est la durée légale du travail en France, et également la durée conventionnelle fixée par les partenaires sociaux de la branche de la pharmacie. Les 35 heures par semaine correspondent au temps de travail d’un salarié à temps plein, par opposition à un salarié à temps partiel qui effectue moins de 35 heures.

Est-il possible de les dépasser ?

Oui, par le jeu des heures supplémentaires, un salarié à temps plein peut être amené à travailler au-delà de 35 heures par semaine. La limite à ne pas dépasser est la durée maximale de travail autorisé fixée à 46 heures par semaine, 44 heures par semaine en moyenne sur douze semaines consécutives. Ces plafonds sont impératifs. Si l’employeur ne les respecte pas, il encourt une amende de 1 500 € pour la première infraction constatée par l’inspecteur du travail, et de 3 000 € en cas de récidive.

Quelle est la durée minimalei de travail ?

Jusqu’à présent, il n’existait pas de durée minimale. Un employeur pouvait embaucher un salarié pour 10 heures par semaine, voire moins. À compter du 1er janvier 2014, le temps de travail à l’embauche ne pourra être inférieur à 24 heures par semaine. C’est la mesure phare de la loi de sécurisation de l’emploi (Journal officiel du 16 juin 2013). L’objectif du législateur est de lutter contre la précarité des emplois à temps partiel « subis » et de faible durée : une moindre rémunération, un moindre accès à la formation, des contrats plus fragiles et une plus forte récurrence du chômage selon une étude du ministère du Travail. Cette disposition ne concerne toutefois pas les jeunes de moins de 26 ans poursuivant leurs études. Les apprentis pourront donc continuer d’effectuer moins de 24 heures à l’officine.

Peut-on travailler 12 heures par jour ?

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Non. Le temps de travail quotidien ne peut excéder 10 heures au cours d’une journée de travail, dont l’amplitude ne peut dépasser 12 heures. Par exemple, un salarié qui a commencé sa journée à 8 heures du matin ne peut plus être occupé après 20 heures.

Le temps de travail et lesi horaires doivent-ils êtrei indiqués dans les contratsi à temps plein ?

La durée du travail (35 heures par semaine) et la répartition hebdomadaire (par exemple, 4 heures le lundi, 8 heures le mardi, etc.) sont des mentions obligatoires. Le détail des horaires journaliers (par exemple, lundi de 14h à 18h, etc.) est facultatif.

Quelle est la spécificitéi des contrats à temps partiel ?

Outre la durée du travail (par exemple, 25 heures par semaine) et la répartition hebdomadaire (par exemple, 5 heures le lundi, 7 heures le mardi, etc.), les contrats doivent préciser les modalités selon lesquelles les horaires de travail de chaque journée sont communiqués par écrit au salarié (par exemple, 9h-12h et 14h-16h le lundi). Ces informations sont essentielles car tout salarié à temps partiel doit pouvoir prévoir à quel rythme il doit travailler, sans devoir se tenir à la disposition permanente de son employeur. À défaut, son contrat de travail peut être requalifié en contrat à temps plein.

Les heures supplémentaires bénéficient-elles d’un régime fiscal et social avantageux ?

À son arrivée au pouvoir, François Hollande a abrogé le dispositif « heures sup » de la loi TEPA (travail, emploi, pouvoir d’achat) qui prévoyait une défiscalisation des heures supplémentaires. Depuis 2012, les heures supplémentaires ont été réintégrées dans le revenu imposable. Les exonérations sociales ont également été supprimées. Seule l’exonération de cotisations patronales pour les entreprises de moins de 20 salariés a été maintenue. Au final, les heures supplémentaires sont devenues moins attractives.

LE TRAVAIL DOMINICAL

En cas de travail un dimanche, a-t-on droit à des heures de récupération ?

Oui. L’article 13 de la convention collective prévoit un repos compensateur d’égale durée. Par exemple, un salarié qui travaille 8 heures un dimanche a droit à un repos compensateur de 8 heures.

Comment est rémunérée une garde du dimanche ?

À volets ouverts

En plus du repos compensateur, le salarié a droit à une indemnité de sujétion calculée en appliquant la formule : 1,5 x valeur du point officinal (4,260 € au 1er janvier 2013) x nombre d’heures de présence.

LES PAUSES

Quelle est la durée de la pause quotidienne ?

Une pause de 20 minutes en continu doit être accordée dès que le temps de travail atteint 6 heures. Cette pause doit être donnée à la suite immédiate de cette sixième heure ou avant que cette durée de 6 heures ne soit entièrement écoulée.

Sont-elles payées ?

À partir du moment où le salarié cesse de répondre aux directives de son employeur pour vaquer à ses occupations personnelles (boire un café, lire un magazine, passer un coup de fil, sortir prendre l’air, faire une course), le temps de pause n’est pas rémunéré. En revanche, si pendant sa pause, le salarié est tenu de rester à proximité de son poste de travail afin de répondre à une éventuelle sollicitation de son employeur, la pause doit être payée, et ce, même si le salarié n’est finalement pas dérangé.

Doit-on rester sur le lieu de travail pendant une courte pause ?

Pendant sa pause, le salarié est libre. Il peut s’échapper momentanément ou rester sur place. Si la brièveté de la pause ne permet pas de quitter l’officine, il s’agit quand même d’un temps de repos non rémunéré.

LA MODIFICATION DES HORAIRES

En cas d’absence imprévue d’un salarié, l’employeur peut-il provisoirement réaménager les emplois du temps ?

La modification des horaires, sans impact sur la durée du travail, caractérise un simple changement des conditions de travail, qui constitue une prérogative de l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction. En principe, le salarié ne peut refuser sans commettre une faute pouvant justifier son licenciement. Toutefois, si la modification entraîne un bouleversement important pour le salarié, son accord préalable est requis.

Que se passe-t-il si le salarié refuse ? En cas de litige porté devant les tribunaux, les juges rechercheront si le changement d’horaires a des répercussions ou non sur la vie personnelle et familiale du salarié…

En cas de difficultés économiques, l’employeur peut-il durablement réduire le temps de travail ?

La réduction de la durée du travail entraîne mécaniquement une perte de salaire. L’employeur ne peut imposer une telle modification sans l’accord du salarié. En cas de motif économique, l’employeur notifiera au salarié la proposition de modification par lettre recommandée avec accusé de réception. À compter de la réception de cette lettre, le salarié dispose d’un mois de réflexion avant de donner sa réponse. S’il refuse, l’employeur, soit renonce à la modification des horaires, soit licencie le salarié pour motif économique.

Un salarié qui cumule deux emplois peut-il refuser une modification de ses horaires en cas de conflits d’emplois du temps ?

Oui. C’est un motif légitime de refus.

L’employeur peut-il modifier les horaires en demandant à un salarié de venir travailler les samedis au lieu des vendredis ?

L’employeur est en principe libre de réaménager la répartition hebdomadaire des horaires comme bon lui semble. Ainsi, il peut imposer au salarié de venir travailler le samedi à la place du vendredi. Sauf si ce changement entraîne un bouleversement important pour le salarié.

LES TRAJETS ET LES FORMATIONS

Le temps passé en formation est-il comptabilisé comme du temps de travail ?

Tout dépend.

Formations ayant lieu pendant le temps de travail

Elles sont assimilées à du temps de travail effectif et rémunérées comme telles.

Formations hors temps de travail

Elles ne sont pas comptées comme du temps de travail effectif. Elles donnent lieu au versement d’une allocation de formation égale à 50 % du salaire horaire net de référence. (soit le total des rémunérations versées au salarié au cours des douze mois précédant le début de la formation divisé par le nombre total d’heures rémunérées au cours de la même période).

Le temps de trajet pour livrer des médicaments chez un patient est-il indemnisé comme du temps de travail ?

Le temps passé au domicile du patient ainsi que le trajet aller-retour entre la pharmacie et le domicile du patient-client sont assimilés à une période de travail effectif rémunérée au taux horaire normal. Si l’intervention amène le salarié à accomplir des heures supplémentaires, le taux horaire sera majoré.

LE TEMPS D’HABILLAGE

Le temps d’habillage et de déshabillage sur le lieu de travail est-il assimilé à du temps de travail ?

Non, le temps d’habillage et de déshabillage n’est pas assimilé à du temps de travail effectif et ne peut donc être pris en compte dans la durée du travail. Toutefois, si l’employeur impose une tenue de travail (par exemple, le port de la blouse à la pharmacie) et que l’habillage et le déshabillage doivent se faire dans l’entreprise, le salarié a droit à une contrepartie sous forme de repos ou sous forme financière. Les modalités de cette contrepartie doivent être définies dans le contrat de travail. La Cour de cassation a rappelé cette obligation dans un arrêt rendu le 21 novembre 2012.

LES RETARDS

Face aux retards récurrents d’un salarié, l’employeur peut-il opérer une retenue sur salaire ?

Oui. À condition de calculer la retenue sur salaire proportionnellement au temps d’absence causé par les retards du salarié. En respectant cette stricte proportion, l’employeur ne commet pas d’abus. À défaut, il s’expose à une condamnation devant les prud’hommes pour atteinte à l’article L. 1331-2 du code du travail,qui interdit « les sanctions pécuniaires ».

Est-ce un motif de licenciement ?

Si les retards sont fréquents, persistants et perturbent le bon fonctionnement de l’entreprise, l’employeur dispose de raisons suffisantes pour rompre le contrat de travail du salarié peu ponctuel. En revanche, un simple retard isolé, sans conséquence, ne peut pas être sanctionné par un licenciement.

Un bonus de repos ou de salaire

Les heures supplémentaires sont indemnisées soit sous forme d’un repos bonifié, soit sous forme d’un salaire majoré. L’employeur est libre de choisir l’une ou l’autre forme de paiement. Dans tous les cas, il doit appliquer les taux de majoration en vigueur, à savoir :

• 25 % de la 36e à la 43e heure incluse ;

• 50 % au-delà de la 43e heure.

Exemple : supposons qu’un salarié est payé 10 € de l’heure. Il effectue 1 heure supplémentaire majorée à 25 %. Soit il percevra 12,50 € pour cette heure supplémentaire, soit il bénéficiera d’un repos compensateur d’1 heure et 15 minutes.

Moins de 24 heures, si je veux…

La loi précise que le temps de travail minimum de 24 heures par semaine pourra être réduit à la seule « demande écrite et motivée du salarié » pour lui permettre soit de faire face à des contraintes personnelles, soit de cumuler plusieurs activités.

Olivia est employée 20 heures par semaine. Entre ses enfants, ses activités personnelles qu’elle souhaite préserver et son travail à la pharmacie, elle a trouvé un équilibre. Va-t-il être bouleversé à partir du 1er janvier ?

Non. Olivia ne subit pas son temps de travail. Il s’agit d’une situation choisie. Elle pourra continuer à travailler 20 heures par semaine. Son employeur ne pourra pas lui imposer de passer à 24 heures. Si un nouvel entrant dans l’entreprise ne veut faire que 10 heures, il devra indiquer par écrit qu’il s’agit de son propre choix.

Des aménagements horaires pour les moins de 18 ans

– Ils ne peuvent pas travailler plus de 8 heures par jour et plus de 35 heures par semaine.

– Ils doivent bénéficier de deux jours consécutifs de repos hebdomadaire.

– Ils ont droit à 30 minutes de pause dès 4h30 de travail en continu.

Exception au repos dominical

L’article R. 3132-5 du code du travail fait figurer les pharmacies parmi les établissements autorisés de plein droit à déroger au principe du repos dominical. Les officines ont une mission de service, et doivent s’organiser pour garantir à la population un approvisionnement continu en médicaments.

L’employeur d’Olivier, préparateur, père de deux enfants et divorcé, lui demande de participer à une garde du dimanche qui tombe pile un week-end où il a ses enfants. Peut-il refuser ?

Lorsque des horaires de travail inhabituels sont demandés par l’employeur, le salarié peut refuser dès lors qu’ils ont un retentissement excessif sur la vie personnelle et familiale, ce qui est le cas d’Olivier.

L’emploi du temps de Laetitia comporte une anomalie, laquelle ? Lundi : 9h-12h ; mardi : 10h-13h et 14h-16h ; mercredi : repos ; jeudi : 10h-13h et 14h-16h ; vendredi et samedi : 9h-12h et 14h-18h ; dimanche : repos.

Le repos hebdomadaire doit être, au moins, d’un jour et demi consécutif, dont une demi-journée accolée au dimanche. Cette disposition de la convention collective de la pharmacie concerne tous les salariés, à temps plein ou partiel. Il est impossible de travailler le samedi après-midi et le lundi matin. Même si Laetitia bénéficie au total de deux jours de repos, la répartition de ses horaires n’est pas conforme. Son employeur doit réaménager son planning. Par exemple, les 3 heures effectuées le lundi matin pourraient être décalées l’après-midi.

Le titulaire de Bertrand, pharmacien adjoint, lui accorde 30 minutes de pause sur une journée de 8 heures de présence à l’officine. Cette durée est-elle comprise dans le temps de travail ?

Non. Le temps de pause est exclu de la durée du travail.

Sabine, préparatrice, a une pause déjeuner de 45 minutes, ce qui ne lui permet pas de rentrer chez elle et l’oblige à manger dehors. Est-ce légal ?

Il n’existe pas de durée minimale pour la coupure du déjeuner. La seule obligation horaire de l’employeur est d’accorder au moins 20 minutes de pause dès 6 heures de travail. Si elle souhaite manger sur place à la pharmacie, l’employeur doit le permettre et aménager un coin repas. S’il ne peut pas le faire, il devra fournir obligatoirement des tickets restaurant.

Julie dispose de ses mercredis, mais travaille le samedi matin. À la prochaine rentrée scolaire, son fils ira à l’école le mercredi matin. Julie aimerait (re) travailler cette matinée afin de récupérer son samedi matin. Comment doit-elle procéder ?

Julie ne peut imposer à son employeur une modification de son emploi du temps. En revanche, elle peut négocier. Il ne s’agit pas d’une procédure encadrée. On ne peut que conseiller à Julie d’anticiper la prochaine rentrée scolaire et d’aborder le sujet de manière consensuelle avec son patron.

Géraldine, préparatrice à temps plein, est censée raccrocher sa blouse à 18 heures. Mais, régulièrement, son patron la fait rester jusqu’à 18h30, voire 19 heures. Comment imposer à mon employeur le respect des horaires ?

L’employeur peut imposer l’exécution d’heures supplémentaires au pied levé. Mais il ne doit pas commettre d’abus. Si les dépassements d’horaires deviennent systématiques, Géraldine peut exprimer son désaccord.

L’employeur demande à Emma, pharmacienne adjointe, d’assister à une journée de formation à une heure et demie de voiture de chez elle, ce qui l’oblige à quitter son domicile à 7h30 du matin. Le temps de trajet sera-t-il indemnisé au même titre que le temps passé en formation ?

Lorsque le temps de trajet a lieu en dehors des horaires habituels de travail, il n’est pas indemnisé comme du temps de travail effectif. Toutefois, lorsque le temps de déplacement dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l’objet d’une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière. Son montant, dans les entreprises dépourvues de comité d’entreprise et de délégués du personnel, est fixé « par décision unilatérale de l’employeur » précise l’article L. 3121-4 du code du travail.

La titulaire de Charles, préparateur, organise régulièrement des formations labo sur la pause déjeuner. Le repas est offert à l’équipe. Les salariés peuvent-ils également réclamer un paiement ou une récupération pour le temps consacré à ces formations hors temps de travail ?

Chaque salarié présent à la formation doit percevoir une allocation de formation égale à la moitié de son salaire. Si l’employeur ne s’acquitte pas de ce paiement, les salariés peuvent légitimement refuser d’assister à la formation.

Anne-Sophie, préparatrice, arrive à la pharmacie à 9 heures. Le temps de déposer ses affaires dans son vestiaire, de se laver les mains et d’enfiler sa blouse, elle est opérationnelle à 9h05. Son employeur peut-il lui reprocher ces 5 minutes de retard ?

Si son emploi du temps mentionne 9 heures, elle est censée être prête à travailler dès cet horaire. Son employeur ne commet pas d’abus en lui demandant de s’organiser afin d’arriver quelques minutes plus tôt, le temps de se changer. À charge pour lui de respecter son obligation en lui accordant une contrepartie. S’il est défaillant, Anne-Sophie pourrait légitimement le lui rappeler.