Le médicament dans le viseur de la Sécu

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Publié le 4 décembre 2013
Par Véronique Hunsinger
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Rejeté par le Sénat, le budget de la Sécurité sociale retrouve actuellement sa forme initiale à l’Assemblée nationale. À la clé, plusieurs dispositions qui touchent directement le médicament et, par ricochet, le chiffre d’affaires des officines.

Décidément très rebelles, les sénateurs ont rejeté le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 (PLFSS) quelques jours après avoir déjà dit « niet » à la réforme des retraites du gouvernement. Peu importe au final car la Constitution prévoit que le dernier mot revient toujours à l’Assemblée nationale. C’est donc le texte dans sa version initialement adoptée par cette dernière qui devrait être définitivement adopté au cours de la première quinzaine de décembre. Dans un contexte de crise économique et de volonté de maîtrise des dépenses de santé, le médicament n’est pas à la fête.

Des baisses de prix sur les médicaments

Plusieurs mesures d’économies visent d’abord les industriels. Des baisses de prix de médicaments génériques comme de princeps devront être décidées l’année prochaine pour un montant de 960 millions d’euros. Ce qui aura évidemment aussi un impact sur les officines. Ainsi, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) s’inquiète « des nouvelles mesures d’économies sur le médicament présentées de façon réductrice par le gouvernement, comme ne visant que l’industrie pharmaceutique ». Selon son président, Philippe Gaertner, ce budget aura un impact estimé entre 300 et 350 millions d’euros sur le chiffre d’affaires des pharmacies françaises : « Alors qu’une officine ferme tous les trois jours, avec des conséquences sur l’emploi, ce n’est vraiment pas le moment de faire porter les économies sur les pharmacies », dénonce le pharmacien. L’USPO, autre syndicat de titulaires, a fait un calcul équivalent et met également en garde le gouvernement. « Il y a une remise en question de l’emploi dans les pharmacies, il faut que les pouvoirs publics changent de cible », prévient son président Gilles Bonnefond.

Ventes directes taxées et taux de remise augmentés

Une modification du texte par les députés va rendre la vente directe des laboratoires aux pharmacies beaucoup moins intéressante, avec la création d’une taxe de 20 % du chiffre d’affaires des laboratoires. Elle correspond à la rétrocession aux pharmaciens de la marge du grossiste. « Ce montant très dissuasif va conduire les laboratoires français, notamment ceux qui commercialisent du paracétamol, à ne plus réaliser de ventes directes auprès des officines. Nous perdons notre capacité à négocier », s’inquiète Gilles Bonnefond de l’USPO. Outre le paracétamol, la vente directe est aujourd’hui très fréquente pour l’homéopathie ou parfois pour faire face à une rupture d’approvisionnement chez ses grossistes. En outre, les députés ont décidé que les « génériqueurs » allaient devoir déclarer au Comité économique des produits de santé (CEPS) les avantages consentis aux officinaux tels que ristournes, avantages commerciaux, rémunérations de services, etc. Dans le même temps, alors que la loi limite actuellement pour les génériques le taux de remise à 17 %, celui-ci pourrait, par arrêté l’année prochaine, être relevé jusqu’à 50 %. Ce qui pourrait donner une petite bouffée d’oxygène aux officines. « Il est indispensable que le ministère prenne rapidement cet arrêté pour que nous sachions où nous allons », estime Philippe Gaertner, président de la FSPF.

Biosimilaires substituables

Le Parlement devrait adopter la création du droit de substitution pour les biosimilaires, « copies » de médicaments biopharmaceutiques pour lesquels le principe actif est fabriqué par des cellules vivantes, tels les vaccins, des facteurs de croissance… Ces biosimilaires seront inscrits sur une liste de référence par le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Ce nouveau droit de substitution sera néanmoins limité à l’instauration d’une nouvelle prescription et à la poursuite d’un traitement déjà commencé avec le même biosimilaire. Le prescripteur pourra exclure cette possibilité en le précisant sur l’ordonnance. Contrairement à la substitution classique, l’officinal devra inscrire le nom du produit délivré sur l’ordonnance et informer le prescripteur. « C’est une bonne mesure, estime Gilles Bonnefond. Les pharmacies feront ces substitutions avec toutes les précautions nécessaires ». Le gouvernement espère 2 millions d’euros d’économies dès 2014, et jusqu’à 50 millions en 2017 lorsque cette substitution progressera.

Des collaborations rémunérées

Enfin, le gouvernement souhaite l’aboutissement rapide de la négociation entre l’Assurance maladie et les syndicats de pharmaciens et de médecins libéraux sur la « rémunération des équipes pluriprofessionnelles ». L’objectif est de développer la collaboration entre les maisons de santé et les pharmacies, notamment pour faire de l’éducation thérapeutique ou du suivi de malades chroniques. En attendant, 150?équipes supplémentaires bénéficieront de rémunérations forfaitaires pour financer des expériences de ce type. Les députés ont également intégré les pharmacies dans un article qui prévoit de nouveaux financements pour les actes de télémédecine. Sans oublier l’expérimentation de la vente à l’unité (voir page 7).

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Pour le reste, ce PLFSS présente toujours un « trou » important, même si le ministre du budget, Bernard Cazeneuve, veut croire que le texte marque « la volonté de maîtrise des comptes publics, cohérente avec une trajectoire de retour vers l’équilibre ». Fin 2014, les comptes de la Sécurité sociale devraient afficher un déficit de 12,8 milliards d’euros, dont 6,2 milliards pour la branche maladie. Un petit mieux cependant par rapport à cette année, où le déficit atteint 16,2 milliards.