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La pharmacie aujourd’ hui
Sur le plan économique, des pratiques professionnelles ou de l’organisation du travail, à quoi ressemble l’officine aujourd’hui ? Voici les premiers résultats de l’enquête nationale lancée par la Commission paritaire nationale de l’emploi et l’État.
Premier du genre consacré à la pharmacie d’officine, ce « contrat d’études prospectives » (CEP) constitue un précieux outil d’éclairage sur le secteur officinal et l’évolution présumée de celui-ci dans les dix à quinze prochaines années. Le cabinet spécialisé Interface, a qui a été confiée l’étude, a commencé par procéder à un recensement et à une analyse documentaire des statistiques et données qualitatives disponibles sur la pharmacie d’officine en France. Pour une bonne compréhension du secteur, une campagne d’entretiens individuels et collectifs auprès d’acteurs clés a ensuite été menée. Puis une enquête qualitative a été organisée à partir d’entretiens avec huit équipes officinales et une semaine d’immersion dans quinze officines d’Île-de-France, du Nord-Pas-de-Calais et de Rhône-Alpes. Enfin, une « enquête métiers » a été réalisée par l’envoi de questionnaires à un demi-millier de pharmaciens titulaires et à plus de 800 salariés d’officine. Environ un tiers d’entre eux y a répondu.
Avant de nous intéresser dans notre prochain numéro à l’analyse prospective, second volet du CEP, nous ouvrons dans celui-ci le premier, consacré à l’état des lieux de la pharmacie d’officine française en 2004.
Dépenses de santé : la France dans le peloton. Contrairement à une idée très largement répandue, les Français ne sont pas si dépensiers que cela pour leur santé. « La France consacre un pourcentage de 9,7 % de son produit intérieur brut aux dépenses de santé, alors que des pays comme les États-Unis ou la Suisse affichent respectivement 14,6 % et 11,2 % », est-il relevé dans le CEP. En revanche, la France fait partie, avec l’Italie, l’Espagne et la République tchèque, des pays les plus consommateurs de produits pharmaceutiques (plus de 20 % des dépenses de santé). Les pourcentages les plus faibles s’observent au Danemark (9,8 %), en Suisse (10,5 % ) et aux Pays-Bas (11,4 %). En Europe, l’automédication est très variable d’un pays à l’autre. Ainsi, en 1999, les médicaments non prescrits constituaient moins de 10 % du marché pharmaceutique domestique en Autriche, en Italie, en Norvège, aux Pays-Bas, au Portugal, en Suède et en France ; entre 10 % et 20 % en Espagne, au Danemark et en Finlande ; plus de 20 % en Allemagne, en Belgique, au Royaume-Uni et en Irlande.
Une prospérité économique du secteur officinal. Très dépendante des politiques de remboursement des médicaments (en moyenne nationale, le médicament remboursable représentait 74 % du chiffre d’affaires de l’officine en 2004), l’activité du secteur officinal français « connaît une progression régulière s’effectuant par palier, au rythme des grandes réformes tarifaires, de sorte que certains parlent d’évolution «stop and go» », pointent les auteurs du « contrat d’études prospectives ». Et de distinguer trois grandes périodes d’évolution au cours des vingt dernières années : la période 1985-1991, qualifiée « d’âge d’or », au cours de laquelle « tous les indicateurs économiques étaient orientés à la hausse » ; 1992 à 1998, « phase de quasi-stagnation» de la marge commerciale et de l’excédent brut d’exploitation en raison, « notamment, de l’introduction de la marge dégressive lissée » ; depuis 1998, la marge commerciale et l’excédent brut d’exploitation repartent à la hausse et le chiffre d’affaires poursuit son accroissement. Mais le taux de marge (voir encadré p.19) des officines est très disparate, en fonction de leur implantation géographique plus que de leur effectif : petites, moyennes ou grandes, les pharmacies installées dans des zones de faible densité de population enregistrent généralement de meilleurs résultats économiques. À l’exception des officines de centre commercial qui sont les plus lucratives. Problème, non abordé par ce CEP antérieur à 2005 : les différentes mesures gouvernementales prises l’an dernier sur le médicament devraient entraîner une baisse de la marge et du taux de marge en 2006, non compensée par une progression très limitée du chiffre d’affaires global.
Une situation de l’emploi favorable. Si le nombre de pharmacies stagne, les effectifs des salariés sont en progression. Ils sont passés de 105 900 en 1999 à 119 954 en 2004. Bonne nouvelle, avec cette enquête, pour la première fois, les effectifs des préparateurs sont évalués sur le plan national… et les résultats confirment ceux obtenus par Porphyre (voir le n° 384 de juin-juillet 2002) : vous êtes 63 000 ! Et vous représentez la moitié des effectifs aux côtés de 25 000 adjoints et de 32 700 autres employés… Ces « autres employés » regroupe le personnel affecté aux tâches administratives, à la gestion des commandes ou à l’entretien, mais n’ont généralement pas de formation spécifique pour l’officine.
La pharmacie bénéficie d’un taux de chômage bas : en 2004, seuls 1 000 pharmaciens et 2 000 préparateurs sont recensés comme demandeurs d’emploi. Toutefois, le recours au contrat à durée déterminée (environ 15 % des salariés) est en progression plus forte que dans les autres secteurs et le poids des temps partiels à l’officine (30,7 % selon le CEP) est pratiquement deux fois plus important que le taux moyen (16,1 %). Si les préparateurs et les pharmaciens n’ont pas trop de problèmes pour trouver un emploi, l’officine « constitue un domaine d’exercice où l’ancienneté est plus faible que d’ordinaire ». La part des moins de 5 ans d’ancienneté se situe à 50 % et celle des plus de 10 ans à 31,5 %. Si le turnover est tout aussi important dans d’autres secteurs, la particularité de l’officine est le renouvellement de main-d’oeuvre sous forme de CDI (contrat à durée indéterminée) et le plus grand nombre de salariés à démissionner. Se pose ainsi en filigrane la question de l’attractivité de l’officine.
Titulaires motivés, adjoints et préparateurs frustrés. « En dehors des titulaires, nettement plus motivés par leur mission et leur position que les salariés, c’est chez les préparateurs que l’on trouve le plus de marques d’intérêt pour le travail », est-il estimé au chapitre « Gestion des ressources humaines » du CEP. Les enquêtes quantitative et qualitative réalisées confirment que « les activités comparées des adjoints et des préparateurs se recoupent nettement : ils font presque exactement le même travail ». Ainsi, l’enquête de terrain a notamment permis de démontrer que les préparateurs dispensent fréquemment des médicaments sans contrôle systématique de l’ordonnance par un pharmacien. « Les officines ne s’en cachent pas et ne prennent pas de risque en agissant ainsi, commentent les auteurs du CEP. Il y a en général un pharmacien à proximité, qui serait interpellé si besoin était, ce qui ne se produit pas puisque les préparateurs ont avec l’expérience la même analyse et les mêmes réflexes que les pharmaciens, et disposent des mêmes logiciels alertant sur les risques iatrogènes.»
Mêmes tâches, même analyse, mêmes réflexes et mêmes outils, mais pas même niveau de rémunération, ce qui implique une forte insatisfaction dans les rangs des préparateurs. Les principaux facteurs de démotivation et de frustration sont similaires pour les préparateurs et les autres employés d’officine : l’absence de perspectives de carrière – « que confirme le fait que près de 90 % des salariés ont toujours occupé le même emploi même lorsqu’ils ont changé d’officine au cours de leur carrière » – et la rémunération. L’absence de perspective est « également le principal facteur de démotivation pour les adjoints, suivi par le décalage entre le diplôme et la réalité de l’emploi et l’absence de reconnaissance de leur expertise de professionnel de santé». Les métiers de préparateur et de pharmacien adjoint sont de surcroît qualifiés d’« emplois sensibles » car « leur contenu (missions, activités…) et/ou le contexte d’exercice (champs de relations, technologies utilisées, champs de responsabilités…) vont être particulièrement touchés par des changements à venir (technologies, organisationnels, etc.) ».
Déjà, certains titulaires qui ont du mal à recruter des adjoints (« de plus en plus rares, de plus en plus chers à condition qu’ils négocient leur salaire de manière avisée ») envisagent ainsi de changer la composition de leurs équipes et leur politique de recrutement « en misant davantage sur le niveau des préparateurs, quitte à envisager également un système d’intéressement des préparateurs ».
Des formations initiales pas assez en phase avec la pratique quotidienne. Les différentes enquêtes réalisées pour ce CEP mettent en lumière une importante inadéquation entre les contenus de formation initiale – tant des pharmaciens que des préparateurs – et la réalité de l’exercice officinal : « Tous les pharmaciens, titulaires ou adjoints, se rejoignent pour affirmer que la plupart des connaissances acquises au cours de leurs études – et qui fondent en principe leur capacité à assumer cette responsabilité – ne sont jamais sollicitées dans l’officine. En revanche, des compétences qui leur seraient plus utiles dans le management de leur activité ou le conseil pertinent aux clients ne sont pas abordées au cours de leur formation. L’écart entre la teneur de la formation initiale et les exigences réelles de la pratique quotidienne est, de leur point de vue, très important. » Du côté des préparateurs, certains « ont la nostalgie des préparations et regrettent de devoir le plus souvent délaisser le pilon et le mortier, la balance, le moule à suppositoires, l’appareil à fabriquer des gélules ». Mais beaucoup d’autres, « parmi les plus jeunes, sont déçus par le décalage entre les études et la réalité de la pratique dans la plupart des cas».
Faible consommation de formation continue. Vivement la formation continue obligatoire, serait-on tenté de souhaiter après lecture du chapitre consacré par le « contrat d’études prospectives » à la formation professionnelle continue ! En 2004, seulement 16 % des pharmaciens titulaires ont en effet été concernés par une action de formation, 16,5 % des adjoints et 10 % des préparateurs. Les officines de taille moyenne (4 à 6 salariés) sont les premières consommatrices de formation (40 % des heures). Environ 45 % des heures consommées par les titulaires avaient trait aux thérapeutiques à l’officine, 18 % à l’approche globale de l’officine et 13 % relevaient de diplômes universitaires (par ordre décroissant : orthopédie, maintien et hospitalisation à domicile, diabète, homéopathie, diététique…). Les formations les plus suivies par les adjoints étaient celles consacrés aux grandes pathologies et à la pharmacologie (20 % des stagiaires), les cycles d’études postuniversitaires proposés par les universités (18 %) et le diplôme universitaire d’orthopédie (11 %).
Côté préparateurs, les formations les plus suivies étaient également celles dédiées aux grandes pathologies et à la pharmacologie (21 % des stagiaires), puis à la communication (21 %). Les spécialisations (homéopathie, phytothérapie, diététique, dermatologie, hygiène et cosmétique, pharmacie vétérinaire) rassemblaient 35 % des demandes de formation. Commentaire des auteurs du « contrat d’études prospectives » : « Cette demande de formation spécifique peut être mise en perspective avec la place que ces contenus occupent au sein de la formation initiale : environ 3% de l’enseignement scientifique théorique.»
L’évolution des enseignements, aussi bien pour les préparateurs que pour les pharmaciens, apparaît indispensable aujourd’hui. Mais il faudra aussi pour fidéliser son personnel que l’officine devienne attractive.
Contrôle effectif : la possibilité d’avoir recours à un pharmacien
Est-ce la fin des sempiternelles discussions sur la délivrance de l’ordonnance sous contrôle systématique ou non ? Peut-être. Car le CEP donne une définition du contrôle effectif sans ambiguïté. « Selon les dispositions du Code de la santé publique, le préparateur assume ses tâches sous la responsabilité et le contrôle effectif d’un pharmacien titulaire, adjoint, ou remplaçant ; pour autant, la responsabilité pénale du préparateur demeure engagée (article 4241-1 du Code de la santé publique). Le principe du contrôle effectif – qui a pu donner lieu à des interprétations approximatives – suppose la présence d’un pharmacien dans l’espace officinal afin que le préparateur et le patient puissent, s’ils le souhaitent ou si la situation l’exige, avoir recours à lui. Il ne s’agit en aucun cas d’un contrôle systématique de l’ordonnance. Le contrôle effectif n’impose pas non plus que le pharmacien présent dans l’espace officinal exerce à tout moment un contrôle visuel sur ce qu’y déroule. »
Comité de pilotage
Le comité de pilotage du CEP était composé des dix-sept membres suivants :
Représentant l’État : Danielle Blanchard, ministère de la Santé ; Rolande Desgris, ministère de la Santé ; Martine Goutte, ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité, présidente du comité de pilotage ; Paul Renaud, ministère des Finances ; Florence de Saint-Martin, ministère de la Santé.
Représentant les syndicats de salariés : Jean-Marie Fonteneau, CGT-industries chimiques ; Michel Le Diréach, CFDT-santé/sociaux ; Patrick Le Métayer, FO-pharmacie ; Michel Parinet, CFTC-santé/sociaux ; Bernard Paul-Martin, CFE/CGC-chimie.
Représentant les syndicats d’employeurs : Jean-Claude Baniol, Philippe Gaertner et Patrick Giraudeau, Fédération des syndicats pharmaceutiques de France ; Martine Chèze et Pierre Harmel, Union nationale des pharmaciens de France.
Représentant la CPNE (Commission paritaire nationale pour l’emploi) : François Augras et Roger Halegouet, ce dernier représentant également l’OPCA-PL (organisme paritaire collecteur agréé des professions libérales).
Pourquoi un contrat d’études prospectives ?
Anticiper les mutations du secteur de la pharmacie d’officine à l’horizon 2015-2020, « rendre visibles » les modèles émergents d’organisation du travail et de gestion des ressources humaines, définir les moyens nécessaires au renforcement de l’attractivité du secteur : telles sont les principales raisons qui ont conduit la Commission paritaire nationale de l’emploi et l’État à établir un « contrat d’études prospectives (CEP) dans la pharmacie d’officine. Ce travail a été confié à l’automne 2004 au cabinet parisien Interface, spécialisé dans les études sectorielles, le conseil et la formation. Celui-ci a rendu sa copie – 382 pages format A4 ! – aux commanditaires en janvier dernier, qui l’ont validée au début de l’été.
Le CEP présente l’état des lieux statistique et qualitatif de la pharmacie d’officine puis, dans une seconde partie, une analyse prospective des évolutions auxquelles sera confronté le secteur. Il établit aussi un certain nombre de préconisations et propose des fiches opérationnelles « pour guider l’action spécifique des acteurs de la branche, des pouvoirs publics et des organismes de formation initiale et continue ».
Le CEP est consultable sur le site Internet du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité :
Le nombre de préparateurs en officine estimé à 60 000
Voilà qui va mettre (enfin) les pendules à l’heure : le CEP estime à 60 000 le nombre de préparateurs travaillant en officine en 2005, non sans relever que cette estimation était aussi celle avancée par Porphyre en 2005. Voici comment le cabinet Interface est arrivé à cette estimation : « En 2005, l’effectif total des préparateurs en officine n’est pas connu et fait l’objet d’estimations variant de 35 000 à 60 000. Selon le recensement effectué par l’INSEE en 1999, les officines comptabilisent 42 037 préparateurs. L’INSEE ne disposant pas encore des données issues du recensement de 2005, projections s’appuyant sur les résultats de l’enquête quantitative réalisée au cours de l’été 2005 ou sur les données 1999.
Première estimation à partir de l’enquête quantitative du CEP : l’enquête qualitative recense 470 préparateurs répartis sur 169 officines soit 2,781 préparateurs par officine. Les 22 658 officines françaises regrouperaient ainsi près de 63 000 préparateurs.
Deuxième estimation à partir d’une projection des données de 1999 : il est possible de projeter les données 1999 des effectifs préparateurs en se basant sur l’évolution des effectifs salariés d’officine. Ces derniers sont passés de 105 900 en 1999 à 119 954 en 2004, soit une progression de 13,27 %. Si l’on applique ce pourcentage d’évolution à la population des préparateurs, on obtient un effectif estimé à 56 000 préparateurs environ pour un taux de croissance identique.
En tenant compte de ces deux projections, le nombre de préparateurs en officine en 2005 peut être estimé à 60 000 personnes environ, autrement dit la moitié des effectifs salariés. » •
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