Ce que la réforme du Code du travail va changer

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Publié le 3 septembre 2017
Par Fabienne Rizos-Vignal
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Les cinq projets d’ordonnances réformant le Code du travail ont été dévoilés cet été après plusieurs mois de discussions avec les partenaires sociaux. Ces textes prévoient une série de mesures ciblant les petites et moyennes entreprises.

Après la validation du Conseil constitutionnel, qui autorise la réforme du Code du travail, la publication des ordonnances est maintenant imminente. À l’heure où vous lirez ces lignes, elles le seront (voir encadré ci-contre). L’intention du gouvernement est claire : offrir plus de simplicité et de lisibilité aux entreprises, en particulier aux très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME). Dans les grandes lignes, le projet de réforme mise sur le renforcement du dialogue social sur le terrain et sur la sécurisation des situations délicates pouvant fragiliser les sociétés. Si les organisations patronales sont satisfaites des mesures présentées, les syndicats de salariés manifestent leur inquiétude (voir entretien ci-contre). Voici huit points clés à retenir pour se préparer aux changements à venir.

Indemnités de licenciement

Elles seront plus avantageuses grâce à un double effet levier. Leur montant sera augmenté de 25 % et passera à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté, au lieu d’un cinquième actuellement. La condition minimale d’ancienneté pour les percevoir sera, elle, abaissée à huit mois ininterrompus au lieu d’un an.

Lettre de rupture

Le casse-tête pour les employeurs de la rédaction de la lettre de notification de licenciement sera simplifié grâce à des modèles fixés par décrets, pour motifs personnel et économique. Les titulaires ne seront plus mis en difficulté sur ce sujet puisqu’il ne sera également plus possible de faire retoquer devant les tribunaux un licenciement pour manque de rigueur du formalisme alors que le motif de rupture est bel et bien fondé.

Barème prud’homal

En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dommages et intérêts respecteront un montant plafond, et un plancher en faveur des salariés des TPE. Pour le Premier ministre, Édouard Philippe, « ce barème sert tout le monde ». Il accordera plus de sécurité aux salar iés en leur garant i s sant un minimum, et réduira l’incertitude de l’aléa judiciaire pour les employeurs grâce au plafonnement. Ce barème ne s’appliquera pas lorsque le licenciement est nul en raison d’une faute de l’employeur, notamment en cas de harcèlement ou de discrimination. Un point partout !

Limitation du contentieux

À compter de la rupture de son contrat, le salarié ne disposera que d’une année pour contester son licenciement devant les tribunaux, contre deux ans auparavant. C’est un avantage en faveur des employeurs.

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Accords d’entreprise

La conclusion de ces accords sera facilitée, y compris dans les TPE et PME dépourvues de salariés syndiqués ou mandatés, ce qui est le cas de la grande majorité des pharmacies. « Une simple consultation du personnel par référendum adopté à la majorité des deux tiers sera suffisante », explique Philippe Denry, président de la commission des relations sociales et de la formation professionnelle de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), principal syndicat de titulaires.

Rôle des branches

« Il sera maintenu dans beaucoup de domaines. Outre les minima conventionnels et les classifications, la branche officinale restera prioritaire en matière de prévoyance, de financement paritaire pour la formation et d’égalité professionnelle », précise Philippe Denry. Pour certaines matières concernant la protection sociale, la convention collective aura la possibilité de prévoir que l’accord d’entreprise conclu postérieurement ne pourra pas comporter de dispositions différentes, à moins d’assurer des garanties au moins équivalentes. « Pour une bonne lisibilité des rapports sociaux dans les entreprises officinales, il est souhaitable que, sur certaines problématiques, un cadre général minimal soit fixé par la branche afin d’éviter cacophonies et dérives », ajoute Daniel Burlet, en charge des relations sociales à l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine, (USPO), deuxième syndicat de titulaires.

Moins de contraintes pour les CDD

Le fait de ne pas transmettre le contrat à durée déterminée (CDD) au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant son embauche n’entraînera plus sa requalification en contrat à durée indéterminée (CDI). En contrepartie, la méconnaissance de cette obligation ouvrira droit, pour le salarié, à une indemnité maximale égale à un mois de salaire.

Droit du travail plus accessible

Le gouvernement souhaite faciliter l’accès au droit du travail. Une version numérique du Code du travail serait ainsi mise en place au plus tard le 1er janvier 2020.

La réforme en dates

→ 20 septembre 2017 : adoption des ordonnances en conseil des ministres.

→ Semaine du 25 septembre : publication des ordonnances au Journal officiel.

→ Octobre : les ordonnances feront l’objet d’un projet de loi de ratification soumis au vote du Parlement. L’adoption de ce projet de loi leur conférera une valeur législative.

À défaut, elles n’auront qu’une valeur réglementaire.

3 questions à…
Olivier Clarhaut, préparateur, secrétaire fédéral de FO-Pharmacie

“Négocier « au plus près du terrain » est une avancée illusoire”

Cette réforme est-elle équilibrée ?

Les ordonnances ne sont pas équilibrées car, sans renverser complètement la hiérarchie des normes – le rôle de la branche est maintenu –, le bilan est nettement en faveur de la dérégulation du droit social. Le plafonnement des dommages et intérêts aux prud’hommes, la fin du monopole syndical de négociation d’accords dans les entreprises de moins de 50 salariés sont notamment inacceptables pour FO.

Les accords d’entreprise vont-il renforcer le dialogue social dans les pharmacies ?

Les accords d’entreprise existent déjà depuis longtemps mais très minoritairement dans les TPE. Négocier « au plus près du terrain » est une avancée illusoire car le négociateur est en position de faiblesse par rapport à son employeur. De fait, le lien de subordination existe toujours. De plus, négocier sans syndicat, c’est négocier avec des salariés non formés au droit du travail et sous la pression de l’employeur. C’est aussi un danger majeur de « dumping social » car une entreprise qui négocie vers le moins-disant social exercera une concurrence déloyale par rapport aux autres. La branche doit maintenir son rôle de régulation dans l’intérêt mutuel des salariés et des entreprises.

Quelles sont vos craintes ?

Pour l’ensemble de ces raisons, FOPharmacie nourrit de vives craintes pour le dialogue social car ces ordonnances n’apportent qu’une déréglementation sans effet sur l’emploi et néfaste en termes de stabilisation sociale du secteur.

5 ordonnances

Dévoilées par le gouvernement le 31 août 2017, elles sont relatives :

1. au renforcement de la négociation collective ;

2. à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise, et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales ;

3. à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail ;

4. au cadre de la négociation collective ;

5. au compte professionnel de prévention.