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Erreur dans le calcul du salaire, congés refusés… Comment faire valoir ses droits ?
Face à une erreur dans le calcul de votre salaire, une prime non versée ou des congés refusés, comment faire valoir vos droits ? Entre maîtrise des notions juridiques et utilisation judicieuse des ressources à votre disposition, découvrez comment défendre votre position sans nécessairement croiser le fer avec votre employeur.
C’est l’histoire de Nathalie, préparatrice dans l’Hérault (34), atteinte d’une maladie rare qui l’oblige à se mettre en arrêt maladie une à deux fois par an pour une durée de deux semaines à un mois. « Dans la même pharmacie depuis plus de vingt ans, je n’avais jamais vérifié mes bulletins de salaire, confie-t-elle. Jusqu’à ce qu’on m’arrête du 1er au 15 du mois… Je pensais toucher la moitié de mon salaire, puisque j’avais travaillé la moitié du mois, mais ça n’a pas été le cas. »
Elle décide alors d’approfondir le sujet et commence ses recherches. « J’ai repris mes anciens bulletins de salaire, interrogé des personnes travaillant dans la comptabilité pour m’assurer que je n’allais pas déranger mes employeurs pour rien. Forte de ces éléments, j’ai décidé d’en parler à mes patronnes et de réclamer les 1 200 € dus. C’est là que la situation est devenue ridicule ! Elles se sont renvoyé la balle pendant quatre mois, la comptable ne pouvant apporter une réponse adaptée, prétextant même ne pas avoir eu certains documents que je leur avais moi-même envoyés. J’ai été obligé d’envisager d’aller aux prud’hommes pour obtenir les sommes non versées ! »
Les réseaux sociaux regorgent de témoignages similaires. En s’installant, le pharmacien devient chef d’entreprise. Il doit alors diriger son officine pour qu’elle atteigne les objectifs fixés. Son rôle est celui d’un chef d’orchestre, à la fois directeur des achats, responsable marketing, gestionnaire, manager, juriste, directeur des ressources humaines, en plus de son activité pharmaceutique au comptoir. Or, être chef d’entreprise, cela ne s’improvise pas.
Nul n’est censé ignorer la loi
Comme tout citoyen, employeur et salarié doivent connaître et respecter la loi. Mais le maquis des règles applicables est difficile à pénétrer et à comprendre. Qu’il s’agisse des experts-comptables, des syndicalistes ou des avocats, tous sont d’accord sur ce point ! Les dispositions légales ou réglementaires touchant au droit du travail se trouvent principalement dans le Code du travail et la convention collective de la pharmacie d’officine. Mais il ne faut pas oublier l’application de certains textes internationaux et européens ou encore les décisions de justice qui composent la jurisprudence. Ainsi, la réponse à des questions en apparence simple peut être complexe du simple fait de l’empilement des textes.
Prenons un cas concret : à l’officine, un salarié en arrêt pour une maladie non professionnelle acquiert-il des congés payés ?
Jusqu’en septembre 2023, la réponse était non, sauf dans la limite de cinq jours pour le préparateur ou les salariés non-cadres, soit pendant les deux premiers mois d’arrêt maladie. C’est la convention collective, mieux-disante sur ce point que le Code du travail, qui s’appliquait. En effet, depuis de nombreuses années, les dispositions du Code du travail étaient en contradiction avec le droit européen, qui consacre au moins quatre semaines de congés payés au salarié. Après des décisions de jurisprudence plutôt favorables aux salariés, le 13 septembre 2023, la Cour de cassation pose le principe que le salarié acquiert des jours de congés payés pendant la durée totale de son arrêt maladie. La loi devient alors mieux-disante que la convention collective. Sauf que, cherchant à limiter les effets pratiques d’une telle décision, le Parlement est intervenu pour aménager ce principe. Voilà comment une question apparemment simple se transforme en véritable casse-tête juridique pour le salarié comme pour l’employeur.
« Il faut prendre conscience qu’en pharmacie, il n’y a pas de direction des ressources humaines. Beaucoup d’employeurs font une confiance, peut-être excessive, à leur expert-comptable qui n’est pas toujours au fait des particularités du droit à l’officine. Nous renseignons beaucoup d’experts-comptables sur les dispositions de la convention collective », explique Pierre Fernandez, directeur général de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). « Même si c’est difficilement entendable pour un salarié qui se sent floué, l’employeur a pu faire une erreur en toute bonne foi face à la complexité du droit », ajoute Daniel Burlet, chargé des affaires sociales à l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).
Avant tout, s’informer de façon fiable
Face à un problème de quelque nature qu’il soit, le réflexe de consulter Internet est désormais bien ancré ! Mais tout comme il est impossible de devenir un spécialiste du médicament après quelques heures de navigation sur le Web, il n’est pas facile de vérifier la légalité d’une situation en quelques dizaines de clics. « L’accès au droit est un véritable enjeu, tant les sources juridiques peu fiables ou inadaptées sont présentes en ligne », souligne Pierre Fernandez. Employeurs et salariés doivent donc s’assurer de la fiabilité des sources qu’ils consultent et ne pas hésiter à demander conseil.
« Face à des questions, le premier réflexe du salarié doit être de consulter la convention collective, qui doit être mise à disposition des salariés dans chaque pharmacie. C’est une disposition de la convention à laquelle je suis particulièrement attaché », insiste Daniel Burlet. La convention collective et le Code du travail sont aussi accessibles gratuitement sur Internet. Idem pour les décisions de jurisprudence de la Cour de cassation.
Par ailleurs, les syndicats de salariés disposent tous d’un service « informations juridiques » permettant de répondre précisément aux questions de leurs adhérents. « L’information juridique est l’activité numéro 1 des syndicalistes. C’est notre première utilité », affirment d’une même voix David Brousseau, représentant Force ouvrière (FO) et Christelle Degrelle, représentante Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC).
Surmonter l’appréhension de la confrontation
Face à un doute ou une fois la certitude acquise qu’une erreur a été commise, le salarié doit pouvoir échanger librement avec son employeur, en toute sérénité et sans crainte. Mais s’il est facile à énoncer, ce conseil n’est pas toujours facile à mettre en pratique. « Quand j’ai commencé à comprendre que nous n’avions pas à rattraper des heures perdues en raison des changements constants de planning, je ne savais pas comment aborder la question avec ma patronne », raconte Chloé, préparatrice à Lille (59). Quant à Patricia, préparatrice en Ille-et-Vilaine (35), elle se souvient avoir hésité à en parler à son titulaire lorsqu’elle a remarqué que les règles sur les congés payés n’étaient pas respectées, car elle avait « l’impression de remettre en cause son autorité ».
« Le bureau de l’employeur doit être une zone de confiance, un espace serein, ouvert et confidentiel dans lequel le salarié doit pouvoir venir poser une question dans le calme, rappelle Daniel Burlet (USPO). Mais, en pratique, alors que l’officine doit faire face à de plus en plus de missions dans un contexte tendu, ce n’est pas toujours le cas », regrette-t-il.
Par ailleurs, le Code du travail organise des temps d’entretien entre salarié et employeur. Tous les deux ans, l’entretien professionnel est un rendez-vous obligatoire pour envisager les perspectives d’évolution et les besoins de formation. Chaque année, l’employeur et le salarié peuvent se retrouver pour un entretien annuel d’évaluation. « Ces temps d’échange sont essentiels en matière de management, car ils permettent aux deux parties de parler dans un cadre privé et confidentiel », fait valoir Pierre Fernandez (FSPF).
Enfin, la majorité des syndicats de salariés peuvent accompagner et soutenir les préparateurs lors d’un échange avec leur employeur.
Agir avant que la situation ne s’envenime
« Il est important que chaque partie prenne conscience des trois sphères de la communication : le verbal, le paraverbal – par exemple le ton de la voix, l’ironie, l’humour – et le non verbal, c’est-à-dire la communication corporelle. Pour être perçu comme crédible par son interlocuteur, l’ensemble de ces trois sphères doivent être en phase », détaille Tatiana Brillant, ex-négociatrice au RAID (unité d’élite de la Police nationale spécialisée dans la gestion des situations de crise), devenue consultante. Ainsi, la posture des uns et des autres joue un rôle majeur. « Si le salarié n’est pas convaincu de la légitimité de sa demande, comment l’employeur peut-il le penser ? », observe David Brousseau (FO). De même, pour l’employeur « reconnaître que l’on ne sait pas, permet de dédramatiser et d’avancer vers la résolution de la situation », indique Pierre Fernandez (FSPF).
Si commettre une erreur est possible, ignorer une demande n’est pas acceptable de la part de l’employeur. « Se mettre la tête dans le sable n’a jamais rien donné de bon et peut même envenimer la situation », constate Daniel Burlet (USPO). Léo préparateur en Île-de-France en a fait l’amère expérience : « Face au silence des patrons, j’ai parlé de mes doutes à mes collègues. Mais j’ai déclenché une sorte de guerre entre nous cinq ! Quand finalement nous en avons parlé ensemble (préparateurs, adjoints et titulaires), nous étions tous braqués. C’était trop tard ! » En effet, comme le précise Tatiana Brillant : « Il y a conflit quand des sentiments s’ajoutent aux éléments factuels ». Une fois la discorde installée, pas facile de la désamorcer… Et « un climat tendu n’est bon pour personne », ajoute Olivier Delétoille, expert-comptable. Elle débouche souvent sur le départ d’un ou plusieurs salariés. « Or, comme le procès aux prud’hommes, le départ d’un salarié dans ce cadre s’analyse toujours comme un échec », estime Pierre Fernandez.
Les prud’hommes, en ultime recours
Lorsqu’employeur et salarié n’ont pas réussi à trouver une solution amiable, le seul recours est de saisir la juridiction spécialisée dans le contentieux du droit du travail : le conseil de prud’hommes. Cette juridiction est dite paritaire, car elle est composée de juges non professionnels, représentant les salariés et les employeurs, nommés par leurs syndicats respectifs. Dans certaines formations de jugement, un magistrat professionnel vient s’ajouter.
« Le procès devant le conseil de prud’hommes peut se dérouler en trois temps », explique Pascal Ighemat, conseiller du collège salarié pour FO au conseil prud’homal de Créteil. D’abord, une conciliation entre les parties est organisée. « L’employeur et le salarié sont entendus et nous aidons à trouver une solution négociée entre eux pour mettre fin au litige », explique Pascal Ighemat. « Si les parties ne se sont pas conciliées, ce qui arrive malheureusement dans la majorité des cas, l’affaire va devant le bureau de jugement. Lors de l’audience publique, chaque partie fera valoir ses arguments, puis l’affaire sera mise en délibéré. Nous allons en discuter entre nous. Si nous trouvons un accord, le président rédige la décision. Si les conseillers prud’homaux ne trouvent pas d’accord, alors l’affaire sera transmise à un bureau de départage dans lequel le magistrat professionnel siégera », développe-t-il. Après le dépôt de la demande, le greffe attribue le dossier à une section déterminée par le code NAF indiqué sur la fiche de paye. « Il faut aussi savoir que les conseillers qui traiteront l’affaire ne seront sans doute pas des spécialistes de la pharmacie, prévient le conseiller FO. Personnellement, je siège dans la section industrie : les affaires opposent des patrons et des salariés dans des secteurs aussi divers que la boulangerie, le BTP, l’aéronautique ou l’industrie pharmaceutique. »
Le Code du travail prévoit que la saisine du juge prud’homal est gratuite, c’est-à-dire qu’un avocat n’est pas nécessaire. « Cependant, il faut que le salarié soit bien entraîné pour ne pas être impressionné par le décorum ou par l’avocat de la partie adverse. Il doit pouvoir parler distinctement et expliquer ce qu’il réclame de façon simple. Ce n’est pas à la portée de tout le monde ! », conclut Pascal Ighemat.
Les syndicats de salariés proposent un accompagnement précieux tout au long de la procédure prud’homale. Ils peuvent aider à préparer les dossiers, conseiller sur les pièces à fournir et, dans certains cas, représenter leurs adhérents lors des audiences.
Constituer un dossier en cas de harcèlement ou de discrimination
La posture de l’employeur sachant, c’est l’attitude de l’employeur d’Amandine, préparatrice en Occitanie « Je me suis fait rebaptiser “Krasuckette”, du nom d’un ancien secrétaire général de la CGT, Henri Krasucki. On m’a même chanté l’Internationale ! Mais cela n’a rien changé à ma détermination. Quand je suis partie on m’a dit : “on va s’ennuyer sans vous” », se souvient-elle. De son côté, Marie, préparatrice dans le Var, confesse « avoir choisi de démissionner car les remarques étaient devenues trop difficiles à supporter ».
Mettre de côté ou stigmatiser un salarié peut être qualifié de harcèlement moral et sanctionné comme tel. L’article L.1152-1 du Code du travail définit le harcèlement comme « des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail d’un salarié susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou encore de compromettre son avenir professionnel ». Ces faits sont appréciés au cas par cas par le juge. En cas de harcèlement, il est essentiel de constituer un dossier avec des preuves tangibles (messages écrits, témoignages, etc.) pour étayer votre plainte.
Le salarié stigmatisé peut également agir sur le fondement de la discrimination, interdite par l’article L.1132-1. Comme pour le harcèlement, il s’agit d’un délit. Le salarié victime de discrimination a la possibilité de saisir le Défenseur des droits ou l’inspection du travail.
Check-list pour faire valoir ses droits
- Obtenir la bonne information : il est impératif de confirmer l’erreur d’un employeur en consultant les syndicats de salariés, le site Web Legifrance ou encore le site de la Cour de cassation, pour bénéficier d’une information fiable.
- Dialoguer en évitant les postures : l’erreur est humaine. L’employeur n’est pas nécessairement de mauvaise foi ; la mauvaise ambiance voire le conflit n’est profitable à personne.
- Faute de retour, saisir la justice ou l’inspection du travail.
L’inspection du travail : service de contrôle de l’application du Code du travail
Fondée en 1882, l’inspection du travail a pour but de faire respecter les dispositions du Code du travail et de la convention collective, mais aussi de renseigner les salariés et les employeurs sur leurs droits, ou encore de délivrer des autorisations à l’employeur.
Chaque salarié peut contacter la section à laquelle il est rattaché gratuitement (et sans en informer son employeur), en appelant la Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) de son département.
Ses agents de contrôle et ses inspecteurs du travail peuvent se déplacer dans les locaux de l’entreprise pour constater si la réglementation est bien respectée. Cette visite peut se faire sans raison particulière, sans avertissement et sans autorisation. Une fois le contrôle achevé, l’inspection du travail envoie à l’employeur un rapport de visite. Ce rapport peut contenir de simples observations, une mise en demeure de se conformer aux règles de droit, voire un procès-verbal listant les irrégularités relevées. Ce procès-verbal peut donner lieu à des poursuites pénales.
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