Le règlement européen des dispositifs médicaux

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Publié le 30 juin 2021
Par Christine Julien
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Compresses, béquilles, défibrillateurs ou implants du rachis, un nouveau règlement européen encadre tous les dispositifs médicaux. Appliqué depuis le 26 mai 2021, il prévoit des mesures transitoires jusqu’en 2025 et vise à plus de sécurité et de transparence.

Vie du dispositif médical

Un dispositif médical (DM) est un produit de santé contrôlé tout au long de son cycle de vie.

• Le préalable à la mise sur le marché d’un DM dans l’Union européenne est le marquage CE médical. Ce dernier traduit la conformité d’un dispositif médical aux exigences essentielles de sécurité et de bénéfice clinique fixées par la réglementation européenne. « Le marquage CE est le cadre réglementaire. C’est ce qui permet au fabricant d’apposer le logo CE », explique Cécile Vaugelade, directrice des affaires technico-réglementaires du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem).

Ces exigences sont identiques pour tous les DM, mais la façon de démontrer cette conformité aux exigences varie selon leur classe. Plus la classe de risque est élevée (voir encadré p. 69), plus les procédures sont contraignantes.

• Il y a deux façons d’obtenir le marquage CE.

→ Pour les DM de classe I, le fabricant doit vérifier que son produit répond aux exigences fixées par la réglementation avant de signer une déclaration de conformité. « À partir de ce moment, il peut apposer le logo CE et faire circuler librement son DM », précise l’experte.

→ Pour les autres classes, depuis les Is et Im jusqu’à la classe III, le fabricant doit choisir et faire intervenir un organisme notifié, qui, après évaluation, émet un certificat de conformité. Puis, le fabricant signe une déclaration de conformité, appose le logo CE et met son DM sur le marché européen.

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Réglementation

• Un règlement européen (2017/745) pour les DM est entré en application le 26 mai 2021. Des prérequis au marquage CE, en passant par les outils de traçabilité et de transparence, toutes les étapes clés de mise sur le marché et de suivi sont réglementées et renforcées.

• Les DM sont régis par des directives depuis les années 1990. « La 90/385 a été suivie de près par la 93/42, publiées en 1990 et 1993 et d’application en 1998. Ces directives ont été transposées dans le droit français ». En 2008, la Commission européenne a lancé une consultation pour faire évoluer la réglementation. Le nouveau règlement, entré en vigueur le 5 mai 2017, s’applique depuis le 26 mai 2021. À la différence des directives, il est d’application directe et identique pour tous les pays européens.

• Pourquoi passer de directives à un règlement ? Pour « s’adapter à la fois aux évolutions technologiques, aux connaissances, renforcer le niveau de démonstration et de sécurité, ainsi que la transparence et l’information », précise l’experte.

• Une période de grâce de trois ans a été accordée afin de permettre aux fabricants de mettre en conformité leur portefeuille de produits. « Tous les produits mis sur le marché selon les directives avant le 26 mai 2021 ont la possibilité de continuer à être certifiés au titre des directives, sous couvert que leur certificat soit valide car certains vont arriver à échéance entre 2021 et 2024 (un certificat est valide de un à cinq ans, NDLR) ». Attention, si le fabricant souhaite changer un composant ou la finalité d’un DM « sous directives », il devra suivre le nouveau règlement. Par contre, tous les produits dans le circuit de distribution au 26 mai 2021 continuent leur vie sous directives. Il y a une différence entre ce que le fabricant met sur le marché et ce qu’il y a dans le circuit de distribution.

→ Attention, il n’y a pas de période de grâce pour les obligations post-mise sur le marché, tels l’enregistrement des opérateurs économiques et des DM, la surveillance après commercialisation et la vigilance. Ces obligations s’appliquent depuis le 26 mai 2021 pour tous les DM, y compris les DM « directives ».

Ce qui change

Les DM déjà commercialisés devront être mis en conformité au titre du nouveau règlement.

• Sur la qualification de produit de santé. Ce règlement s’applique à des produits qui n’étaient pas couverts par les directives, comme ceux à visée non médicale tels que les implants mammaires à visée esthétique, les produits de comblement des rides, les lasers d’épilation… « Il était important de s’assurer de leur sécurité et de leurs performances ».

→ Les classifications évoluent à la hausse « en raison de nouvelles règles ou de règles explicitées ». Certains dispositifs en circuit fermé, comme les pancréas artificiels, sont automatiquement en classe III. Les implants de rachis et les prothèses articulaires passent de la classe IIb à la classe III…

→ Des exclusions sont explicitées. Les produits qui contiennent des substances ou des organismes biologiques comme les probiotiques ne sont pas des DM.

• Sur l’évaluation avant mise sur le marché. Les référentiels, les outils pour démontrer la conformité et l’évaluation clinique sont renforcés. Le stock lui-même doit être revu. « Les fabricants ont dû reprendre leur documentation technique afin de déterminer dans quel ordre ils allaient faire passer leur produit dans le cadre du nouveau règlement auprès des organismes notifiés ». Pour démontrer les performances cliniques d’un produit et la sécurité, les fabricants ont dû mettre en place de nouvelles études.

→ Pour les classes IIa et IIb, un certain nombre de documentations techniques sont évaluées au fond sur la base d’un échantillonnage, « là où, sous les directives, il s’agissait plutôt d’une évaluation partielle lors d’audits sur site ».

→ Pour les classes IIb implantables et III, l’organisme notifié doit faire intervenir un panel d’experts.

→ Ces organismes ont dû être renotifiés selon le nouveau règlement. Chacun est notamment habilité par son autorité compétente nationale (l’ANSM pour la France) et la Commission européenne. Le renforcement du cahier des charges quant à leur habilitation fait « qu’au 26 mai, on a 20 organismes notifiés et on en attend moins d’une dizaine de plus d’ici fin 2021, alors que ces dernières années, nous en avions entre 55 et 60, voire jusqu’à 80 ». Qui dit peu d’organismes, dit procédures encombrées.

• Sur la mise sur le marché et la chaîne de distribution. Le règlement précise les obligations des différents acteurs de la chaîne de distribution : fabricants, mandataires, importateurs, mais aussi distributeurs, dont font partie les pharmaciens. Autre nouveauté, l’obligation pour le fabricant ou le mandataire d’avoir une personne chargée de veiller au respect de la réglementation.

• Sur la transparence et la traçabilité.

→ Mise en place de l’identifiant unique du dispositif (IUD). C’est un code permettant d’identifier et de tracer un DM. Il est produit par le fabricant, qui l’appose sur le DM et l’enregistre dans la base de données réglementaires Eudamed. Cet IUD agrège des informations sur le produit. « L’IUD est composé de l’IUD-ID, qui est le modèle du dispositif, et de l’IUD-IP, qui est le contrôle de l’unité de production : numéro de lot ou de série, ou date de fabrication ou de péremption », explique Cécile Vaugelade. Cet identifiant garantit un partage continu des données entre les acteurs concernés tout au long du cycle de vie (fabricant, professionnel de santé ou patient). Le renforcement de la traçabilité rend la matério-vigilance plus efficace, en facilitant notamment le retrait rapide de DM défectueux.

Tous les DM « règlement » doivent avoir un IUD. En revanche, « l’apposition sur l’étiquetage ou sur le produit fait l’objet d’un calendrier progressif en fonction de la classe. Par exemple, le fabricant doit attribuer un IUD à tous les DM de classe I qu’il met sur le marché à partir du 26 mai 2021, mais il n’a pas l’obligation de mettre l’IUD sur l’étiquetage avant 2025 ».

→ La base de données européenne Eudamed va permettre une information partagée plus importante et centralisée entre les acteurs. Il y aura des données de sécurité, des infos de performances, de vigilance. Une partie sera ouverte au public. Pour les DM à haut risque, on y trouvera un résumé des performances techniques et cliniques. L’ouverture de la base sera effective fin 2022. Inutile de penser que ce sera l’équivalent du site medicaments.gouv.fr ! On n’y trouvera pas une description de chaque dispositif médical…

Quel impact à l’officine ?

Pendant la période de grâce, pour un même type de dispositif, on pourra avoir un DM d’un fabricant A marqué CE selon les directives et un DM d’un fabricant B marqué CE selon le règlement. Ils sont tous les deux valables, donc nul besoin de ne commander que des DM marqués CE règlement. « Dans les pharmacies, vous aurez des produits “directives” et des produits “règlement”. En 2025 – et non en 2024 car il faut prendre en compte le circuit de distribution –, il n’y aura plus que des produits “règlement” sur le marché », relève l’experte. L’officinal « doit vérifier que le DM qu’il délivre porte le marquage CE, que la déclaration de conformité a été établie, que le dispositif est accompagné des informations suffisantes pour l’utiliser et que le fabricant a attribué un IUD le cas échéant. Dans le cas de DM importés, il faut qu’il s’assure que l’importateur est un importateur déclaré ».

Info +

→ Un dispositif médical est un produit de santé au mode d’action spécifique(1). Il doit avoir à la fois une finalité médicale chez l’homme de diagnostic, prévention, contrôle, traitement ou atténuation d’une maladie ou d’un handicap, maîtrise de la conception…, et un mode d’action principal qui n’est pas obtenu par des moyens pharmacologiques, immunologiques ou par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens.

Classement des DM(1)

→ Classe I : classe de risque la plus faible, qui regroupe compresses, lunettes, thermomètres, lits médicaux, béquilles… La classe Is englobe les DM stériles (compresses stériles…), les Im, les appareils de mesure, et Irs, les appareils réutilisables.

→ Classe IIa : risque potentiel modéré ou mesuré, avec lentilles de contact, produits d’obturation dentaire, pansements modernes (hydrocellulaires…)…

→ Classe IIb : risque potentiel élevé ou important, avec pompes à perfusion, systèmes de radiothérapie, hémodialyseurs, préservatifs, produits de désinfection des lentilles…

→ Classe III : risque le plus élevé, avec implants mammaires, prothèses de hanche, stents, stimulateurs cardiaques, dispositifs intra-utérins (stérilets)…

(1) Source : Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem).

Avec l’aimable participation de Cécile Vaugelade, directrice des affaires technico-réglementaires du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem).