Plage horaire abandonnée, maxima et pot cassés

Réservé aux abonnés
Publié le 18 mai 2024
Par Anne-Charlotte Navarro
Mettre en favori

 

Pour la Cour de cassation, le non-respect des plages de repos obligatoires prévus par la convention collective donne obligatoirement droit à des dommages et intérêts pour les salariés.

 

Les faits

 

Le 10 juillet 2009, M. S. est engagé en qualité d’agent d’exploitation par une société de maître-chien. Le 7 septembre 2017, M. S. saisit les prud’hommes pour demander la résiliation de son contrat de travail aux torts de l’employeur et le paiement de diverses sommes, dont des dommages et intérêts pour non-respect des horaires de repos.

Le débat

 

Le Code du travail fixe la durée maximale d’une journée de travail, du repos hebdomadaire ou encore du temps de pause. Les conventions collectives négociées par les partenaires sociaux peuvent modifier ces durées dans un sens plus favorable au salarié. Dans ce cas, ce sont ces dernières qui s’appliquent. Pour sa part, M. S. est soumis à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité qui stipule qu’« un salarié doit bénéficier d’un temps de repos entre deux services d’au moins 12 heures ». Or, ses tableaux de présence démontrent qu’il n’a pas pris 12 heures de repos à plusieurs reprises. Il demande donc des dommages et intérêts en évoquant plusieurs jurisprudences de la Cour de cassation*, dans lesquelles les hauts magistrats avaient considéré que les dépassements de la durée maximale hebdomadaire de travail et de la durée maximale quotidienne prévue par le Code du travail causent nécessairement un préjudice au salarié lui permettant d’obtenir automatiquement réparation. En réponse, l’employeur de M. S. argue que la règle violée par les plannings était prévue par la convention collective. Selon lui, M. S. devait démontrer un préjudice pour obtenir un dédommagement.

 

Le 9 juin 2021, la cour d’appel de Paris rejette la demande du plaignant. Si elle conçoit que M. S. n’a pas bénéficié d’un repos de 12 heures entre deux services, et ce à plusieurs reprises courant 2014 et 2015, elle considère par ailleurs qu’aucun préjudice spécifique n’a été causé. M. S. forme un pourvoi en cassation.

La décision

 

Le 7 février 2024, la Cour de cassation casse et annule cette décision. Les hauts magistrats rappellent que le Code du travail impose à « l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment par la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés ». Ils ajoutent que les durées maximales du travail, fixées tant par la loi que par la convention collective, participent à cet objectif par la prise d’un repos suffisant et le respect effectif de ces limitations, concrétisé par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail. A ce titre, le seul constat du non-respect d’une de ces règles cause un préjudice indemnisable au salarié. Ainsi, le simple fait qu’un planning ne garantisse pas les repos et durées du travail suffit à obtenir réparation. Même si le collaborateur a été payé en heure supplémentaire ! De plus, à l’officine, si une erreur de délivrance est commise, l’assureur peut refuser l’indemnisation de la victime lorsque le planning du salarié au comptoir ne respecte pas les règles et l’Urssaf peut poursuivre le titulaire pour travail dissimulé.

Publicité
     

À retenir

Le planning d’un salarié doit respecter les durées maximales du travail et des périodes de repos prévues tant par la convention collective que par la loi.

A défaut, le salarié peut obtenir des dommages et intérêts sur la présentation de ces plannings constatant la violation des règles.

Même si le salarié n’a pas démontré de préjudice spécifique, l’octroi d’une indemnisation calculée librement par le juge est automatique.

  • * Cass. soc., 26 juin 2022, n° 20-21.636 et Cass. soc., 11 mai 2023, n° 21-22.28.