MODIFIER LES HORAIRES DU PERSONNEL

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Publié le 16 avril 2011
Par Fabienne Rizos-Vignal
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Pour faire face à un pic d’activité, vous voulez imposer à une préparatrice quelques heures de présence en plus dans l’officine. En avez-vous le droit ? Si oui, comment procéder ? Les règles indispensables à connaître avant de modifier le planning.

La modification des horaires de travail est une question sensible en pharmacie. D’un côté, les titulaires fonctionnent avec des équipes à flux tendu, mais doivent pouvoir absorber des pics imprévus d’activité ou remplacer au pied levé un salarié absent. De l’autre, les salariés doivent faire face à des contraintes personnelles et familiales. Idéalement, la concertation entre employeur et salarié permet de trouver le bon tempo. Mais ce n’est pas toujours le cas et l’employeur peut vouloir imposer une modification des horaires. Il peut agir sur quatre leviers.

1 Un changement de la durée du travail

La durée du travail correspond au temps de travail hebdomadaire. C’est un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être modifié qu’avec l’accord du salarié. Ainsi, la décision de transformer un poste à temps plein en temps partiel, et inversement, ne peut être imposée (Cass. soc., 2 mai 2000, n° 97-45.355). En revanche, le changement provisoire de la durée du travail caractérise un simple changement des conditions de travail. C’est donc une prérogative de l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction. Par exemple, lorsque le titulaire demande à un salarié à temps plein d’exécuter des heures supplémentaires, celui-ci ne peut pas, en principe, refuser sans commettre une faute pouvant justifier son licenciement (Cass. soc., 26 novembre 2003, n° 01-43140). En cas d’affluence au comptoir en fin de journée, vous pouvez donc demander à votre adjoint à temps plein de rester jusqu’à 19 h, au lieu de partir comme d’habitude à 18 h 30, sans craindre de franchir la ligne blanche. Si le salarié est à temps partiel, l’employeur peut exiger l’accomplissement d’heures complémentaires, à condition que leur recours soit prévu dans le contrat, que leur nombre ne dépasse pas 10 % de l’horaire contractuel et que le salarié soit prévenu au moins trois jours à l’avance.

2 Une répartition des horaires

La répartition hebdomadaire des horaires correspond au temps de travail effectué selon les jours de la semaine. Par exemple, le lundi le salarié doit travailler huit heures, le mardi cinq heures, etc. L’employeur est libre de réaménager cette répartition. Ainsi, il peut demander au salarié de venir travailler le samedi car, selon la jurisprudence, « à défaut d’une clause contractuelle expresse excluant le travail le samedi, l’employeur, en demandant au salarié de travailler ce jour ouvrable, fait usage de son pouvoir de direction » (Cass. soc., 27 juin 2001, n° 99-42.462). A condition de ne pas franchir certaines limites. Ainsi, lorsque la modification entraîne un bouleversement important pour le salarié, son accord est requis. Pour distinguer ce qui relève de son pouvoir de direction ou au contraire d’un bouleversement, l’employeur doit tenir compte des éléments qui ont été déterminants lors de la signature du contrat, et éventuellement de la situation personnelle du salarié. Les juges ont ainsi estimé que le licenciement d’une femme qui refusait de travailler le mercredi était dénué de cause réelle et sérieuse. Selon eux, l’employeur cherchait à lui nuire en ne lui accordant qu’un mercredi sur deux, alors qu’elle était divorcée et élevait seule ses enfants (Cass. soc., 12 mars 2002, n° 99-46.034).

3 Un changement des horaires

Ils correspondent aux heures de début et de fin de travail de chaque journée. Par exemple, le lundi, le salarié doit être présent de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h… Leur changement relève en principe du pouvoir de direction de l’employeur. L’accord du salarié n’est donc pas nécessaire. Dans ce sens, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel « le changement d’horaires consistant dans une nouvelle répartition au sein de la journée constitue un simple changement des conditions de travail » (Cass. soc., 9 avril 2002, n° 99-45.155). Un salarié ne peut donc pas refuser de travailler de 10 h à 13 h, au lieu de 9 h à 12 h. Sauf si les horaires figurent dans son contrat. Dans ce cas, l’employeur devra obtenir l’accord du salarié pour toute modification, aussi minime soit-elle. Il est donc important que l’employeur ne s’enchaîne pas à un contrat trop détaillé, ou alors qu’il se contente de mentionner les horaires à titre informatif.

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Attention : la modification des horaires ne doit pas remettre en cause le repos hebdomadaire fixé par la Convention collective à un jour et demi consécutif au minimum, dont une demi-journée accolée au dimanche. Travailler le samedi après-midi et le lundi matin est donc impossible.

4 Une modification du temps partiel

Les contrats à temps partiel font l’objet d’une réglementation particulière. Si l’employeur souhaite modifier la répartition de leurs horaires, il est nécessaire que cette possibilité soit mentionnée et détaillée dans le contrat. Selon l’article L. 3123-14 du Code du travail, le contrat à temps partiel « définit les cas dans lesquels une modification éventuelle de la répartition de l’horaire de travail peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ». Les tribunaux désapprouvent la formule « en fonction des nécessités du service », jugée trop vague. De plus, l’employeur devra respecter un délai de prévenance de sept jours, décomptés en jours ouvrés. Si ce délai n’est pas respecté, le salarié peut s’opposer au changement d’horaires demandé par son employeur sans craindre de sanction (Cass. soc., 4 avril 2006, n° 04-42672). Son refus est également légitime en cas de modification des horaires si cette modification est incompatible avec des obligations familiales impérieuses, le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur, une période d’activité fixée chez un autre employeur ou une activité professionnelle non salariée.

AVIS D’EXPERT

Lionel Jacqueminet AVOCAT

« Selon la jurisprudence, le changement des horaires de travail relève en principe du pouvoir de direction de l’employeur. Toutefois, la Convention collective nationale de la pharmacie d’officine (article 18 des dispositions générales) impose que la durée du travail et sa répartition hebdomadaire figurent dans le contrat lors de la prise de fonctions du salarié. Une lecture restrictive de cette obligation priverait donc l’employeur de toute modification de la répartition des horaires. Car tout ce qui est expressément contractuel devient un élément essentiel qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié. Afin de ménager l’avenir et de conserver une souplesse horaire, le titulaire a donc intérêt à ajouter une mention supplémentaire, indiquant que “cette répartition pourra faire l’objet d’une modification qui sera notifiée par écrit au salarié”. Cette précaution permettra au titulaire de ne pas s’enfermer dans un carcan contractuel trop rigide et de ne pas soustraire la répartition des horaires à son pouvoir de direction. »

Attention à la rigidité des contrats

Si les horaires sont mentionnés dans le contrat de travail, le salarié est en droit de refuser toute modification. Une clause d’horaires fixes peut ainsi stipuler : « Les parties ont convenu que Madame X. exécutera ses fonctions uniquement selon l’horaire suivant du lundi au vendredi de 9 h à 12 h et de 14 h à 17 h. » Le contrat peut également expressément exclure le travail un jour de la semaine, par exemple le mercredi.

Si de telles clauses garantissent au salarié une stabilité de ses horaires, elles privent l’employeur de toute flexibilité puisqu’il ne pourra rien modifier sans l’accord du salarié.