Par deux arrêts en date des 14 octobre et 24 novembre 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation affirme le principe selon lequel les heures supplémentaires rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié doivent être rémunérées, que le salarié soit cadre ou non et que l’employeur se soit opposé à leur réalisation ou non.
LES FAITS
Dans les deux décisions, Messieurs X. et Y. salariés respectivement des sociétés B. et S. ont pris acte de la rupture de leur contrat de travail pour non-paiement des heures supplémentaires réalisées. Afin que cette prise d’acte soit considérée comme un licenciement, ils saisissent les prud’hommes.
LE DÉBAT
Monsieur X., salarié cadre, estimait que son employeur devait lui payer des heures supplémentaires. La société B. refusait le paiement de ces heures en invoquant que son statut de cadre autonome, sans système de pointage, impliquait nécessairement la réalisation d’heures supplémentaires. La cour d’appel de Limoges (Haute-Vienne), le 2 mai 2017, donne raison à l’employeur. Monsieur X. saisit la Cour de cassation.
Dans la seconde affaire, la société S. de Monsieur Y. refusait le paiement des heures supplémentaires au motif qu’elle s’était opposée par écrit, à plusieurs reprises, à leur réalisation. En effet, il était de jurisprudence constante que le salarié ne pouvait pas, de sa propre initiative, effectuer des heures supplémentaires et en réclamer ensuite le paiement. Les magistrats considéraient que les heures supplémentaires devaient être effectuées à la demande implicite ou explicite de l’employeur. En l’espèce, l’employeur de Monsieur Y. fournissait des lettres et des mails dans lesquels il rappelait au salarié ses horaires de travail. La cour d’appel de Paris, le 2 juin 2017, considère que l’employeur a apporté la preuve de son opposition à la réalisation d’heures supplémentaires. Les magistrats appliquent la jurisprudence alors en vigueur en considérant qu’elles ne doivent pas être rémunérées. Monsieur Y. saisit la Cour de cassation.
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LA DÉCISION
Dans la décision du 14 octobre 2018, les magistrats affirment que l’article L. 3121-27 du Code du travail fixant la durée hebdomadaire du travail à 35 heures s’applique indifféremment aux salariés cadres et aux non-cadres. Ils rappellent que la qualité de cadre et l’existence d’une liberté d’organisation dans le travail ne suffisent pas à exclure un salarié du droit au paiement d’heures supplémentaires. Ainsi, à l’officine, le pharmacien adjoint réalisant des heures au-delà de 35 heures, doit être payé. Dans la seconde décision, pour la première fois, les magistrats décident que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies s’il est établi que «la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées». Par cette décision, la Cour de cassation abandonne son ancienne position qui faisait référence à la nature ou à la quantité de travail imposant la réalisation d’heures supplémentaires. Dès lors, le temps de travail passé par le pharmacien ou le préparateur à faire la caisse, à ranger la surface de vente, à mettre sa blouse après son temps de travail au comptoir doit être rémunéré comme des heures supplémentaires, hormis si ces tâches sont intégrées dans les 35 heures hebdomadaires du salarié.
Cass. Soc. 24 octobre 2018 n° 17-20691 Cass. Soc. 14 novembre 2018 n° 17-20659 et n° 17-16959
•Le salarié cadre est lui aussi soumis au temps de travail hebdomadaire de 35 heures. Sa condition ne fait pas obstacle au paiement des heures supplémentaires.
•Les heures supplémentaires doivent être rémunérées si elles sont rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.
•L’employeur ne peut pas s’opposer à leur réalisation si elles sont nécessaires au regard des tâches confiées au salarié.