A qui profite l’intérim ?

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Publié le 18 novembre 2023
Par Anne-Charlotte Navarro
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Le Code du travail fixe des durées maximales de travail que le salarié ne doit pas dépasser. Mais dans le cas d’un contrat d’intérim, qui doit s’assurer du respect de ces heures ? 

Les faits

 

Entre janvier 2002 et décembre 2015, M. F., ouvrier qualifié, a été mis à disposition de la société E par plusieurs entreprises de travail temporaire. Le 11 mars 2016, M. F. reproche à la société E de lui avoir fait dépasser les durées maximales de travail à plusieurs reprises. Il saisit donc la juridiction prud’homale d’une demande en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution de son contrat.

Le débat

 

Le temps d’activité professionnelle du salarié est encadré par le Code du travail. Les articles L.3121-18 et L.3121-22 du Code fixent les durées quotidiennes et hebdomadaires maximales autorisées. Ainsi, son temps de travail hebdomadaire ne doit pas excéder 48 heures par semaine et 44 heures sur une période de 12 semaines consécutives*.  Au quotidien, cette durée est limitée à 10 heures. En cas de dépassement, l’employeur s’expose à des poursuites pénales et au paiement d’une amende administrative pouvant aller jusqu’à 4 000 € par salarié. Le ou les salariés concernés peuvent également réclamer des dommages-intérêts. C’est précisément le sens de l’action de M. F. Il produit aux juges des attestations de collègues démontrant, selon lui, les heures qu’il a effectuées, ainsi que ses bulletins de paie mettant en évidence les nombreuses heures supplémentaires payées.

 

Le 23 octobre 2020, la cour d’appel de Douai (Nord) rejette les arguments de M. F., tout en évitant de déterminer qui de la société utilisatrice ou de l’entreprise d’intérim doit s’assurer du respect des durées maximales de travail. Les magistrats de la cour d’appel estiment que les éléments apportés par le salarié ne permettent pas de démontrer un dépassement des durées maximales de travail. M. F. forme un pourvoi. Lui estime que la preuve du respect des seuils prévus par la loi incombe à son employeur, non pas la société d’intérim mais la société E.

La décision

 

Le 25 octobre 2023, la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel de Douai. Les magistrats rappellent l’article L.1251-21 du Code du travail. Ce texte dispose que pendant toute la durée de la mission d’intérim, le respect des conditions d’exécution du travail revient à l’entreprise utilisatrice. Précédemment, les hauts magistrats avaient décidé que l’entreprise accueillant l’intérimaire était responsable de la bonne mise en œuvre des règles de sécurité au travail. Ainsi, c’est à la société E de démontrer que l’emploi du temps de M. F. ne portait pas atteinte aux durées maximales du travail. Cette décision est particulièrement intéressante pour l’officine, puisque la pénurie de salarié oblige les employeurs à recourir à l’intérim. Ainsi, il revient au titulaire de l’officine de s’assurer du respect de ces seuils. En cas de violation, c’est vers lui que le salarié se retournera pour obtenir des dommages-intérêts.

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À retenir

Le Code du travail et la convention collective de l’officine fixent les durées maximales de travail.

Le non-respect de ces seuils est sanctionné par des poursuites pénales, une amende administrative et l’octroi de dommages-intérêts pour le salarié.

Dans le cas de l’intérim, il revient à l’employeur utilisateur de démontrer qu’il a respecté ces seuils. L’agence d’intérim n’est pas débitrice de cette obligation.

  • * A l’officine, l’article 13 de la convention collective fixe cette durée à 46 heures au cours d’une même semaine et à 44 heures en moyenne sur une période quelconque de 12 semaines consécutives.
  • Source : Cass. soc., 25 octobre 2023, n° 21-21946.