Viser un bonus nécessite un plan

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Publié le 27 octobre 2021
Par Christine Julien
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Demander une prime. Une solide préparation, des arguments factuels, une requête séquencée, un mode interrogatif et de l’empathie sont les clés pour tenter d’obtenir plus de sous ponctuellement.

S’interroger d’abord

La prime, exceptionnelle ou récurrente, est souvent rattachée à une notion de performance et de qualité. Elle se détache du salaire qui, lui, rétribue des tâches et des missions à accomplir.

→ Plus ou mieux. La prime récompense une nouvelle mission, comme tester ou vacciner contre la Covid, ou une mission habituelle accomplie qualitativement.

→ Regarder son contrat. Faire des heures supplémentaires, remplacer ses collègues au pied levé… ne sont pas des arguments si votre contrat de travail le stipule.

→ Une requête individuelle. Les personnes habilitées à parler au nom des collègues sont les représentants du personnel. Votre demande de prime n’engage que vous. Si vos collègues en méritent une, qu’ils la réclament de leur côté !

→ Une démarche assumée. En France, demander de l’argent à son employeur est un sujet délicat mais qui fait partie du contrat de travail. Dites-vous : « Je travaille dans l’officine, et la rémunération fait partie de nos relations. »

Bien se préparer

Si vous souhaitez solliciter le titulaire pour une prime, vous avez intérêt à bien vous préparer. Posez-vous devant une feuille blanche quelques jours avant.

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Établir une stratégie

Élaborez un plan en deux temps. D’abord, il s’agira de faire connaître votre position au titulaire et de lui démontrer que vous méritez une prime, et ensuite lui laisser le temps d’y réfléchir en demandant un deuxième entretien pour connaître sa position définitive.

Votre fil conducteur est le « DESC » : Décrire les faits, Exprimer son point de vue, et ensuite réfléchir en termes de Solution, comment pourrait-on avancer, comment peut-on imaginer cette prime, sous quelle façon, et Conclure positivement.

Être sûr de soi

Sincérité et conviction sont primordiales. Demandez-vous une prime parce que tout le monde le fait ou en êtes-vous convaincu ? Mieux vaut l’être car le corps ne ment pas…

Renseigner des faits

Listez de façon factuelle les missions que vous avez menées en plus ou exécutées qualitativement.

→ Recueillir des exemples précis et mesurables. « J’ai fait trente tests par jour en plus du travail habituel », « En para, j’ai vendu X boîtes de plus par semaine », « J’ai vacciné X personnes », « J’ai fait les pré-entretiens pour les bilans de médication »

→ Bannir les opinions. « Je trouve que je travaille bien/que je travaille mieux que les autres » sont des opinions, non des faits, et donc facilement opposables…

Anticiper le non

Rare est le patron qui dira « Une prime ? C’est une idée géniale ! » Préparez-vous au fait qu’il y a une forte chance que le titulaire vous dise : « Ce n’est pas possible. »

Se fixer un montant acceptable

Donnez-vous un objectif quantitatif pour anticiper la question : « Vous désirez une prime, très bien, mais de combien ? » Connaissance de l’officine, montant de votre salaire fixe, regardez ce qui se fait ailleurs. Si vous connaissez les contours de la prime « Macron » (voir encadré), vous pouvez vous en servir : « Selon les informations dont je dispose, la prime Macron fonctionne de telle manière. Elle est donc un moyen avantageux de rémunérer exceptionnellement ses salariés. » Ne dites pas « Ça ne vous coûtera rien » car la prime est de l’argent en moins pour lui, mais plutôt : « Elle offre des avantages fiscaux très intéressants. »

Se préparer à ses objections

→ « Vous êtes là pour me seconder. On a fait face à la Covid et ça fait partie du métier. » Dites : « Ça fait partie du métier, sauf que, contractuellement, c’est quelque chose qui est venu en plus de ce qui est prévu au départ. Donc, comment peut-on faire ? Comptez-vous me rétribuer là-dessus ? » Ajoutez : « Tout démontre que je suis allé au-delà de ma mission. En conséquence, j’attends un retour. »

→ « Si je vous en donne une, il faut que j’en donne aussi à vos collègues. » C’est une tentative pour noyer votre sujet personnel dans un sujet collectif. Gardez les deux isolés et répondez : « Cela vous appartient. Maintenant, ça ne remet pas en cause le travail que j’ai accompli personnellement. Encore une fois, je ne viens pas parler au nom de mes collègues et je ne suis pas là pour dire s’ils méritent ou non une prime. » Ajoutez : « Si vous m’en octroyez une et pas aux autres, cela ne retire pas la qualité de travail que j’ai réalisé. »

→ « Je n’ai pas les moyens financiers de vous la donner. » Rappelez les faits : « On a fait X tests achetés Y euros et payés Z euros par l’État. Ils ont généré du bénéfice. Ce chiffre additionnel est venu renforcer les résultats de l’officine. »

→ « On verra l’année prochaine ». Demandez : « Quand l’année prochaine ? » Et questionner : « Pourquoi l’année prochaine ? Qu’est-ce qu’il y aura de différent en 2022 ? » Creusez : « De toute façon, comment fait-on pour ma demande de prime cette année ? »

Organiser la demande

La deuxième étape consiste à choisir le lieu, le moment et l’interlocuteur.

→ Qui solliciter ? Lorsqu’il y a plusieurs titulaires ou que le titulaire travaille avec son conjoint, demander à votre référent habituel qui sera votre interlocuteur : « Je souhaite parler de ma rémunération. Avec qui dois-je le faire ? »

→ Planifier un rendez-vous en face à face. L’entretien annuel est le bon moment pour en discuter. S’il est passé ou inexistant, sollicitez et planifiez un rendez-vous en tête à tête de quinze minutes afin que la personne soit à votre écoute. Un minimum de confidentialité assure que le sujet sera abordé librement.

→ Éviter la sollicitation immédiate entre deux portes. Il peut très bien dire : « Écoutez, je vais réfléchir, je n’ai pas trop la tête à ça, ce n’est pas le moment. » Réclamer une prime et une réponse immédiate fait entrer dans un rapport de force.

→ Séquencer votre approche. Après avoir exposé vos arguments, demandez un deuxième entretien. Il faut laisser le temps au titulaire de réfléchir à vos arguments, à son désir de vous garder, à ce que cela implique pour lui de vous donner une prime et d’avoir une position définitive…

→ Un mois entre les deux rendez-vous. Prévoir un mois maximum entre les deux entretiens. « Quand peut-on se revoir ? » S’il dit « En novembre », répondez : « Bon, alors on peut poser par principe le 10 novembre ? D’accord ? » S’il vous donne une date lointaine, dites : « Pourquoi aussi tard ? Qu’est-ce que ça va changer ? » Lui : « Il faut que je réfléchisse. » Attention, c’est souvent un prétexte. Vous : « En quoi je peux vous aider à réfléchir ? »

→ Faire préciser l’intention. Privilégiez le questionnement pour bien comprendre son intention. A-t-il besoin de réfléchir ou, au contraire, essaie-t-il de fuir ? Lui : « Je ne suis pas seul à décider. » Vous : « Ah, d’accord. Si vous étiez seul, que feriez-vous ? »

→ Parler de la discrétion. S’il vous demande de ne pas en parler à vos collègues, répondez : « Je comprends mais je ne suis pas là pour en faire la publicité ou créer du désordre » ou « Je ne m’engage pas à ne pas en parler parce que j’ai la confiance de mes collègues et que nous partageons beaucoup de sujets et celui-ci n’est pas tabou. » Après tout, il en va de sa responsabilité de titulaire de gérer cette question.

Adopter le bon ton

« L’empathie attitude »

→ La relation entre un dirigeant et un salarié doit être fondée sur le dialogue et l’empathie. Vous avez ainsi plus de chances d’obtenir gain de cause. Avez-vous les moyens d’entrer dans un rapport de force ?…

→ Ni menace, ni agression. Il existe une hiérarchie et vous êtes là pour faire valoir votre point de vue et exprimer ce qui vous semble être de la valeur créée. En aucun cas, vous ne devez menacer ou mettre sous contrainte votre interlocuteur, voire exercer une forme de chantage.

Bien parler

→ Privilégier le mode interrogatif, qui démontre une volonté de coopérer : « Qu’est-ce qui nous permettrait de trouver un accord ? », « Qu’est-ce qui me permettrait de bénéficier d’une gratification au regard de mon exercice dans l’officine ? »

→ Proscrire le mode impératif, les « Il faut », « Il ne faut pas », « Sachez que » : « Vous devriez savoir que c’est obligatoire », « Sachez que d’autres le font »… Pas de « vous » accusateur : « Vous n’avez pas tenu parole. » Au « Je vous laisse le temps de réfléchir », un peu agressif, préférez « Quand peut-on en reparler ? », qui lui laisse la main.

Quand c’est non

Chacun prend ses responsabilités. Vous êtes déçu mais globalement votre travail vous plaît, vous êtes bien dans cette pharmacie et ce n’est pas dramatique.

→ Verbaliser votre déception. Utilisez le « Je » sans accuser : « Je vous avoue que je suis déçu », « Je suis triste d’avoir un refus par rapport à tout ce que j’ai amené. »

→ Choisir une stratégie. Si le non est inacceptable à vos yeux, à vous de voir… Peut-être faut-il envisager de partir pour éviter les rapports de force ?

→ Être fier de soi. Vous avez eu le courage de demander cette prime et de faire valoir vos intérêts, bravo !

Avec l’aimable collaboration de Philippe Gasparac, fondateur de PG Consulting, Executive Coaching et Formation en entreprise.

La prime Macron

• La prime pour le pouvoir d’achat (PPA), dite prime Macron, a été pérennisée par la première loi de finances rectificative pour 2021. Elle permet de récompenser un salarié sans payer de charges sociales, ni que celui-ci ne paye d’impôt sur le revenu à ces conditions :

→ le montant de la prime est de 2 000 € maximum pour les entreprises de moins de 50 salariés ;

→ elle doit être versée à tous les salariés dont la rémunération n’excède pas trois fois le montant du Smic brut, soit 4 768,41 € mensuels ;

→ la prime doit apparaître sur le bulletin de salaire dans une ligne dédiée ;

→ elle doit être perçue entre le 1er juin 2021 et le 31 mars 2022. La loi n’exige pas que le montant soit le même pour tous.

Anne-Charlotte Navarro