Gagnants et perdants de la réforme du chômage

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Publié le 28 septembre 2019 | modifié le 8 septembre 2025
Par Anne-Charlotte Navarro
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A la suite de l’échec des négociations paritaires, le gouvernement a repris la main sur le dossier de la réforme de l’assurance chômage. Dans le courant de l’été, 2 décrets entérinant le nouveau régime ont été publiés au Journal officiel . Ils entreront en vigueur le 1 er novembre . Le point sur la nouvelle législation.

Le 1er novembre, la nouvelle réglementation sur l’assurance chômage s’appliquera. Ouverture de droits aux démissionnaires et aux indépendants, nouveau calcul d’indemnisation, dégressivité du montant de l’allocation… Certains syndicats y voient une refonte du régime. Officiellement, dans son discours, le Premier ministre Edouard Philippe a souhaité « limiter la précarité du marché du travail, faire que l’inactivité ne paye pas mieux que le travail et éviter l’allongement de la durée d’indemnisation ». Les syndicats dénoncent, eux, un objectif chiffré de 3,4 milliards d’euros d’économies d’ici à fin 2021, réalisées sur le dos des chômeurs. Selon les derniers chiffres officiels consolidés, sur les 6,3 millions de chômeurs inscrits à Pôle emploi en juin 2018 (Unédic, 2019), seuls 2,6 millions touchent une indemnisation. Chez les pharmaciens, 12 % des adjoints sont concernés par le chômage selon l’Observatoire des métiers des professions libérales.

L’accès à l’indemnisation ouvert aux pharmaciens titulaires…

Promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron, la réforme de l’assurance chômage permet l’indemnisation des indépendants, notamment des pharmaciens titulaires non salariés de leur société. Un titulaire exerçant sous ce statut pourra bénéficier d’une allocation dite allocation de travailleur indépendant (ATI), à 3 conditions : la pharmacie doit être liquidée par le tribunal et avoir généré au moins 10 000 euros par an de revenu, lequel sera apprécié au regard de la déclaration annuelle de revenu du titulaire. Enfin, il doit avoir exercé cette activité pendant au moins 2 ans consécutifs. Il percevra alors 800 euros par mois pendant 6 mois. Les titulaires souhaitant mettre un terme à leur activité pour des raisons personnelles ou financières (éviter la liquidation judiciaire) ne percevront pas cette indemnité. « Lorsqu’un pharmacien se lance dans un projet d’entreprise, il accepte un risque. Les indépendants ne répondent pas à la même logique qu’un salarié qui subit une situation de chômage », souligne Olivier Clarhaut, secrétaire fédéral de la branche officine pour Force ouvrière. Chez les employeurs, certains se félicitent de cette possibilité : « Pour l’instant, nous n’avons que peu d’information, mais il s’agit d’un filet de sécurité   », note un syndicaliste de la branche.

Autre nouveauté, cette fois du côté des salariés, les conditions de démission ouvrant droit à l’aide au retour à l’emploi, ou ARE, (aide pour les salariés involontairement privés d’emploi : licenciement, rupture conventionnelle, etc.) sont élargies. A compter du 1er novembre, le salarié démissionnaire présent depuis au moins 5 ans dans l’entreprise et justifiant d’un projet de reconversion professionnelle ou d’un projet de reprise ou de création d’entreprise pourra bénéficier de l’ARE. En pratique, le salarié demandera, avant sa démission, un conseil en évolution professionnelle pour établir son projet. L’indemnisation ne sera ensuite possible qu’après validation du projet par la commission paritaire interprofessionnelle régionale qui jugera, entre autres, de la cohérence du projet de reconversion. Condition sine qua non pour se voir inscrit chez Pôle emploi et verser l’ARE, le salarié devra justifier des démarches qu’il accomplit pour mettre en œuvre son projet. Ce droit sera renouvelé tous les 5 ans et limité à 8 fois dans une carrière professionnelle. Pas de précipitation cependant : le conseil en évolution professionnelle, premier pas du processus, ne sera déployé sur l’ensemble du territoire qu’au 1er janvier 2020.

… Mais durcissement des règles d’indemnisation

Si l’accès à l’assurance chômage est ouvert à des profils jusqu’à présent exclus, la durée d’affiliation nécessaire pour prétendre à une indemnisation est allongée. Actuellement, le salarié doit avoir travaillé 88 jours ou 610 heures sur les 28 derniers mois. A compter du 1er novembre, cette durée passera à 130 jours ou 910 heures sur les 24 derniers mois, soit 6 mois contre 4 avec le système actuel. En clair, le salarié devra travailler plus dans un laps de temps plus court. De même, alors qu’actuellement le rechargement des droits s’effectue à partir de 1 mois (150 heures) de travail, à compter du 1er novembre, il s’effectuera à partir de 6 mois (910 heures) de travail. Ce mécanisme permet à un salarié travaillant pendant sa période de chômage indemnisée de reporter d’autant la fin de sa période d’indemnisation. Plus tard, à compter du 1er avril 2020, c’est la règle de calcul de l’ARE qui sera modifiée. L’allocation sera déterminée sur l’ensemble des jours de la période d’affiliation, qu’ils soient travaillés ou chômés, et non plus sur le seul nombre de jours travaillés. Exit l’ancienne formule qui favorisait les salariés alternant contrats courts et périodes d’inactivité, le gouvernement souhaite appliquer la formule « à travail égal, salaire égal ». L’indemnité représentera, comme actuellement, au minimum 65 % et au maximum 96 % du salaire net mensuel moyen et le nouveau texte offre un avantage : pour faciliter la réponse aux offres d’emploi, Pôle emploi prendra en charge financièrement une garde d’enfant ou versera une aide à la mobilité. Pour l’heure, les contours de ces financements ne sont pas définis. Ils seront de la compétence des régions ou des départements.

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Plus de 1 million de chômeurs perdants ?

Outre ces seuils et ces plafonds, le texte reprend la mesure phare du gouvernement : la dégressivité des indemnités pour les hauts salaires. Ainsi, un salarié percevant au moins 4 500 euros brut par mois verra son allocation réduite de 30 % à compter de son septième mois de chômage, jusqu’à un plancher de 2 261 euros net d’allocation. Cette situation peut concerner un pharmacien payé au coefficient 800 ou à un coefficient inférieur avec une ancienneté importante dans l’entreprise et/ou réalisant des gardes ou des heures supplémentaires. La mesure ne touchera pas les salariés âgés de 57 ans ou plus.

Pour l’heure, donc, difficile de mesurer les impacts de la réforme tant au niveau national qu’au niveau de la branche. Alors que l’Unédic prévoit qu’entre 1,2 million et 1,4 million de chômeurs seront perdants, Murielle Pénicaud, ministre du Travail, les évalue entre 600 000 et700 000. « Les chiffres de l’Unédic ne tiennent pas compte des changements de comportements qui seront induits par la réforme », soutient la ministre du Travail dans un communiqué. Le fait est que la dette de l’Unédic s’élève pour l’heure à 37 milliards d’euros et que la réforme pourrait lui faire réaliser près de 10 % d’économie d’ici 2021. « S’il est toujours positif de garantir plus de risque, même s’il relève d’une philosophie différente, il faut se méfier. Il ne faudrait pas que dans 1 ou 2 ans, on nous explique que la situation est telle que la seule solution est le recours à l’assurance chômage privée », explique Olivier Clarhaut. La méfiance est donc de mise.

A compter du 1er octobre, la réduction générale des cotisations patronales applicable sur les rémunérations inférieures à 1,6 fois le SMIC est étendue aux cotisations de l’assurance chômage, conformément aux dispositions de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019. Les salariés touchant moins de 2 433,90 euros bruts mensuels sont concernés. Le calcul se fait sur la base de la rémunération annuelle du salarié.

•   Grâce à la réforme de l’assurance chômage qui entre en vigueur le 1er novembre, les pharmaciens titulaires et les salariés démissionnaires pourront prétendre à une indemnisation.

•   Revers de la médaille, les règles d’indemnisation se durcissent avec, notamment, l’allongement de la durée d’affiliation et la dégressivité de l’allocation chômage.

•   Alors que le gouvernement se félicite de l’avancée de cette réforme et des économies qu’elle va engendrer, les syndicats restent pour l’instant méfiants.

REPÈRES 

Par Anne-Charlotte Navarro – Infographie : Walter Barros

Points d’achoppement entre les syndicats pendant les négociations en début d’année, le bonus-malus prévu par le texte (taux de contribution chômage due par les entreprises d’au moins 11 salariés modulé à la hausse ou à la basse en fonction du taux de fins de contrat imputables à l’employeur) ne vise pas, pour l’instant, le secteur de l’officine. Cependant, le gouvernement n’écarte pas l’idée d’étendre dans un second temps ce dispositif.