Epargne et retraite Combien, où, comment ?

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Publié le 1 mars 2009
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Le pharmacien aspire, comme tout un chacun, à des revenus confortables lorsque l’heure de la retraite aura sonné. Mais comment construire son capital retraite par temps de crise ?

Pour maintenir le niveau de ses revenus d’activité pendant la retraite, le pharmacien doit se constituer une épargne personnelle et s’interroger sur la qualité des placements. La stratégie se définit par rapport au risque d’investissement et à un objectif de capital pour la retraite. « Cela suppose un travail d’introspection, de projection et d’anticipation de son train de vie futur après 65 ans afin de mesurer l’écart entre celui-ci (après impôts) et les prestations à attendre de sa caisse de retraite », explique Luc Fialletout, directeur général adjoint d’Interfimo. L’évaluation du niveau d’épargne requis résulte de la confrontation des prestations retraite, du train de vie et de la revente de l’officine. Un exercice difficile qui nécessite de raisonner en « ordre de grandeur ».

Bâtir sa retraite exige une démarche réfléchie. Il est nécessaire d’intégrer dans une stratégie patrimoniale l’estimation de sa capacité d’épargne: bilan patrimonial, un état des actifs et des engagements financiers. Une fois le niveau d’épargne évalué, le pharmacien pourra investir cette épargne rationnellement et choisir les cadres fiscaux appropriés.

Déterminer sa capacité d’épargne

« Cette analyse est indispensable pour construire durablement un plan d’investissement pour sa retraite », insiste Dominique Leroy, du cabinet Norméco. Cet expert-comptable la décompose en trois volets :

1° Calculer pour chaque exercice la capacité nette d’emprunt de la pharmacie

Exemple : Mme Durand est titulaire d’une pharmacie qui dégage un EBE (après cotisations TNS) de 162 k€. Elle rembourse toujours sa pharmacie et exerce sous le régime de l’IR : son échéance d’emprunt est de 78 k€. Reste donc un cash disponible de 84 k€. « Attention, celui-ci peut être partiellement utilisé pour financer une augmentation des stocks ou autofinancer des investissements », signale Dominique Leroy. Le conjoint de Mme Durand, salarié de l’officine, perçoit une rémunération nette annuelle de 20 k€. Par ailleurs, ce couple perçoit d’autres revenus extérieurs : 15 k€de loyers nets de charges et 5 k€ de dividendes divers. Au total, les ressources globales du foyer s’élèvent à 124 k€.

2° Calculer le train de vie du foyer

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Ce calcul est simple : il se borne à évaluer les besoins du foyer (en y intégrant les emprunts personnels), à estimer approximativement le montant des dépenses personnelles du couple, à calculer le poids fiscal qu’il supporte (IR, CSG, ISF, taxes…) et à additionner le tout.

3° Déduire l’excédent disponible brut et faire le partage entre le sécuritaire court terme et le disponible long terme.

L’excédent disponible brut se calcule en retranchant le total des charges du foyer à ses ressources globales : Dans notre exemple, la capacité d’épargne de M. et Mme Durand est de 20 k€ pour une année donnée.

Dans l’hypothèse où Mme Durand exerce en société à l’IS, outre sa rémunération de dirigeant elle peut percevoir des dividendes qui sont soumis à l’impôt sur le revenu avec un abattement de 40 %, ou, sur option, au prélèvement forfaitaire libératoire de 18 %, ainsi qu’aux cotisations sociales (LFSS pour 2009) avec un plancher équivalant à 10 % de la participation en capital et compte courant d’associés.

A noter : La part de résultat non prélevée et consacrée au remboursement de l’emprunt est taxée à l’IS.

Comment investir son épargne ?

Dominique Leroy retient quatre types de placements en ces temps de crise : l’investissement dans les cotisations retraite, la souscription d’une participation dans une autre pharmacie, l’investissement dans l’immobilier et l’investissement financier.

1. Investir dans les cotisations retraite

Le pharmacien bénéficie des classes complémentaires de la CAVP et des contrats Madelin retraite qui permettent d’épargner dans un régime de retraite par capitalisation tout en déduisant fiscalement ses versements. Ces dispositifs conservent des caractéristiques précieuses (sécurité ses ressources futures et celles de son conjoint, effet de levier fiscal et social).

2. Investir dans une autre pharmacie

« Les investissements réalisés dans un cadre professionnel bénéficient d’un effet de levier financier et fiscal sans équivalent dans le monde des placements », rappelle Luc Fialletout. « Mais l’indisponibilité des fonds investis et l’absence de revenus réguliers à court terme en sont les contreparties », complète Dominique Leroy.

Exemple : Mme Durand prend une participation de 40 % dans le capital d’une SEL qui acquiert une officine de 1,2 M€ de CA TTC. Le montant à financer (prix de cession + frais) est de 1 056 k€. L’apport en capital étant de 206 k€, la société contracte un emprunt de 850 k€ sur 12 ans. Associée minoritaire, Mme Durand apporte 82 400 € (40 %) via un emprunt personnel de 80 k€ sur 12 ans au taux fixe de 4,50 % (échéance de 720 €/mois). Dans le pacte d’associés, il est convenu qu’elle vende ses titres au bout de 6 ans au gérant. Par ailleurs, elle ne percevra aucun dividende sur la période.

Au terme des 6 ans, le solde de résultat net non prélevé et porté en réserves se monte à 327 k€. Sur une hypothèse de valorisation du fonds à 75 % du CA TTC (soit 994 k€), la valorisation de 100 % des parts est de 458 k€, soit une quote-part pour Mme Durand de 183 200 k€. La plus-value dégagée est donc de 183 200 – 82 400 = 100 800 € taxés à 27 % (27 200 €). Après remboursement du capital restant dû sur l’emprunt (45 k€) et paiement de l’impôt sur la plus-value, la trésorerie nette de toute fiscalité ressort à 111 k€. Le taux de rendement annuel moyen qui tient compte de la valeur d’acquisition (82 400 €) et de la valeur de cession nette de fiscalité (183 200 – 27 200 = 156 000 €) est de 11 % (net de fiscalité).

« L’opération réalisée par Mme Durand sur une période de 6 ans lui a permis d’accroître substantiellement la trésorerie disponible au terme de cette période de l’ordre d’une centaine de milliers d’euros », résume Dominique Leroy. Dans l’hypothèse où tous les clignotants sont restés au vert durant la période d’exploitation, cette stratégie se révèle être un formidable accélérateur de développement de son patrimoine privé.

3. Investir dans l’immobilier

Actuellement le rendement net après impôts est faible. Malgré tout, l’immobilier semble indispensable dans un patrimoine structuré. Plusieurs voies sont envisageables selon le cabinet Norméco : l’achat de biens anciens à rénover, l’investissement neuf « Robien recentré », l’investissement « Borloo populaire », le loueur meublé (LMNP ou LMP)…

4. Diversifier dans l’investissement financier

Les marchés d’actions sont au plus bas mais leurs fluctuations ne sont pas pénalisantes pour celui qui a du temps devant lui et qui investit de manière régulière et diversifiée : un marché en baisse crée l’opportunité d’acquérir plus d’actions pour la même quantité d’épargne et d’engranger des plus-values. La diversification systématique (actions, obligations, sicav, assurance vie…) requiert des capitaux importants, des informations et de la disponibilité. Ensuite, il faut veiller à changer le dosage du cocktail à mesure que la retraite s’approche. « Les choix du pharmacien devront être analysés régulièrement et s’adapter aux éventuelles modifications de son environnement et de sa stratégie d’épargne », conclut Dominique Leroy.