Une feuille de soins envoyée hors délai peut être un indu

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Publié le 21 mars 2020
Par Anne-Charlotte Navarro
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La transmission hors délai des ordonnances correspondant aux feuilles de soins électroniques peut donner lieu à la restitution de tout ou partie des prestations déjà versées. C’est ce qu’a considéré, le 13 février, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

LES FAITS

Le 13 mars 2014, la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) met en demeure Mme Y., infirmière libérale, de lui rembourser 2 856,58 € au titre de soins facturés par voie électronique les 13 novembre et 25 décembre 2013. La caisse estime que Mme Y. n’a pas transmis dans les délais prévus les pièces justificatives. Mme Y. saisit le tribunal de la Sécurité sociale. Le 23 novembre 2018, les magistrats considèrent que la réclamation de la CPAM est infondée. La caisse forme un pourvoi en cassation.

LE DÉBAT

La caisse reproche à la décision des juges du tribunal de la Sécurité sociale d’avoir considéré que l’indu n’était pas justifié. Elle estime que le paiement des soins dispensés par un infirmier exerçant à titre libéral est subordonné à la transmission par ce dernier des pièces justificatives dans un délai allant de trois jours à un mois en fonction des soins concernés. Or Mme Y. a transmis les pièces justificatives le 13 mars 2014, pour des soins effectués les 13 novembre et 25 décembre 2013. La caisse estime donc que ces pièces n’étaient plus recevables, d’autant plus que la caisse signale qu’elle a fait parvenir des relances à Mme Y. Elle demande l’application stricte de l’article L. 161-33 du Code de la Sécurité sociale qui dispose qu’« en cas de transmission électronique, si le professionnel, l’organisme ou l’établissement dispensant des actes ou prestations remboursables par l’assurance maladie est responsable d’un défaut de transmission à la caisse du bénéficiaire de documents mentionnés à l’alinéa précédent ou s’il les a transmis hors du délai prévu, […] la caisse peut exiger du professionnel ou de l’organisme concerné la restitution de tout ou partie des prestations servies à l’assuré ». En réponse, Mme Y. affirme qu’elle n’a jamais reçu les courriers de relance. Elle a en revanche reçu des courriers pour l’absence de pièces justificatives pour d’autres lots, sans que la caisse n’ait donné suite à cette absence. Elle fait également savoir que, dès qu’elle a pris connaissance des remarques de la caisse, elle a envoyé les documents manquants à la caisse.

LA DÉCISION

Le 13 février, la Cour de cassation a jugé que la non-transmission dans les délais de documents auxquels sont subordonnés l’ouverture de droit aux prestations de l’assurance maladie justifie la réclamation de tout ou partie des sommes versées par la caisse. Cette décision fait donc une application stricte de l’article L. 161-33 du Code de la Sécurité sociale. L’interprétation des magistrats peut facilement s’appliquer aux pharmaciens pour lesquels le délai d’envoi des pièces justificatives est de huit jours ouvrés par rapport à la date de délivrance de l’acte présenté à remboursement (article R. 161-48 du Code de la Sécurité sociale). Notons que l’action en répétition de l’indu peut s’ajouter à une procédure devant la chambre de discipline. Les sanctions infligées vont, en fonction des cas, du blâme à l’interdiction définitive d’exercer.

Source : cass., 2e civ., 13 février 2020, n° 18-26.662.

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À RETENIR

L’envoi tardif de pièces justificatives autorise la caisse d’assurance maladie à exiger la restitution de tout ou partie des prestations.

La procédure en répétition de l’indu s’ajoute à celle qui peut être engagée devant la chambre de discipline de l’Ordre des pharmaciens.