Séparés sous le même toit

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Publié le 12 octobre 2024
Par Anne-Charlotte Navarro
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La mise à pied n’est pas obligatoire en cas de licenciement pour faute grave. Le salarié peut être tenu de rester dans l’entreprise jusqu’à la date de son départ effectif. Et, si possible, en gardant sa bonne humeur !

Les faits

 

Embauché en tant que technicien exploitation réseaux dans la société E. le 1er novembre 2015, M. M. est convoqué à un entretien préalable le 8 octobre 2018, à l’issue duquel l’employeur saisit la commission secondaire du personnel. Le 15 janvier 2019, la commission, qui siège en conseil de discipline, se prononce en faveur de la mise à la retraite d’office du salarié. Cette procédure est prévue par la convention collective à laquelle le contrat de travail de M. M. est soumis et s’apparente à un licenciement pour faute grave. Son départ définitif de l’entreprise a lieu le 11 mars 2019. M. M. conteste son licenciement sans indemnité auprès du conseil de prud’hommes.

Le débat

 

Selon le Code du travail et la jurisprudence, le licenciement pour faute grave doit être justifié par une violation des obligations découlant du contrat ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise. Dans ce cas précis, la société E reprochait à M. M. d’avoir tenu des propos présentant un caractère menaçant envers sa supérieure hiérarchique et de ne pas avoir pris en compte les remarques qui lui étaient adressées à propos de ses retards récurrents. Le salarié ne conteste pas ces éléments mais estime que le licenciement pour faute grave aurait dû rendre impossible son maintien dans l’entreprise. Selon lui, ce motif implique nécessairement une mise à pied. Or, il est resté en poste pendant toute la procédure qui a duré plusieurs mois. Le 23 février 2022, la cour d’appel de Limoges (Haute-Vienne) lui donne raison, considérant que son départ de l’entreprise doit être analysé comme un licenciement pour cause réelle et sérieuse qui donne droit à des indemnités versées par l’employeur. Ainsi, les magistrats ont écarté la faute grave car l’employeur ne lui avait pas infligé une mise à pied à titre conservatoire. La société E forme alors un pourvoi en cassation. Pour elle, la mise à pied est une faculté offerte à l’employeur pour éviter que le salarié ne détruise des preuves pendant la période de recueil.

La décision

 

Le 15 mai 2024, la Cour de cassation casse et annule la décision des juges du fond. Elle rappelle que la législation prévoit deux types de mises à pied qu’il faut distinguer. D’un côté, la mise à pied conservatoire, prévue à l’article L. 1332-3 du Code du travail, qui peut être décidée par l’employeur pour exclure le salarié de l’entreprise avant son licenciement afin d’éviter qu’il ne dissimule ou ne détruise les preuves des fautes qui lui sont reprochées. Et de l’autre, la mise à pied disciplinaire, encadrée par la jurisprudence, qui est une sanction à part entière. Dans cette affaire, les hauts magistrats ont estimé que les faits reprochés au salarié ne rendaient pas impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée de son préavis. La mise à pied à titre conservatoire n’est donc plus un préalable obligatoire au licenciement pour faute grave, si bien qu’un collaborateur peut être amené à rester en poste jusqu’à la date de son licenciement effectif.

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À retenir

– Le droit distingue la mise à pied conservatoire et la mise à pied disciplinaire. La première est une mesure d’attente avant que ne soit prononcée une sanction, la seconde est une sanction en elle-même.

– La mise à pied conservatoire permet donc d’exclure le salarié de l’entreprise de manière temporaire. Pour autant, elle n’est pas un préalable obligatoire au licenciement pour faute grave.