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Pas de secret entre nous
Peut-on faire usage de données protégées par le secret médical dans le cadre d’un licenciement ? Voici la réponse sans cachotterie.
LES FAITS
Le 12 octobre 2011, Mme W. est engagée comme infirmière par l’association G intervenant dans la gestion d’équipements sociaux en faveur des personnes âgées. En 2015, Mme W. est licenciée pour faute grave. Elle conteste le bien-fondé de ce licenciement devant le conseil de prud’hommes.
LE DÉBAT
La jurisprudence définit la faute grave comme « un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ». Cette faute peut justifier un licenciement. C’est à l’employeur d’en apporter la preuve, notamment dans la lettre de licenciement. En l’espèce, Mme W. a été privée d’emploi à la suite du décès d’une patiente placée sous sa surveillance car l’employeur a fait plusieurs constats après cet événement : les plans de soins des résidents n’étaient pas à jour, voire totalement absents du suivi, la tenue des dossiers médicaux était défectueuse et de nombreux résidents avaient pris des traitements sans ordonnance en cours de validité. Ces éléments suffisaient, selon lui, à justifier une faute grave. Mais dans la mesure où ils étaient tirés des dossiers médicaux des patients, pour Mme W., la preuve de ces faits n’avait pu être apportée qu’en violant le secret médical.
L’article L.1110-4 du Code de la santé publique impose aux professionnels de santé le respect de la vie privée du patient et du secret des informations le concernant. L’article 226-13 du Code pénal sanctionne la violation de ce secret professionnel. Ainsi, la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire par profession est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. Selon Mme W., cette violation rendait les preuves inexploitables juridiquement. Le conseil de prud’hommes donne raison à Mme W. Il invalide son licenciement. L’association G forme un appel. Le 26 juin 2020, la cour d’appel d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) juge au contraire que le licenciement pour faute grave est bien fondé et que les manquements relevés rendaient impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise. Un pourvoi en cassation est formé.
LA DÉCISION
Le 15 juin 2022, la Cour de cassation rejette le pourvoi. Les magistrats de la haute juridiction estiment que le secret professionnel instauré par le Code de la santé publique est un droit propre au patient, créé dans le but de protéger sa vie privée et le secret des informations le concernant. Un professionnel de santé, salarié, participant à la transmission de données couvertes par le secret, ne peut donc pas se prévaloir à l’égard de son employeur d’une violation du secret médical pour contester le licenciement fondé sur des manquements à ses obligations ayant des conséquences sur la santé des patients.
Par cette décision, la Cour de cassation confirme sa position. En octobre 2020, la chambre criminelle avait affirmé que seul le patient pouvait agir pour demander réparation d’une violation du secret professionnel. Dans cette affaire, un employeur reprochait à une salariée d’avoir communiqué des informations couvertes par le secret professionnel. Ainsi, dans une procédure de licenciement concernant des professionnels de santé, le secret professionnel tombe. L’une ou l’autre des parties peut user des informations protégées pour justifier son attitude. Cette décision est favorable aux professionnels de santé, mais pour l’instant nul ne sait l’issue d’un recours du patient qui serait mécontent de la révélation de données le concernant.
Source : Cass. soc., 15 juin 2022, n° 20-21.090.
À RETENIR
Commet une faute grave le salarié qui viole les obligations de son contrat de travail de façon si importante que son maintien dans l’entreprise est impossible.
La faute du salarié professionnel de santé peut être prouvée par des informations protégées par le secret professionnel.
Le secret professionnel est institué afin d’assurer la protection de la vie privée du patient.
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