Parole à l a défense

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Publié le 29 mai 2004
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Les avocats sont les premiers à le dire, la justice ordinale fonctionne bien et est équilibrée, tout en étant « dissuasive et efficace ». Ce qui ne les empêche pas de suggérer certaines améliorations.

L’arrivée des avocats a révolutionné notre activité, reconnaît Henri Lepage, le président du conseil de l’ordre du Centre. Les dossiers sont plus structurés et argumentés. Leur présence nous a obligés à devenir plus professionnels, à mieux connaître le droit et les dossiers plus en profondeur. » Elle a aussi tiré d’un mauvais pas plus d’un pharmacien. « Dans notre droit, plus on est innocent, plus on a intérêt à prendre un avocat. Pour un pharmacien, une sanction telle une fermeture de plusieurs mois, est gravissime en terme de CA. D’où l’utilité d’un défenseur, surtout en appel ou en cassation », indique Maître Autissier, avocat à Marseille. « Rien n’oblige le CROP à dire au fautif quels sont les moyens de droit qui vont sous-tendre la poursuite. On est juste au courant des motivations de la plainte. La présence de l’avocat est donc importante », renchérit Maître Fallourd, avocat à Paris. Tous deux ont plusieurs remarques et suggestions.

– Requalification des faits :

« Il s’agit d’une curiosité de la procédure ordinale : les termes de la plainte ne lient pas l’Ordre qui peut procéder à une requalification disciplinaire des faits ayant servi de fondement aux poursuites », s’étonne Me Fallourd.

– Droits de la défense :

« En PACA, le CROP respecte les droits de la défense. C’est tout à son honneur, indique Me Autissier. Nous pouvons consulter l’intégralité du dossier à l’Ordre. Mais à l’heure d’Internet, du télécopieur et du photocopieur, on pourrait peut-être, tout en respectant la confidentialité, faciliter ce type de consultation pour les avocats qui ne sont pas sur place. »

– Consultation du rapport d’instruction :

« Certains CROP permettent au fautif et son avocat d’avoir accès aux pièces versées au fur et à mesure au dossier d’instruction que constitue le rapporteur, comme en Ile-de-France, mais ce n’est pas la majorité. Alors qu’en droit pénal, le mis en examen bénéficie au cours de l’instruction, des garanties de la défense », informe Me Fallourd.

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– Juge et partie :

« Dans la mesure où le rapporteur est investi d’une quasi-fonction d’instruction, il devient de plus en pus difficile de justifier qu’il participe au délibéré », estime Me Fallourd, qui signale que la Cour de cassation a sanctionné récemment la participation au délibéré du rapporteur d’une affaire disciplinaire jugée par un conseil de l’ordre des avocats. Quid de la section des assurances sociales, comprenant des personnes des caisses elles-mêmes le plus souvent à l’origine de la plainte, ou du pharmacien inspecteur qui peut être à l’origine de la plainte et siège avec une voix consultative ? La doctrine majoritaire avance qu’il faut que l’accusation sorte de la salle de délibération en même temps que l’accusé. En PACA par exemple, la DRASS est entendue comme témoin et ne siège pas en étant à l’origine du dépôt de la plainte. A noter cependant que, pour Alain Fallourd, en termes de délibéré, « d’une façon générale, les sanctions ne sont pas très violentes. Ça s’est bien tassé. Il faut vraiment une affaire très grave pour voir une mise à l’écart de la profession. »

– Conseil d’Etat.

« Beaucoup d’affaires y sont cassées car ceux qui y vont ont de bonnes raisons. Mais il s’agit là d’une partie infime des affaires. Cela étant, il est bon qu’ils y aillent car cela a le mérite de fixer le droit. A noter que le Conseil d’Etat n’a pas d’effet suspensif, le requérant a donc tout intérêt à demander le sursis à exécution de la décision attaquée », conseille Me Fallourd.

– Tour de main juridique :

« Je ne devrais pas donner un conseil à l’attaque mais le Conseil de l’Ordre aurait intérêt à mieux étayer ses plaintes du point de vue juridique, mieux les motiver en s’appuyant sur des textes précis. Cela éviterait des annulations qui profitent, il est vrai, à la défense, conclut Me Autissier.