Le salarié inapte et la rupture conventionnelle

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Publié le 15 juin 2019 | modifié le 14 septembre 2025
Par Anne-Charlotte Navarro
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Le 9 mai, la chambre sociale de la Cour de cassation a admis qu’une rupture conventionnelle pouvait être conclue entre un salarié déclaré inapte et son employeur. Ce mode de rupture du contrat de travail créé en 2008 permet au salarié et à l’employeur de se mettre d’accord sur le départ du premier.

LES FAITS

Mme K a été engagée par la société A. en qualité d’employée d’élevage et de couvoir, mais est victime d’un accident du travail. Après 2 examens médicaux, en date des 1er et 16 avril 2014, elle est déclarée inapte à son poste de travail. Le 25 avril 2014, Mme K et la société A. signent une convention de rupture. Cette convention est ensuite validée par l’administration. Estimant que son inaptitude rendait la convention nulle, Mme K saisit la justice.

LE DÉBAT

L’article L. 1226-12 du Code du travail dispose que lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié ou que le salarié refuse le poste de reclassement proposé, l’employeur peut rompre le contrat de travail en procédant à un licenciement, suivant la procédure prévue pour un licenciement pour motif personnel. En l’espèce, Mme K reproche à son employeur d’avoir contourné cette règle, en signant avec elle une convention de rupture conventionnelle. Elle demande aux juges l’application de la jurisprudence établie jusqu’alors qui interdisait aux parties de négocier un départ dans le cadre d’une inaptitude. Selon elle, la négociation avait pour effet d’éluder le régime juridique protecteur lié à l’inaptitude du salarié.

Le 4 octobre 2017, la cour d’appel de Bordeaux (Gironde) déclare pourtant la rupture conventionnelle régulière. Les magistrats relèvent que la salariée n’apporte pas la preuve d’une fraude de la part de l’employeur ou d’un vice du consentement. Ils considèrent que seuls ces deux motifs sont de nature à remettre en cause la validité de la convention de rupture du contrat. Mme K forme un pourvoi en cassation. A l’appui de sa demande, elle invoque la jurisprudence classique de la Cour de cassation considérant qu’est nulle la rupture conventionnelle du contrat de travail conclue en méconnaissance des obligations spécifiques d’ordre public mises à la charge de l’employeur au profit du salarié régulièrement déclaré inapte à son emploi à la suite d’un accident du travail.

LA DÉCISION

Le 9 mai, la chambre sociale de la Cour de cassation confirme l’interprétation des magistrats de la cour d’appel. Elle revient ainsi sur son interprétation, en décidant que «  sauf cas de fraude ou de vice du consentement, non allégué en l’espèce, une convention de rupture peut être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail   ». Dès lors, à compter du 9 mai 2019, il est possible de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié déclaré inapte par le médecin du travail, que cette inaptitude fasse suite ou non à un accident du travail. Ainsi, l’employeur n’aura pas à verser au salarié l’indemnité spécifique de licenciement et l’indemnité compensatrice. Il devra au salarié la seule indemnité de rupture conventionnelle prévue aux articles 21 (salarié non cadre) et 7 (salarié cadre) de la convention collective.

Toutefois, cette solution doit être maniée avec précaution. Le salarié pourrait évoquer un vice du consentement ou une fraude de l’employeur pour remettre en cause la convention de rupture. Ainsi, les magistrats ont considéré dans d’autres affaires que l’employeur a commis une fraude lorsqu’il n’a pas informé le salarié de l’obligation de reclassement dont il était débiteur ou encore quand un délai trop court séparait la déclaration d’inaptitude et la signature de la rupture conventionnelle. De même, le salarié pourrait évoquer la fragilité de son état de santé pour évoquer un vice du consentement. Il y a vice du consentement quand le salarié a signé la convention par erreur, à la suite d’une manœuvre, d’un mensonge ou de faits de violence physique ou morale. 

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Cass. soc. 9 mai 2019, n° 17-28.767.

• Une rupture conventionnelle peut être signée avec un salarié déclaré inapte par le médecin du travail.

• L’employeur devra verser l’indemnité spéciale de rupture conventionnelle prévue par la convention collective.

• La rupture pourra être remise en cause si le salarié démontre qu’il y a fraude de la part de l’employeur ou qu’il y a eu signature par erreur, à la suite de manœuvres, d’un mensonge ou de faits de violence.