Le carnet rose vire au carton rouge

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Publié le 29 octobre 2022
Par Anne-Charlotte Navarro
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Une salariée enceinte bénéfice d’une protection contre le licenciement de par la loi. Mais que se passe-t-il quand le médecin fait une erreur en complétant l’arrêt maladie ?

LES FAITS

Le 10 novembre 2010, Mme X. est engagée en qualité de gouvernante par M. Z. Le 4 novembre 2013, Mme X. indique à son employeur être enceinte. Elle est placée en arrêt maladie du 14 au 31 janvier 2014. Cet arrêt est ensuite prolongé jusqu’au 14 février inclus. Le 11 février, M. Z. renvoie Mme X. pour faute grave. Estimant que cette décision contrevient à l’interdiction de licenciement d’une salariée enceinte, Mme X. saisit les prud’hommes.

LE DÉBAT

Les articles L.1225-4 et L.1225-5 du Code du travail disposent que pendant son arrêt maternité et les congés payés qui y sont accolés, la salariée bénéficie d’une protection absolue contre le licenciement. Durant ces périodes, elle ne peut pas être démise de ses fonctions quel qu’en soit le motif. A cette protection s’ajoute une seconde dite relative. Pendant la durée de sa grossesse et les dix semaines consécutives à sa reprise du travail, la salariée peut être licenciée uniquement pour faute grave ou impossibilité de maintenir la relation de travail, non liées à la grossesse ou à la maternité. De façon constante depuis 2010, la Cour de cassation considère que la protection absolue contre la rupture du contrat de travail s’applique également pendant l’arrêt dit « pathologique ». Cet arrêt augmente d’autant de semaines la durée de l’arrêt maternité. En l’espèce, Mme X. faisait valoir que son licenciement était intervenu pendant un arrêt pathologique. Le certificat médical de prolongation du 31 janvier 2014 mentionnait expressément « contractions utérines, fatigue ». Elle bénéficiait donc, selon elle, d’une protection absolue contre le licenciement. En réponse M. Z. soulignait que, contrairement à son premier arrêt de travail, lors de la rédaction de la prolongation, le médecin n’avait pas coché la case « En rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse » sur le formulaire destiné à la Sécurité sociale et à lui-même. Sans cette précision, il estimait que la prolongation de l’arrêt n’était pas pathologique et qu’il pouvait donc renvoyer Mme X pour faute grave. Le 14 novembre 2018, la cour d’appel de Paris rejette les arguments de Mme X. Les magistrats retiennent l’argument de M. Z. Ils ajoutent que, même si la Sécurité sociale avait considéré la salariée en état pathologique et que l’arrêt semblait en lien avec sa grossesse, l’absence de validation de la case « En rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse » dans le formulaire d’arrêt de travail empêchait Mme X. de bénéficier de la protection absolue contre le licenciement. Mme X. forme un pourvoi en cassation.

LA DÉCISION

Le 14 septembre 2022, la Cour de cassation rejette le pourvoi de Mme X. sur ce point. La Cour de cassation applique strictement le Code du travail et sa jurisprudence. Ainsi, le bénéfice de la protection absolue pendant le congé pathologique ne profite qu’à la salariée qui présente un certificat médical dans lequel la case « En rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse » a été cochée. Les magistrats rappellent qu’il revient aux juges de la cour d’appel d’apprécier les preuves. Cette décision est sévère pour la salariée et exigeante pour les médecins qui, lorsqu’ils complètent un arrêt de travail, ne doivent pas oublier de valider la case, et ce même pour une prolongation. Il peut être envisageable pour la salariée de se retourner contre le médecin.

Source : Cass. soc. 14 septembre 2022, n° 20-20.819.

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À RETENIR

La salariée enceinte ne peut pas être licenciée pendant son arrêt maternité, les congés payés qui y sont accolés et l’arrêt dit pathologique.

Cette protection est absolue. Aucun motif de rupture ne peut justifier le licenciement de la salariée pendant l’une de ces périodes.

Si le médecin ne coche pas la case « En rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse », la salariée bénéficie d’une protection relative contre le licenciement. L’employeur peut mettre fin au contrat, notamment pour faute grave.