Des cadeaux importants d’un fournisseur peuvent justifier le licenciement

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Publié le 19 septembre 2020
Par Anne-Charlotte Navarro
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C’est l’histoire d’une salariée chargée des achats qui a accepté en toute discrétion des cadeaux d’une valeur de plusieurs centaines d’euros. Son employeur l’a licenciée estimant qu’elle avait violé les règles éthiques de l’entreprise.

LES FAITS

Mme H. est salariée de la société B. depuis le 9 mai 1997 en qualité de chargée des achats. L’employeur lui reproche d’avoir accepté des cadeaux d’un fournisseur pour un montant de 798 € et d’avoir expressément demandé à ce qu’ils lui soient livrés à son domicile. Le 7 décembre 2015, Mme H. reçoit une lettre de licenciement pour faute grave. Estimant que cette dernière n’est pas justifiée, Mme H. saisit les prud’hommes.

LE DÉBAT

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations découlant du contrat ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Ainsi, dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire, la mise en œuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués. Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du Code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement. En l’espèce, la société B. reproche à Mme H. d’avoir accepté des cadeaux d’une valeur non négligeable, alors que la charte de déontologie et le règlement intérieur de l’entreprise interdisent ce genre de pratique. Elle ajoute que Mme H. les a délibérément cachés à sa hiérarchie. En réponse, Mme H. précise qu’il ne s’agissait pas de cadeaux dits commerciaux pour l’inciter à conclure avec un nouveau fournisseur, mais des présents prévus dans le contrat-cadre liant l’employeur et le fournisseur. Elle ajoute qu’elle les a choisis dans un catalogue établi et communiqué par le fournisseur à l’ensemble de ses clients, que ces conditions font qu’elle n’a pas manqué à son obligation de loyauté. Elle signale ne pas avoir reçu les produits, car sa commande a été découverte avant la livraison. Le 31 mai 2018, le conseil de prud’hommes du Mans (Sarthe) juge les arguments recevables. Le licenciement est annulé. La société B. forme alors appel.

LA DÉCISION

Le 29 mai 2020, la cour d’appel d’Angers (Maine-et-Loire) décide d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes. Elle considère le licenciement justifié et le préjudice à l’entreprise avéré. Les juges retiennent que la livraison des cadeaux importe peu. Cette décision s’inscrit dans un courant de jurisprudence constant, que l’entreprise interdise les cadeaux dans son règlement intérieur ou non. Dans une autre affaire, la cour d’appel de Paris a même qualifié des faits similaires de faute lourde (cour d’appel de Paris, 26 novembre 2009 n° 08-1424). Si peu d’officines ont mis en place des règles de déontologie particulières, les pharmaciens sont soumis au Code de déontologie et à la loi « anti-cadeaux » de décembre 2011. Ainsi, à compter du 1er octobre 2020, les pharmaciens titulaires ou salariés et étudiants en pharmacie devront transmettre à l’Ordre des conventions prévoyant le versement d’un avantage d’une valeur non négligeable. La notion de « valeur négligeable » a été précisée par un arrêté du 14 août 2020. Elle varie entre 20 et 150 € en fonction des produits. Dans une situation similaire, un pharmacien adjoint risquerait un licenciement pour faute et des poursuites disciplinaires.

Source : CA Angers, 29 mai 2020, n°18/00395.

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À RETENIR

Le salarié qui accepte un cadeau d’une valeur non négligeable d’un fournisseur s’expose à des sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement.

En qualité de professionnel de santé, le pharmacien est soumis à la loi « anti-cadeaux ». En cas de violation, il s’expose à des sanctions de l’Ordre, auxquelles d’autres peuvent s’ajouter sur le fondement du droit du travail.