Une amende honorable trop cher payée

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Publié le 15 avril 2023
Par Anne-Charlotte Navarro
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Louer un photocopieur sans s’acquitter du loyer est une chose. Refuser de payer pour rompre le contrat en est une autre. Est-ce une attitude à copier ?

LES FAITS

 

Le 23 octobre 2015, Mme B., architecte, conclut avec la société L un contrat de location d’un photocopieur moyennant 21 loyers trimestriels. Après avoir certifié avoir reçu le bien, Mme B. arrête de régler les loyers. La société L la met en demeure de payer ce qu’elle doit dans les huit jours, selon les modalités prévues au contrat. L’inaction de sa cliente conduit la société à engager la résiliation du contrat. Ce dernier stipule qu’« en cas d’inexécution, le locataire serait tenu notamment de verser une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation, majorée d’une clause pénale de 10 %, ainsi qu’une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu’à la fin du contrat telle que prévue à l’origine, avec une majoration de 10 % ». Mme B. refuse de débourser la somme prévue, la société L saisit la justice.

LE DÉBAT

 

Lors de la négociation d’un contrat entre deux professionnels, les parties peuvent insérer une clause pénale. Cette clause permet à l’avance de résoudre un litige qui pourrait naître du fait de l’inexécution des obligations d’une ou des deux parties. En pratique, une partie s’engage à verser une indemnité forfaitaire calculée à l’avance en cas d’inexécution de ses obligations. Cette clause est facultative entre professionnels, mais interdite entre un professionnel et un consommateur. En l’espèce, Mme B. a souscrit le contrat de location du photocopieur pour son activité professionnelle. Pour autant, les parties ne sont pas entièrement libres dans la fixation du montant à payer. L’article 1231-5 du Code civil dispose que « le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire ». C’est ce que souhaite Mme B. Elle estime que le montant des dommages-intérêts prévus au contrat est exorbitant, elle souhaite donc que le juge intervienne. Le 1er avril 2021, la cour d’appel de Rouen (Seine-Maritime) rejette la demande de Mme B. Les magistrats considèrent que la somme réclamée par la société L. n’a pas la nature juridique d’une clause pénale mais doit être analysée comme « la contrepartie de l’usage du photocopieur dont elle dispose toujours et a vocation à indemniser le bailleur du capital mobilisé dans l’acquisition du matériel ». Mme B est condamnée à payer 24 684 €. Elle forme un pourvoi en cassation.

LA DÉCISION

 

Le 8 février 2023, la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel. Pour les hauts magistrats, la clause litigieuse du contrat, du fait de sa rédaction, a un caractère, « comminatoire en ayant pour objet de contraindre le locataire à exécuter le contrat jusqu’à cette date ». En d’autres termes, la clause qui prévoyait une indemnité d’un montant équivalent au prix dû en cas d’exécution du contrat jusqu’à son terme avait pour objectif d’intimider l’autre partie et de la contraindre à respecter ses obligations. Il s’agit donc bien d’une clause pénale pour la Cour de cassation. Dès lors, le juge peut en minorer le montant en cas d’excès ou le majorer s’il est dérisoire. La haute juridiction renvoie l’affaire devant une autre cour d’appel qui pourra recalculer la somme que Mme B. devra verser à la société L.

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À retenir

Un contrat de location de matériel entre professionnels peut prévoir une clause pénale dont le montant est librement fixé entre les parties.

En cas d’inexécution des obligations, le locataire devra payer le montant de cette clause après avoir été mis en demeure.

Si la somme due est manifestement excessive le juge peut la réduire.

  • Cass. com., 8 février 2023, n°21-21.391.