Prescription, conseil, encore des points à éclaircir

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Publié le 8 décembre 2016
Par Magali Clausener
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Tant attendu par la profession, l’arrêté relatif aux bonnes pratiques de dispensation, paru au Journal officiel du 1 er  décembre entrera en vigueur en février 2017. Il présente quelques éléments à clarifier, comme le démontrent les représentants interrogés.

Le texte décrit ce que nous faisons au quotidien et rend les pratiques opposables   », estime Gilles Bonnefond, président de l’USPO, suite à la publication le 1er décembre au Journal officiel de l’arrêté relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments au comptoir et en ligne. Même ressenti chez Jean-Luc Fournival. Le président de l’UNPF estime néanmoins que si ce texte «   pousse la profession à l’excellence, il est, sur certains points, flou voire dangereux pour le pharmacien   ». En effet, l’arrêté comporte quatre dispositions qui nécessitent une clarification.

L’intérêt du patient, quèsaco ?

Dans la partie détaillant « les différentes étapes du processus de dispensation » (point 2 du texte), l’arrêté écrit que «   lorsque l’intérêt de la santé du patient lui paraît l’exiger, [le pharmacien] peut dispenser la quantité minimale nécessaire pour assurer la continuité du traitement et permettre au malade d’obtenir une prescription valide   ». Que signifie exactement «   l’intérêt de la santé du patient   » et comment le pharmacien le détermine-t-il ? «   Il n’y a pas de définition de l’intérêt de la santé du patient. C’est au pharmacien de l’évaluer à travers ses questions au patient et l’historique des traitements, s’il en dispose. Le pharmacien doit pouvoir déterminer ce qui correspond à un besoin réel ou à une demande illégitime du patient   », répond Gilles Bonnefond. «   Ce point laisse au pharmacien le choix de prendre des risques ou pas, car je n’ai pas de définition de “l’intérêt de la santé du patient”. Au pharmacien d’inventer une méthodologie pour l’évaluer », estime Jean-Luc Fournival. Quant à la quantité minimale à dispenser, selon Gilles Bonnefond, il s’agit du plus petit conditionnement permettant au patient d’avoir le temps d’obtenir une ordonnance. «   Il faut néanmoins distinguer un traitement pour une pathologie chronique d’un traitement d’urgence. Dans le cas d’une maladie chronique, on peut dispenser une boîte ou un mois de traitement, les textes le précisant déjà   », juge Jean-Luc Fournival. Attention cependant au refus de délivrer certains traitements pour des pathologies à risques (Ventoline par exemple). Les hypnotiques et les anxiolytiques sont-ils concernés ? «   Le pharmacien doit évaluer la situation dans le cas des anxiolytiques, il vaut mieux expliquer au patient lors d’une première délivrance que ce genre de situation doit être évité. Pour les hypnotiques, les prescriptions sont d’une durée limitée. Le patient ne doit pas se retrouver dans une situation de dépannage   », précise le président de l’USPO. Jean-Luc Fournival est encore plus tranché : «   Le pharmacien doit rester dans la loi, il ne doit pas prendre la responsabilité de délivrer des hypnotiques et des anxiolytiques   ».

Dispensation de stupéfiants : attention au risque de dérive

« S’agissant des stupéfiants, si la prescription par un professionnel de santé établi à l’étranger ne comporte pas toutes les spécifications techniques requises, le pharmacien est autorisé à dispenser la quantité minimale nécessaire pour assurer la continuité du traitement et permettre au malade d’obtenir une prescription respectant ces conditions   », mentionne le texte. Le président de l’UNPF est clair : «   Le texte est dangereux. Les règles sont strictes sur les stupéfiants. Il peut y avoir des risques de dérive ou de trafic. Comment peut-on vérifier l’identité d’un prescripteur étranger ? La molécule et les doses prescrites correspondent-elles aux prescriptions françaises ? Cela ne tient pas la route. Je recommande de s’abstenir dans ce cas !   ». Pour Gilles Bonnefond, la prudence est aussi de mise, même s’il recommande au pharmacien de vérifier l’identité du prescripteur et d’évaluer la situation. Par exemple, si le patient peut prouver qu’il a un traitement de fond.

En cas de rupture de stock, communiquer avec le médecin

Autre point qui mérite des éclaircissements : «   Si le pharmacien délivre un médicament autre que celui prescrit, en situation d’urgence, il en informe le prescripteur dans les meilleurs délais.   » Quels médicaments sont concernés dans ce cas spécifique ? Selon les deux présidents, il s’agit notamment des situations de rupture de stocks. «   Le pharmacien peut proposer un autre médicament dans la même classe thérapeutique et informer le médecin avant ou après la délivrance, par exemple pour les antibiotiques   », explique Gilles Bonnefond. Jean-Luc Fournival a le même raisonnement, mais préconise une conciliation médicamenteuse avec le médecin (antibiotiques, anti-inflammatoires…) et la prudence avec certains traitements, comme ceux des cardiopathies.

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Conseil pharmaceutique renforcé

Les bonnes pratiques abordent largement le conseil pharmaceutique. Le texte souligne d’ailleurs que «   le pharmacien a une obligation renforcée de conseil pour les médicaments non soumis à prescription médicale obligatoire (articles R. 4235-48 du code de la santé publique) », sans toutefois préciser en quoi consiste cette obligation renforcée. «   Là, on est dans l’excellence. Il doit y avoir un questionnement minimal du pharmacien et une information du patient. Pas question de dispenser Fervex à une personne souffrant d’un glaucome ! La dispensation de médicaments à PMF ne souffre pas d’erreur, car cela peut être fatal. Les pharmaciens se targuent d’être des professionnels de santé, ils doivent le prouver et sécuriser le patient. S’ils le font mal, ils doivent être sanctionnés   », observe le président de l’UNPF. Une opinion partagée par Gilles Bonnefond.

L’arrêté évoque la possibilité pour le pharmacien de «   proposer un rendez-vous pour une dispensation particulière   », selon la situation du patient. Les pharmaciens citent plusieurs exemples : pilule du lendemain, traitements pour des maladies chroniques, anticancéreux, traitements des rejets de greffe, de l’asthme, etc. «   Tous les traitements qui ont une technicité particulière ou une mise en œuvre complexe peuvent nécessiter une dispensation particulière   », résume Jean-Luc Fournival.

Le texte prévoit aussi une formalisation, si nécessaire, d’un «   document comprenant certains conseils associés   ». Il peut s’agir, par exemple, de conseils d’hygiène de vie et diététiques pour les patients sous anticoagulants, sous traitements de certaines pathologies (reflux gastriques, asthme, etc.).

Autre point important : «   Le pharmacien prévoit dans son officine un espace de confidentialité où il peut recevoir isolément les patients   ». Cet espace devient-il obligatoire ? «   Il est fortement recommandé », indique Gilles Bonnefond. Un point qui pose problème à l’UNPF, sachant que de nombreuses officines n’ont pas la place de créer un tel espace. 

NDLR : sollicités par le Moniteur des pharmacies, l’ordre des pharmaciens et la FSPF n’ont pas pu répondre dans les délais.

LA DISPENSATION EN LIGNE ENCADRÉE

Sur la vente en ligne, le texte précise que « la quantité maximale à délivrer recommandée est conforme à la durée du traitement indiquée dans le RCP. La quantité ne peut excéder un mois de traitement à posologie usuelle, ou la quantité maximale nécessaire pour les traitements d’épisode aigu ». Selon Gilles Bonnefond (USPO), un mois de traitement concerne plutôt les médicaments à prescription médicale obligatoire, qui ne sont pas vendus en ligne. Pas question donc, de vendre 12 boîtes de Doliprane. Pas pour Jean-Luc Fournival (UNPF), pour qui les conditions de dispensation en ligne sont identiques à celles au comptoir, le pharmacien devant se conformer au respect strict de l’AMM.

À RETENIR


•  Après deux ans de concertation avec la profession, l’arrêté relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments au comptoir et en ligne a été publié le 1er décembre.

•  Si la publication de ce texte a été saluée par l’Ordre, certaines règles dictées méritent des éclaircissements, comme celles concernant la délivrance des stupéfiants, le conseil pharmaceutique ou l’information des médecins…

REPÈRES 

CONSEILLER SELON LES BONNES PRATIQUES

Texte : anne-charlotte navarro – Infographie : Franck L’hermitte