Préparations magistrales : le décret du 4 août rebat partiellement les cartes

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Préparations magistrales : le décret du 4 août rebat partiellement les cartes

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Publié le 5 août 2025 | modifié le 13 août 2025
Par Hakim Saleck
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Le décret du 4 août 2025 précise enfin les modalités de recours aux préparations officinales spéciales (POS) en cas de pénurie de spécialités pharmaceutqiues. Il offre un cadre réglementaire attendu, après plusieurs mois de tensions sur la prise en charge de certaines préparations, comme la quétiapine.

Le décret n° 2025‑760 du 4 août 2025, publié au Journal officiel, est une mise en application concrète de l’article 71 de la LFSS 2024. Sa parution au Journal officiel survient après plusieurs mois de tensions sur le terrain, notamment autour de la quétiapine, et un durcissement contesté des règles de remboursement.

Une réglementation floue

Depuis le printemps, la profession est montée au créneau face à une lecture stricte de la loi par les autorités : selon la Caisse nationale de l’Assurance Maladie (Cnam), aucune prise en charge d’une préparation magistrale ne peut avoir lieu, même en cas de rupture manifeste, tant qu’une recommandation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et un arrêté tarifaire ne sont pas publiés. Résultat : certaines préparations, comme celles à base de quétiapine ou de sertraline, se sont retrouvées à la charge des patients, faute de texte encadrant leur remboursement. Un point de crispation pour les syndicats, qui ont dénoncé une rupture d’égalité d’accès aux soins et une responsabilisation injuste des pharmaciens.

Un cadre enfin posé pour les POS

C’est précisément ce flou que le décret entend clarifier. Il formalise désormais le recours aux POS. En cas de rupture ou de tension sur un médicament d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), le directeur général de l’ANSM peut autoriser la dispensation de préparations officinales encadrées par une monographie. Celles-ci doivent faire l’objet d’un arrêté ministériel précisant les modalités de fabrication, le tarif de remboursement et le prix de vente au public. Les officines devront transmettre un bilan mensuel à l’Agence régionale de santé (ARS) et à l’ANSM.

Cette évolution permet théoriquement de sécuriser le remboursement des préparations magistrales dans un cadre formalisé. Elle reste conditionnée à la réactivité de l’ANSM et à la publication rapide des textes nécessaires. Or, les cas récents ont montré que ces délais sont difficilement compatibles avec la réalité du comptoir. Certains responsables syndicalistes estiment que la charge financière finit par peser sur le patient.

Le décret va encore plus loin

Le décret élargit par ailleurs les pouvoirs de police sanitaire de l’ANSM : en cas de menace de pénurie, l’agence pourra restreindre certaines activités des titulaires (export, conditionnement, etc.) ou importer des médicaments alternatifs, sous certaines conditions.

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Enfin, il introduit une obligation de déclaration en cas de retrait ou suspension de commercialisation d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur (MITM). Si aucune alternative n’est jugée satisfaisante, l’ANSM pourra exiger que le laboratoire cherche un repreneur. Une disposition inspirée du modèle dit de « Florange », déjà évoqué dans d’autres secteurs industriels.

En pratique, ce décret ne bouleverse pas la donne, mais il stabilise un cadre que les pharmaciens attendaient. Il acte la possibilité de recourir aux préparations magistrales dans un cadre sécurisé… à condition que les institutions suivent.

Modèle dit de « Florange »

  • Créé par la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, en protégeant l’emploi local et l’activité industrielle.
  • Concerne les entreprises de plus de 1 000 salariés qui souhaitent fermer un site rentable.
  • Obligation de rechercher un repreneur avant toute fermeture :
    • Informer les représentants du personnel et les autorités publiques.
    • Rechercher activement des offres de reprise.
    • Justifier tout refus de reprise.
  • En cas de manquement à ces obligations : sanctions financières possibles.