LES HONORAIRES DE DISPENSATION DÉJÀ REMIS EN CAUSE

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Publié le 5 novembre 2011
Par Magali Clausener
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Coup de théâtre le 2 novembre dernier : la commission des Affaires sociales du Sénat supprime les honoraires de dispensation prévus par l’article 39 du PLFSS 2012. Une surprise pour les syndicats. L’article 39 marque en effet un changement de cap majeur pour l’officine.

Alors que l’Assemblée nationale a adopté le 2 novembre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2012, la commission des Affaires sociales du Sénat le condamnait le même jour. Une cinquantaine d’amendements doivent être déposés par la commission, qui « entend rejeter, en séance publique, tous les articles établissant des tableaux d’équilibre et des objectifs de dépense […] ».

L’article 39 du PLFSS, qui modifie le champ de la future convention pharmaceutique et introduit des honoraires de dispensation et d’actes pour les officinaux, est également visé. L’alinéa 7, qui doit permettre de déterminer « la tarification des honoraires de dispensation, autre que les marges prévues à l’article L. 162-38, dus aux pharmaciens par les assurés sociaux » a été supprimé. La commission considère en effet que l’article 39 répond de façon incomplète à l’évolution du mode de rémunération proposée par l’Inspection générale des affaires sociales dans son rapport sur le réseau officinal sans une baisse de prix des médicaments. Selon elle, les honoraires de dispensation seront à la charge des assurés.

Une révolution professionnelle pour les pharmaciens

L’amendement « dispensation » représente une mauvaise surprise pour les syndicats professionnels, d’autant que les députés socialistes, même s’ils se sont abstenus pour le vote, soutenaient l’article 39. « Les sénateurs n’ont pas compris. Nous avons pourtant précisé que cette évolution du mode de rémunération se faisait dans le cadre de l’ONDAM. Ils modifient l’article sans avoir pris la peine de consulter au préalable la profession. Nous n’avons pas été auditionnés par la commission », s’insurge Gilles Bonnefond, président de l’USPO. « Les honoraires de dispensation sont en complément de la marge à périmètre constant », souligne également Philippe Gaertner, président de la FSPF. Et d’ajouter, à l’instar de Gilles Bonnefond : « Il va falloir travailler et communiquer auprès des sénateurs sur ce sujet. »

A l’annonce de cet amendement, Michel Caillaud, président de l’UNPF, est plus nuancé : « Cela rejoint toutes les réserves que j’ai déjà émises sur le PLFSS, présenté comme une pierre angulaire de l’économie de l’officine. Mais, pour l’instant, il faut être très prudent car il y a toujours un “jeu” entre l’Assemblée nationale et le Sénat. J’attends la parution du texte définitif dans le Journal officiel. »

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L’enjeu est effectivement de taille. L’article 39 marque un changement de cap essentiel pour les officinaux. Car la future convention pharmaceutique va bouleverser les règles du jeu : le métier du pharmacien, son rôle au sein de l’offre de soins et son implication dans la maîtrise médicalisée. Outre les honoraires de dispensation, la nouvelle convention doit, selon l’alinéa 8, fixer « la rémunération, autre que celle des marges prévues au même article L. 162-38, versée par les régimes obligatoires d’assurance maladie en contrepartie du respect d’engagements individualisés ». Ces derniers « peuvent porter sur la dispensation, la participation à des actions de dépistage ou de prévention, l’accompagnement de patients atteints de pathologies chroniques, des actions destinées à favoriser la continuité et la coordination des soins, ainsi que sur toute action d’amélioration des pratiques et de l’efficience de la dispensation ». « C’est une vraie révolution », commente Philippe Besset, en charge de l’économie à la FSPF. Cela signifie en effet que les syndicats devront négocier avec l’Assurance maladie – dès l’adoption finale du PLFSS – les actes pharmaceutiques pris en charge par les régimes obligatoires, la lettre clé qui y sera associée et par conséquent une nomenclature.

Vers une convention tarifaire et individuelle

La profession travaille déjà avec l’Assurance maladie sur une prise en charge par les régimes obligatoire et complémentaires, en préparation de l’ouverture officielle des négociations. « L’accompagnement des patients chroniques est l’une des pistes retenues, a déclaré Philippe Gaertner lors du 64e Congrès des pharmaciens. Quant à la nomenclature, nous ne savons pas encore si elle portera sur les actes ou les honoraires. » Quoi qu’il en soit, la future convention sera tarifaire et individuelle. La rémunération des pharmaciens dépendra de l’atteinte de leurs objectifs. Ils pourront également être sanctionnés (comme les médecins) s’ils ne respectent pas leurs engagements. De fait, chaque titulaire devra adhérer à la convention. L’instauration d’actes pharmaceutiques remboursés par l’assurance maladie (a priori à hauteur de 65 % et même à 100 % pour les patients atteints d’une ALD) implique aussi des négociations avec les assurances complémentaires pour le financement du reste à charge des patients. « Les contrats santé des complémentaires devront être modifiés pour prendre en compte les actes pharmaceutiques », remarque Philippe Besset.

Le fonctionnement de la nouvelle convention sera en revanche plus lourd. Le texte sera transmis à l’UNCAM pour consultation et vote, et soumis aux règles de l’ONDAM et du comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie. La maîtrise médicalisée sera donc directement appliquée à la profession. « Jusqu’à présent, il n’y avait pas de pilotage pour les pharmaciens. Nous subissions les efforts demandés par l’Assurance maladie. Les mesures de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2011 (baisse du taux de remboursement à 30 %, baisse des prix de médicaments, CAPI, forfaitisation des bandelettes…) ont coûté 150 millions d’euros de marge à l’officine. La nouvelle convention permettra d’avoir l’Assurance maladie comme pilote, un pilote que nous avons choisi. La profession est d’accord pour prendre toute sa part dans la maîtrise des comptes sociaux », décrypte Philippe Besset.

Autre évolution majeure : la restructuration du réseau. L’article 39 intègre le relèvement du seuil d’habitants à 4 500 pour la création d’une deuxième officine dans une commune, et porte le gel des licences après regroupement à 12 ans (contre 5). Il précise également que « toute opération de restructuration du réseau officinal » peut donner lieu « à l’indemnisation de la cessation définitive d’activité d’une ou plusieurs officines » à condition que l’ARS ait donné un avis préalable. « Il n’y aura pas de fonds national pour ces opérations, précise Philippe Besset. Elles se feront sur la base du volontariat et les pharmaciens de proximité seront appelés à abonder le fonds pour indemniser le sortant. S’ils acceptent, ils bénéficieront de l’avantage fiscal qui consistera à passer les fonds dans les charges de l’entreprise. En fait, cet alinéa pose une base législative et c’est le projet de loi de finances rectificative de fin d’année qui fixera les conditions. »

La mise en œuvre de la nouvelle convention n’interviendra donc pas avant fin 2012, voire début 2013. Même si l’article 39 n’est finalement pas modifié lors de l’adoption définitive du PLFSS 2012.

L’ESSENTIEL

• L’Assemblée nationale a adopté le 2 novembre en première lecture le PLFSS 2012.

• Le même jour, la commission des Affaires sociales du Sénat condamnait ce PLFSS et annonçait une cinquantaine d’amendements.

• La commission des Affaires sociales supprime les honoraires de dispensation prévus par l’article 39 du projet de loi.

• L’article 39 va néanmoins changer les règles du jeu pour l’officine avec une future convention tarifaire comportant une nomenclature et des outils de restructuration du réseau officinal.

Comment préserver la protection sociale

La commission des Affaires sociales du Sénat propose pour la branche maladie de « supprimer les dispositifs qui pénalisent les patients » (doublement de la taxe « contrats responsables », franchise sur les médicaments, diminution des indemnités journalières, convergence tarifaire, secteur optionnel et contribution à l’aide juridique pour les procédures sociales).

Elle propose également de nouvelles recettes comme la suppression des mesures « plus coûteuses qu’efficaces » (exonérations de charges sur les heures supplémentaires), l’augmentation de 7 points du forfait social à 15 % et l’augmentation de 0,5 point des cotisations sociales sur les revenus du capital.