Capital et travail vont-ils se rééquilibrer ?

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Publié le 30 octobre 2010
Par Francois Pouzaud
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D’ici quatre ans, 5 000 pharmaciens seront en âge de prendre leur retraite. Les jeunes seront-ils sur les rangs pour prendre la relève ? Pas sûr. Baisse de la rentabilité, prix élevé des officines et difficulté à rembourser des emprunts rendent aujourd’hui plus difficile la perspective d’une belle valorisation du capital. Faut-il changer la donne en rééquilibrant le rapport entre la rémunération du travail, qui a toujours été plus faible, et le capital ? Prospective et avis de spécialistes.

Pendant longtemps, les règles du jeu de l’installation étaient immuables. Le jeune titulaire savait qu’il devait consentir à des sacrifices immédiats au moment d’ouvrir son officine : de longues heures de travail et une rémunération faible de son travail afin de rembourser les emprunts. Et il pouvait espérer, au moment de la revente du fonds, percevoir un revenu différé théoriquement élevé.

Ces schémas établis sont aujourd’hui remis en cause par la prédominance exagérée accordée à la capitalisation. Le marché n’a pas encore tiré les leçons de la dégradation économique dans les prix de vente. Pourtant, l’une des causes principales des difficultés de trésorerie est un prix d’achat trop élevé des pharmacies.

Selon plusieurs études récentes, la valeur des fonds approche en général 8 fois l’excédent brut d’exploitation (EBE), alors qu’elle ne devrait être que 5 à 6 fois supérieure. Dans un contexte de baisse de l’EBE depuis de nombreuses années, il est compréhensible que les officines ne peuvent pas supporter des charges d’emprunt trop lourdes et se retrouvent, pour certaines, dans des situations critiques d’endettement. Car les nouveaux prix de marché n’ont pas intégralement répercuté la baisse de la rentabilité.

Conséquence, les pharmaciens en place vont devoir, à court terme, faire leur révolution culturelle quant à la valeur de leur patrimoine. Et ceux qui leur succéderont ne pourront plus avoir les mêmes certitudes sur le montant de la revente de leur outil de travail. Pourquoi ? La concentration du réseau est inéluctable et certaines officines ne passeront pas le cap des dix prochaines années. De fait, certaines ventes de pharmacies deviendront hypothétiques. A l’inverse, celles qui profitent d’un bon emplacement commercial en milieu urbain ou qui sont regroupées autour d’un pôle médical en zone rurale se vendront toujours à prix fort. D’autres se vendront à peine la moitié de leur valeur, voire en deçà.

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Ce problème va arriver plus vite qu’on ne le pense. La difficulté à céder son officine explique le relèvement de l’âge de la retraite des titulaires. En effet, il existe aujourd’hui des pharmaciens qui ne trouvent pas d’acquéreur aux conditions qu’ils souhaitent et restent, de ce fait, en activité. Ce phénomène, de plus en plus fréquent, devrait encore s’accentuer. Dans la mesure où 5 000 pharmaciens doivent cesser leur activité dans les quatre ans qui viennent, le prix de cession moyen risque de ne pas être toujours à la hauteur des espérances des vendeurs, loi de l’offre et de la demande oblige. Le capital retiré de la revente de l’officine risque donc de devenir plus aléatoire dans l’avenir.

Selon Patrick Bordas, responsable du réseau professions de santé chez KPMG, les pharmaciens doivent désormais envisager des hypothèses de substitution car la consistance du capital va changer dans l’avenir. Mais modifier brutalement le rapport entre la rémunération du travail et celle du capital est difficilement envisageable car cela reviendrait à sacrifier toute une génération de pharmaciens installés, qu’ils soient exploitants ou investisseurs dans des SEL.

Certes, cette solution permettrait sans doute de rembourser plus vite une officine tout en gagnant mieux sa vie. Elle aurait aussi le mérite d’attirer davantage des jeunes vers l’officine, de favoriser leur installation et de redonner de la fluidité au marché des transactions. Mais cela est-il possible ? Pour le savoir, Le Moniteur a interrogé plusieurs spécialistes de la question.