Savoir tenir compte des origines ethniques et linguistiques

Réservé aux abonnés
Publié le 8 décembre 2016
Par Chloé Devis
Mettre en favori

Les pharmacies implantées dans des quartiers où domine une communauté ethnique ou religieuse doivent-elles veiller à ce qu’elle soit représentée au sein de l’équipe ? Les réponses d’une consultante spécialiste de l’officine et d’une pharmacienne.

Difficile, lorsqu’on s’installe dans certains quartiers, d’ignorer les caractéristiques culturelles et linguistiques des populations présentes, et leurs enjeux dans la relation au patient. C’est le constat dressé par Marion Montignies-Trigano, consultante chez Entrela Media, au fil de son expérience : à ses yeux, il est important d’en tenir compte pour le recrutement. «   Par exemple, à Belleville, un des principaux foyers parisiens de la diaspora chinoise, il est nécessaire d’avoir des éléments issus de cette communauté, sinon on ne peut pas répondre à la demande, assure-t-elle. Car si l’on peut perfectionner son anglais, en ce qui concerne le chinois, mieux vaut embaucher un collaborateur dont c’est la langue maternelle   ».

Des codes culturels communs

Pour Jaouhara Hammouche, pharmacienne ayant exercé dans des quartiers multiculturels, sa maîtrise de l’arabe est un atout à plusieurs titres : «   Le fait de pouvoir s’exprimer dans sa langue d’origine permet au patient de se sentir plus en confiance et d’être plus précis dans la formulation de ses problèmes   ». Marion Montignies-Trigano rapporte le cas de cette pharmacie de centre commercial en Seine-Saint-Denis dont le titulaire mise sur l’identification avec la clientèle à travers une équipe majoritairement de culture arabe et musulmane. Jaouhara Hammouche est plus circonspecte face à une telle approche : «   La connaissance du contexte culturel favorise une certaine complicité, mais ne facilite pas le travail   », estime-t-elle. D’après elle, «   la religion ne doit pas entrer en ligne de compte dans le relationnel à l’officine   ». Marion Montignies-Trigano, en revanche, affirme qu’«   avoir un collaborateur capable de souhaiter les fêtes religieuses renforce la proximité et la fidélisation de la clientèle   ».

Reste qu’à privilégier une communauté particulière, le risque est de se couper d’une autre partie de la clientèle. Des pharmaciens du quartier de l’Opéra à Paris en ont fait l’amère expérience, comme le rappelle la consultante. A l’instar des grands magasins, ils ont recruté des vendeuses chinoises pour accueillir les touristes friands de marques dermocosmétiques françaises. Mais les foules déversées par les bus devant les pharmacies ont fini par décourager la clientèle locale, ce qui a conduit les pharmaciens à restreindre l’afflux de ce type de clients. Or, «   si les vendeuses chinoises sont à l’aise avec leurs compatriotes, elles ont des difficultés à s’adapter à la culture et à l’accueil “à la française”, ce qui a requis de les former et de modifier leur fiche de poste   », explique Marion Montignies-Trigano. Autrement dit, le respect de la diversité reste une valeur sûre en matière de recrutement.

Publicité

ANNONCES D’EMPLOI : LA LANGUE OUI, L’ORIGINE NON

Il est toujours bon de le rappeler : la loi considère comme discriminatoire toute référence à l’appartenance ethnique ou religieuse en matière d’embauche. La maîtrise d’une langue, en revanche, est considérée comme une compétence susceptible de figurer dans une offre d’emploi. Dans les faits, « c’est souvent par le bouche-à-oreille à l’échelle locale que les pharmaciens trouvent les personnes qui correspondent à leur clientèle, mais on peut aussi rappeler l’importance d’appartenir à un réseau sur ce sujet difficile qu’est le recrutement, surtout quand il s’agit de profils très spécifiques », note Marion Montignies-Trigano.