Une politique de rémunération à la traîne

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Publié le 24 septembre 2022
Par Francois Pouzaud
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10 000 à 15 000 postes à pourvoir dans les pharmacies d’officine, pharmaciens et préparateurs confondus. Malgré la perspective de missions intéressantes, la profession ne serait plus suffisamment attractive. La solution pourrait tenir en un seul mot : salaire.

Face à la montée de l’inflation et à la crise du pouvoir d’achat, la valeur du point en pharmacie d’officine a été revalorisée par deux fois de 3 % en 2022, soit une augmentation cumulée de 6,09 % depuis le début de l’année. Historiquement, l’évolution du point a toujours été en phase avec celle de l’indice des prix à la consommation (IPC) – instrument de mesure de l’inflation – selon les comparaisons de ces deux paramètres sur la base commune de janvier 2010.

« De manière générale, les négociations de salaires se calquent a posteriori sur l’inflation. Avec cependant une perte de pouvoir d’achat car le différentiel entre les deux courbes n’est jamais rattrapé », observe Olivier Clarhaut, secrétaire fédéral de Force ouvrière pharmacie d’officine. Une politique de « course à l’échalote » qui a vite trouvé ses limites, d’après cette centrale syndicale de salariés. « La stratégie patronale se contente de tenter de compenser l’inflation, sans succès, sans aucune vision dynamique pouvant améliorer l’attractivité de la branche, avec les conséquences que l’on connaît maintenant conduisant à la pénurie de professionnels », poursuit-il.

Salaires, inflation, marge : l’équilibre est rompu

Face à une hémorragie sans précédent de main-d’œuvre qualifiée (10 000 à 15 000 postes sont à pouvoir en officine, selon la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France), qui conduit à une surenchère sur les salaires, la marge de l’officine avec ou sans les activités liées au Covid-19 a du mal à suivre le rythme de l’inflation. « On constate malheureusement un croisement de courbes depuis le mois de juin 2022 », alerte Julien Chauvin, président de la commission études et stratégies économiques à la FSPF. En juillet, la situation a continué de se détériorer : une évolution de l’inflation à + 6,1 %, contre des évolutions de la marge totale de – 3,9 % et de la marge hors Covid de – 0,2 %. « Si on ajoute à cela, l’évolution des salaires en hausse de 6 % depuis le début de l’année, on voit que la rémunération actuelle ne suffit plus », argue-t-il. Et de relever que « le point ne cesse d’augmenter alors que la rémunération de l’officine hors Covid-19 stagne depuis 2016 ».

Si l’activité Covid-19 devait faiblir, l’équilibre économique de l’officine en serait, à coup sûr, fragilisé. Selon les moyennes du cabinet AdequA tirées de son portefeuille clients, en 2021, le coût horaire chargé d’un pharmacien adjoint est de 43,36 €, celui d’un préparateur de 24,09 €, d’un étudiant en pharmacie de 24,61 € et d’un employé de 18,40 €, soit pour un temps complet, un salaire chargé respectivement de 6 576 € pour un adjoint, de 3 653 € pour un préparateur, de 3 732 € pour un étudiant en pharmacie et de 2 790 € pour un employé.

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Le point sur 12 ans

– En 2010, l’accord de salaires en cours portait sur un point à 4,053 €, avant d’être revalorisé à 4,098 € le 1er octobre 2010 (source : FO pharmacie). Il y a eu ensuite trois années sans accord de revalorisation (2011, 2014 et 2017).

– Depuis 2010, la progression du point est de 21,36 %, à mettre en perspective avec l’évolution de l’inflation, qui est de + 20 % de 2005 à 2020 (évolution de l’inflation en base 100 ; source : Interfimo). L’historique des accords de salaires montre que, sur 10 ans, les salaires minima conventionnels (coefficient 100 pour les personnes non qualifiées et 240, anciennement 230, pour les préparateurs en pharmacie) progressent plus vite que la valeur du point. La raison ? A la suite d’une augmentation du Smic, les salaires minima (du coefficient 100 au 170 inclus) se retrouvent inférieurs et donc alignés sur le Smic.

– Au 31 août 2022, la valeur du point s’élève à 4,919 €.